Le combat de Christine aux côtés de son mari, ancien CRS diagnostiqué Alzheimer à 54 ans
En 2009, Yves assurait la sécurité sur une course cycliste.
« Bonjour, je me surnomme Bubu, j’ai 59 ans et la plupart d’entre vous, ne me connaissez pas. Je n’ai jamais voulu être sur les réseaux sociaux.
Je suis le mari de Christine et le papa de mes deux amours de jumelles Louise et Anaïs, âgées aujourd’hui de 25 ans.
J’ai effectué toute ma carrière dans la Police Nationale – à la PP à Paris, à la FMU de Clermont-Ferrand puis à la CRS 48 basée initialement à Aubière puis à Châtel-Guyon dans le Puy-de-Dôme. J’adorais mon métier, j’étais passionné de moto.
Je l’ignore bien sûr, mais elle a écrit au Président de la République et à Laurent Wauquiez, Président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, afin d’alerter les pouvoirs publics sur le fait que chacun d’entre nous peut être concerné par cette maladie (ou toute autre d’ailleurs) et qu’il faut vite prévoir des structures pour les malades jeunes et davantage d’unités pour les moins jeunes. C’est une urgence absolue.
De même, le coût draconien doit être revu largement à la baisse ; il faut recruter davantage de personnels et surtout qu’ils soient mieux payés et considérés car ils font un travail remarquable, dur et dévoués à autrui.
Plus de 2 mois se sont écoulés. Je vais devoir quitter l’hôpital (il n’y a plus de bonnes raisons pour que je reste et il faut laisser ma place à une autre personne). Je vais être transféré en Soins Médico Techniques Importants (SMTI) la semaine prochaine, j’ai de la chance, une place se libère. Je remercie énormément mes aides soignantes, mes infirmières et mon docteur Anaïs M., vous allez me manquer mais aussi à Christine et à mes filles ! Vous faites un travail formidable et vous m’avez beaucoup choyé.
J’ai déménagé le 06 août dernier. Mes voisins de couloir sont Georges, Paulette, René,….. je ne les connais pas mais je crois que je suis un gamin à comparer d’eux ! Ma chambre est vétuste et petite mais bon, l’essentiel est qu’il y ait une bonne équipe médicale !
Presque 3 semaines se sont écoulées dans la chambre 113. Christine a fait le bilan hier avec le médecin : prise de sang bonne, tension idem……il y a juste cette satanée de maladie qui me détruit de jour en jour.
Un jour, je ne boirai plus, un jour je ne mangerai plus, un jour je m’en irai.
Depuis le début de mon hospitalisation, j’ai eu la visite d’anciens collègues qui avaient été informés auparavant, par ma Christine de mon triste état. Et tous ont pris une grande claque dans la gu..le !
✌amitiés motardes ! A bientôt ! Bubu
Je me suis habitué à ma chambre 113. Les infirmières, les aides soignantes et le médecin du service Trousseau, tout le monde s’occupe bien de moi. Leur travail est remarquable, leur dévouement et leur gentillesse sont exemplaires. Cela fera 3 mois le 6 novembre que je suis ici.
Depuis hier, 31 octobre, mes yeux commencent à se fermer, je m’en vais tout doucement.
Voilà, je suis parti cette nuit.
A ceux que j’aime et qui m’aiment !
Quand je ne serai plus là, relâchez-moi,
Laissez-moi partir.
J’ai tellement de choses à faire et à voir.
Ne pleurez pas en pensant à moi,
Soyez reconnaissants pour les belles années,
Je vous ai donné mon amitié.
Vous pouvez seulement deviner
Le bonheur que vous m’avez apporté.
Je vous remercie de l’amour
que chacun vous m’avez démontré,
Maintenant, il est temps de voyager seul.
Pour un court moment vous pouvez avoir de la peine.
La confiance vous apportera réconfort et consolation.
Nous serons séparés pour quelque temps.
