L’épouse de Cédric Chouviat dénonce : « La police m’a dit que mon mari était tombé tout seul »
« On m’a dit que mon mari est tombé par terre tout seul » dénonce Doria Chouviat, l’épouse de Cédric Chouviat.
VIDEO. Doria Chouviat, l’épouse de Cédric Chouviat, ce livreur de 42 ans mort après un contrôle policier à Paris, en appelle au ministre de l’Intérieur Christophe Castaner.
Le dernier contact qu’elle a eu avec son mari ? « C’est triste, mais il est très court. C’était : “Allo chérie, comment ça se passe, la route ? Ça va ?” » Doria Chouviat, l’épouse de Cédric Chouviat, décédé dans la nuit du samedi 4 au dimanche 5 janvier, est elle aussi livreuse. Elle se souvient des derniers mots qu’il lui a adressés :
« Je t’appelais comme ça, c’était juste pour te dire que j’étais de bonne humeur. »
Elle traduit :
« En gros, ça voulait dire : je suis heureux. C’est la dernière fois que j’ai parlé à mon mari. »
Puis l’émotion laisse place à une parole claire, déterminée. Doria Chouviat, l’épouse de Cédric Chouviat, ce livreur de 42 ans mort deux jours après un contrôle routier à Paris en raison d’une « plaque d’immatriculation sale », livre son récit à « l’Obs ».
Selon les premiers éléments de l’autopsie communiqués par le parquet de Paris qui a ouvert une information judiciaire pour « homicide involontaire », le livreur à scooter, père de cinq enfants, a été victime d’une asphyxie « avec fracture du larynx », à l’origine d’un malaise cardiaque lors de son interpellation par une patrouille de police le matin du vendredi 3 janvier à l’angle du quai Branly et de l’avenue de Suffren.
Mise en cause dans le décès, la technique d’interpellation policière dite du « maintien au sol » ou du « plaquage ventral » est, selon les autorités, « encadrée » mais fait régulièrement l’objet de controverses.
« J’espère que le fin mot de l’histoire sera qu’après l’enquête, le jugement, on pourra enfin mettre un terme à cette technique du “plaquage ventral” que personne ne maîtrise et qui est bien souvent utilisée à tort et de façon disproportionnée », assure l’épouse du livreur, qui évoque une « urgence nationale et républicaine ».
Le motif du contrôle reste, à ce stade, encore indéterminé : Cédric Chouviat aurait, selon une source policière, été arrêté car il téléphonait sur son scooter, mais la famille assure que les policiers ont plutôt évoqué une plaque d’immatriculation sale, sans mentionner les conditions violentes de l’interpellation.
Une communication dénoncée par Doria Chouviat dans l’entretien qu’elle nous a accordé :
« On m’explique [les policiers au commissariat, NDLR] que mon mari était très énervé, qu’on ne l’a pas touché. Qu’il a été interpellé parce que sa plaque d’immatriculation était un peu sale, qu’il a fait un malaise et qu’il est tombé par terre tout seul […]. Je me dis que ces gens-là [les policiers, NDLR] m’ont menti. Et pourquoi m’ont-ils menti ? C’est la question qu’il faut se poser […]. L’autopsie parle d’une fracture du larynx. Il faut imaginer la violence et l’acharnement. »
Cédric Chouviat. (Collection personnelle famille Chouviat/« l’Obs »)
« Culture de l’impunité et du déni »
Mardi matin, les avocats de la famille avaient dévoilé des vidéos de l’interpellation de Cédric Chouviat après un appel à témoignages. Une première captation montre le livreur tournant nerveusement autour des policiers en les filmant. Une autre le montre ensuite à plat ventre se débattant, toujours casqué, sous le poids de trois policiers, puis inerte sur d’autres images.
Les vidéos ne montrent pas sa chute, mais « deux témoins indiquent qu’il a subi une clé d’étranglement », avait déclaré Me Arié Alimi, un des avocats de la famille Chouviat, ajoutant que « l’état cardiovasculaire antérieur » du livreur, évoqué par le parquet, correspond à « une hypertension qui n’a aucun lien avec les causes de la mort ».
« Il n’y a aucun doute sur le fait que les modalités d’interpellation – la clé, le plaquage ventral, l’étouffement – étaient inappropriées et hors de proportion », avait également indiqué Me William Bourdon, autre conseil de la famille, fustigeant une « culture de l’impunité et du déni qui encourage et déresponsabilise les policiers ».
« Nous prendrons toutes les sanctions nécessaires »
Une plainte a été déposée mardi par les avocats de la famille de Cédric Chouviat pour « violences volontaires par personnes dépositaires de l’autorité publique ayant entraîné la mort sans intention de la donner » afin d’obtenir la saisine d’un juge d’instruction.
« Il y a une enquête qui a débuté et qui a révélé des éléments qui interrogent gravement », a réagi le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, en marge des vœux du syndicat policier Unsa-Police, souhaitant « que toute la transparence soit faite ».
« A partir de là, s’il y a des fautes qui sont caractérisées, nous prendrons toutes les sanctions nécessaires […]. De plus, nous étudierons les conditions de cette intervention et nous en tirerons toutes les conclusions techniques qui sont nécessaires […]. S’il est établi qu’une technique, quelle qu’elle soit, et je ne suis pas dans l’affirmative, peut générer la mort d’un homme, évidemment nous étudierons la question de suspendre cette technique », a aussi affirmé le ministre.
Tout en déplorant une « épouvantable tragédie », l’avocat des quatre policiers impliqués dans l’interpellation, Thibault de Montbrial, a, de son côté, défendu mercredi la « proportionnalité » de leur réaction face à un individu qui aurait « résisté » à son contrôle et fait preuve « d’agressivité ».
Le Défenseur des droits se saisit de l’affaire
Jeudi 9 janvier, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, chargé de veiller au respect de la déontologie des personnes exerçant des fonctions de sécurité et de maintien de l’ordre sur le territoire français, a annoncé se saisir « d’office » pour se pencher sur les circonstances du décès du livreur. « Une instruction va être ouverte. On va regarder les circonstances de l’intervention et si les règles de déontologie ont été respectées », a précisé la porte-parole de cette autorité administrative indépendante, confirmant une information de « RTL ».
Il y a tout juste un an, cet organe consultatif avait plaidé en faveur de la « suspension » de l’usage des lanceurs de balles de défense (LBD) par les forces de l’ordre, à la suite des nombreuses blessures constatées parmi les manifestants lors des rassemblements des « gilets jaunes ».
Source : L’Obs
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