Le militant David van Hemelryck a-t-il été interpellé pour une banderole appelant à la destitution de Macron ?
L’activiste a été interpellé dimanche pour «participation à une manifestation non autorisée», selon la convocation qui lui a été remise. Un motif qui n’est pas infractionnel. Convoqué au commissariat ce 26 septembre, il a annoncé qu’il ne s’y rendrait pas.
David van Hemelryck en août. (Ingrid Hoffmann/Opale photo)
par Jacques Pezet
publié le 26 septembre 2023 à 7h16
Dimanche 24 septembre, aux alentours de 8h30, une poignée de personnes ont été interpellées sur le Champ-de-Mars, à Paris. Selon des images filmées par l’agence LDC News et par une des personnes interpellées, deux groupes de policiers ont encerclé les manifestants qui arboraient des tee-shirts blancs recouverts de l’inscription «#D» sur la poitrine, et «#Destitution» dans le dos, ainsi qu’une banderole également recouverte du mot «#Destitution». Les images postées par LDC News indiquent que le groupe a également mené une action devant l’Assemblée nationale, devant laquelle il s’est filmé avec la banderole déployée. Le député Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) s’est fait le relais de ces images, tout en accusant Emmanuel Macron d’avoir ainsi «fait arrêter quatre personnes pour délit d’opinion».
Derrière cette action, on retrouve le militant politique David van Hemelryck, qui a posté des images du contrôle de police en direct sur son compte X (nouveau nom du réseau social Twitter). Entre 8h26 et 8h44, il a publié deux vidéos durant son interpellation et deux messages, dont un dans lequel il affirme qu’il allait se trouver «bientôt [en] garde à vue pour avoir dit “le peuple, c’est le boss, l’employé, c’est Macron”».
Convoqué pour une «audition libre»
Cet activiste s’est fait connaître à partir de 2013, lors des manifestations contre le mariage pour tous, en survolant des plages et perturbant des cérémonies officielles à l’aide d’un ULM suivi d’une banderole «Hollande démission». Après le départ de l’Elysée du président socialiste, il poursuit ses actions en appelant désormais à la destitution d’Emmanuel Macron. Ce soutien d’Eric Zemmour à la dernière élection présidentielle a également exprimé son animosité contre Emmanuel Macron lors des mouvements de gilets jaunes ou d’opposition à la vaccination contre le Covid.
Joint par CheckNews dès dimanche, David Van Hemelryck raconte qu’après avoir été interpellé sur le Champ-de-Mars, il a été emmené dans un commissariat et que les policiers «ne répondaient pas à Juan Branco alors que je l’ai publiquement déclaré comme étant mon avocat y compris à voix forte en entrant dans le commissariat». L’avocat en question s’est fait le relais sur Twitter de l’action de son client, annonçant sa libération dès 12h06.
Pour quel motif Van Hemelryck a-t-il été interpellé ? Une certaine confusion régnait sur le sujet lundi. Côté police, la préfecture nous a d’abord indiqué que trois personnes avaient été interpellées à Paris «pour organisation d’une manifestation non déclarée». Sauf que David van Hemelryck, après quatre heures dans le commissariat, est ressorti avec une convocation, dont il a transmis une copie à CheckNews. Et sur ce document, on peut lire qu’il est invité à se rendre ce mardi dans un autre commissariat parisien pour une «audition libre dans le cadre d’une procédure ouverte et diligentée à [son] encontre pour des faits de participation à une manifestation non autorisée». Contactée à nouveau, la préfecture est revenue sur ses déclarations, indiquant que «la convocation fait foi». C’est donc bien pour «participation à une manifestation non autorisée», que David van Hemelryck et ses deux acolytes ont été emmenés au poste.
Pas encore de poursuites
Problème, comme l’a souligné Juan Branco, et comme l’avait rappelé le Conseil d’Etat en mars (contredisant une déclaration fausse du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin), la simple participation à une manifestation non déclarée n’est pas un délit. C’est l’organisation d’une manifestation sans déclaration au préalable qui est passible de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende, d’après l’article 431-9 du code pénal, ou bien la participation à une manifestation interdite (c’est-à-dire pour laquelle il existe un arrêté interdisant le rassemblement) qui est punie d’une contravention forfaitaire de 135 euros.
Pour qu’un participant à une manifestation non déclarée soit interpellé par des policiers, il faut qu’il commette une infraction, que ce soit en engendrant un risque de trouble à l’ordre public, ou ne respectant pas les sommations des policiers qui chercheraient à disperser les manifestants. Or, aucun de ces faits ne figure dans la convocation.
Interrogé par CheckNews, le professeur de droit pénal à l’université de Cergy, Olivier Cahn note que dansle cas de David van Hemelryck «on a un individu qui est convoqué pour un acte de procédure pénale, c’est-à-dire un acte judiciaire, pour un comportement qui n’est pas infractionnel, puisque manifestement il n’avait pas d’armes, il n’a pas refusé de disperser [la manifestation] après l’ordre parce qu’il a été tout de suite interpellé.»
Le parquet de Paris indique que «l’interpellation et la convocation pour audition ou le placement en garde à vue sont […] des décisions à l’appréciation des officiers de police judiciaire. Dans un deuxième temps, lorsqu’il est rendu compte au parquet, c’est le magistrat qui retient quelle qualification lui semble le mieux correspondre à la situation et pouvoir, ou non, être retenue dans le cadre de l’opportunité des poursuites.» A ce stade, David van Hemelryck ne fait pas encore l’objet de poursuites judiciaires.
Accusant les forces de l’ordre et les magistrats d’avoir arrêté arbitrairement son client ce dimanche, Juan Branco a annoncé que David van Hemelryck «n’ira pas» à sa convocation, ce mardi. Ce que confirme l’intéressé à CheckNews.
Source : Libération
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