Laissez les souvenirs apaiser votre douleur.Je ne suis pas loin et la vie continue…
Si vous avez besoin, appelez-moi et je viendrai.
Même si vous ne pouvez me voir ou me toucher, je serai là.
Et si vous écoutez votre cœur, vous éprouverez clairement
La douceur de l’amour que j’apporterai.Et quand il sera temps pour vous de partir,
Je serai là pour vous accueillir.
Absent de mon corps, présent avec Dieu.N’allez pas sur ma tombe pour pleurer,
Je ne suis pas là, je ne dors pas,
Je suis les mille vents qui soufflent,
Je suis le scintillement des cristaux de neige,
Je suis la lumière qui traverse les champs de blé,
Je suis la douce pluie d’automne,
Je suis l’éveil des oiseaux dans le calme du matin,
Je suis l’étoile qui brille dans la nuit.
N’allez pas sur ma tombe pour pleurer,
Je ne suis pas là. Je ne suis pas mort.
Témoignage
« On a pris une grande claque dans la figure » : le combat de Christine aux côtés de son mari, ancien CRS diagnostiqué Alzheimer à 54 ans
En 2009, Yves assurait la sécurité sur une course cycliste. À l’époque, le policier n’avait encore ressenti aucun des symptômes qui mèneront au diagnostic posé en 2014. © JEAN -LOUIS GORCE
Avec d’autres policiers de la CRS 48, le mari de Christine revenait d’un déplacement à Grenoble qui avait été très difficile pour les motards. Ses collègues de Châtel-Guyon (Puy-de-Dôme) ont trouvé que quelque chose n’allait pas et lui ont conseillé de se reposer.
Au départ, le couple qui habite la banlieue clermontoise pense à de la fatigue. Un rendez-vous chez le médecin, une prise de sang, quelques analyses plus tard, beaucoup de maladies sont écartées. C’est une ponction lombaire qui révèle le terrible diagnostic : Alzheimer.
« On a pris une grande claque dans la figure. Il n’avait que 54 ans, on ne s’attend pas du tout à ça. Je pensais que ça ne touchait que les personnes âgées, malheureusement pas du tout. »
Christine
Attirer l’attention sur les malades dits « jeunes »
A l’occasion de la Journée mondiale d’Alzheimer, ce samedi 21 septembre, elle a voulu témoigner pour attirer l’attention sur les malades dits « jeunes ». Selon France Alzheimer, 20.000 personnes de moins de 65 ans seraient atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de maladies apparentées dont 5.000 de moins de 60 ans.
Maladie d’Alzheimer : distinguer le vrai du faux
Dans le jardin de sa maison de Tallende, Christine parle d’une voix claire mais l’émotion est palpable. « On avait tout pour être heureux et tout s’est arrêté », lâche la quinquagénaire, dans un soupir. Avec le recul, elle s’est rendu compte qu’il y avait eu des signes. « Plein de choses que je n’ai pas analysées sur le moment. Il était devenu un peu tête en l’air, il s’énervait, des choses qui ne lui seraient jamais arriver avant… », se souvient-elle.
Aucune issue médicamenteuse
Les espoirs de traitements et de soins sont rapidement écartés : « Il était trop atteint pour faire partie d’un protocole et il n’y avait aucune issue médicamenteuse ».
Le neurologue nous a expliqué que plus la maladie se déclare jeune, plus ça va vite. Effectivement…
La vie change. La maladie évolue rapidement. Petit à petit, le couple renonce à ses passions. « On a vendu les motos parce que j’avais tellement peur qu’un jour il confonde l’accélérateur et le frein. On a arrêté les voyages parce que lors du dernier, en 2016 aux États-Unis, j’ai failli le perdre dans l’aéroport. J’avais promis que je l’emmènerais en Grèce voir les Météores, un voyage qu’on devait faire à moto depuis des années… Et tout s’est arrêté », regrette la quinquagénaire.
« Il n’avançait plus, on aurait dit un vieillard »
Fin 2016, Yves a dû renoncer à conduire, « une épreuve terrible pour lui. Sans voiture, il se sentait en prison », se souvient Christine. Même la marche devient difficile.
Pour autant, Christine ne baisse pas les bras. Elle se bat pour deux, pour son mari, le père de ses deux filles d’une vingtaine d’années. Yves est passionné d’animaux. Elle l’emmène au zoo de Beauval, découvrir les loups de Chabrières, à l’APA de Gerzat voir les chats. Ce contact est bénéfique pour les malades. La famille accueille donc un chien et quatre chats.
Mieux comprendre Alzheimer, pour mieux lutter
Toujours à ses côtés, elle veille sur lui et partage chaque instant du quotidien, à la maison comme à l’extérieur où elle tente de préserver une vie « normale ». Mais avec un handicap invisible, le monde extérieur n’est pas toujours bienveillant.
Entre colère et tristesse, Christine se souvient : « Au supermarché, il parlait à des gens qu’il croyait connaître mais qu’il ne connaissait pas. On avait des remarques quand on se garait sur une place réservée pour les handicapés. Les gens regardaient si on avait un macaron, se demandaient pourquoi on était là… Une fois, j’ai dû dire à une dame que le handicap n’est pas forcément physique. Ce qui a été affreux pour moi, c’est le regard des gens, la moquerie… Il fallait toujours se justifier. »
Au niveau médical, Yves reçoit tous les traitements possibles mais rien n’y fait
Il confond les objets, une fourchette à la place d’une cuillère, il ne sait plus monter dans la voiture, ni ouvrir la portière ou mettre sa ceinture. L’homme discret et qui ne se plaignait jamais devient agressif, méchant, violent envers ceux qui viennent pour ses soins.
« Je ne vous explique même pas la douleur, la détresse, les larmes que j’ai versées en le laissant au milieu de personnes qui ont minimum 80 ans alors que lui n’en a que 59. »
Pour pouvoir se reposer, Christine place son mari à l’accueil de jour de Ceyrat, dans les locaux de l’Ehpad. « A chaque fois que le taxi venait le chercher, il devenait méchant, grossier. Il avait conscience de la situation et ça lui faisait mal. Malgré le personnel super sympa et très compétent, je suis persuadée qu’avec des gens beaucoup plus jeunes, à faire des activités adaptées à sa génération et à son âge, ça n’aurait pas été aussi vite. »
Hospitalisé mi-mai pour des problèmes de santé, il a été transféré dans un service de SMTI (soins médicaux techniques importants) à Billom. A demi-mot, Christine évoque aussi le coût de cette prise en charge : « Malgré sa pension de retraite et les aides qu’on a, il faudra voir… on changera de train de vie, c’est tout ».
Je veux que les gens prennent conscience que ce n’est pas qu’une maladie de vieux et que toute la souffrance endurée est terrible.
Aujourd’hui, l’homme sportif qui ne fumait pas et ne buvait pas est cloué sur un lit d’hôpital. Il est muré dans le silence. Il ne reconnaît plus son épouse et ses filles qui se relaient pour le faire manger chaque soir. « C’est terrible. En fait, c’est la dernière étape. Ça durera tant qu’il ouvre la bouche pour manger et pour boire », souffle Christine.
Aujourd’hui, Christine se bat pour elle et pour tous les autres
Son dernier combat sera pour rapprocher son mari d’elle en lui obtenant une place à l’Ehpad à Veyre-Monton, à 3 km, mais la liste d’attente est longue.
En chiffres
900.000 personnes seraient atteintes en France
60 % des malades sont des femmes
1,2 % à 2 % des cas sont héréditaires
(Données Inserm)
Comme une bouteille à la mer, elle a écrit au président de la République et au président de Région : « Pour moi, les dés sont jetés mais, pour éviter que les autres vivent la même situation, il faut absolument qu’on crée des établissements pour des malades jeunes. Parce que de toute façon, il y en aura de plus en plus ».
Source : La Montagne
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