« La vieille mœuf du jeune Trou-Duc », de Hans Satan Misansen
« Mais il me semble que ce n’est qu’un vieux bouc »
« La vieille mœuf du jeune Trou-Duc », de Hans Satan Misansen
« Quoi qu’il en coûte, il faut que je reste jusqu’à la fin ! »
mercredi 24 février 2021, par Lionel Labosse
Il y avait autrefois un jeune Trou-Duc qui aimait tant les vieilles mœufs, qu’il dilapidait un véritable trésor au bordel « Couguar Hey, pad ! » où il se rendait masqué, discrètement filé par quelque paparazzi secrètement accrédité. C’était comme ça – selon d’incessants reportages exclusifs de Gaga ou de Close-up – neuves ou veuves, les mœufs lui faisaient un effet beuf ! Lorsqu’il passait ses vigiles blacks en revue, lorsqu’il allait au club libertin ou au fort de Brégarçon, il n’avait d’autre but que de reluquer les générales, les doyennes & les passantes cacochymes en déambulateur. C’était du moins la consigne que lui avait donnée Mimi Makrel, sa conseillère image pas bien famée, et chaque fois qu’il se livrait à ces simagrées, elle plaçait un paparazzi choisi en embuscade. À chaque heure de la journée, il se tapait une vieille mœuf, et comme on dit d’un roi : « Il est au conseil de défense » la presse pipole tuyautée par Mimi Makrel disait de lui : « Le jeune Trou-Duc est à l’Hey, pad. »
La capitale était une ville bien gaie, grâce à la quantité de touristes réglementairement pourvus de passes vaxinaux ; mais un jour il y vint aussi deux fripons qui se donnèrent pour des macs de l’institut Quinesait. Cet institut avait été fondé par un vieux druide, DJ Hrraoutt, exilé du royaume de Franconnerie pour charlasatanisme par l’empereur Chloro Quint, à la demande du pape Véreux Ier de la Sainte-Incorruption. Sous le nouveau nom de Marabout Love ben Zebulon, le druide DJ Hrraoutt dispensait son savoir à l’université de Quinesait où nos deux macs, Idriss Haber-Canus & Juan Brancolini, avaient assidûment suivi ses séminaires d’ingénierie espéciale. Ces deux écornifleurs déclarèrent être en mesure de générer la plus magnifique vieille peau du monde, sous la forme d’une outre à apparence humaine. Non seulement les pores & les perruques en seraient extraordinairement fins, mais les vioques confectionnées avec cette peau posséderaient une qualité merveilleuse : elles deviendraient masculines pour toute personne qui aurait l’esprit trop complotiste ou antivax, qui mériterait alors d’être suspendue de son emploi. En outre, avec le surplus de peau, on pourrait relier des livres qui envoûteraient le lecteur au point de lui faire croire n’importe quel baratin contenu dans la substantificque moelle entre les pages.
« C’est une vieille peau impayable, pensa le jeune Trou-Duc ; grâce à iel, je pourrai débusquer les incapables de mon gouvernement : je saurai distinguer les premiers de cordée des gueux. Oui, cette vieille peau m’est indispensable. J’ai l’âge de me passer du « Couguar Hey, pad ! » et même de Mimi Makrel. »
Puis il avança aux deux macs de Quinesait une forte commission en éphèbes & jeunes vierges, afin qu’ils pussent commencer immédiatement leur tannage & autres délicates opérations de bibliopégie anthropodermique.
Ils édifièrent en effet une tannerie, et firent semblant de travailler, quoiqu’il n’y eût absolument rien dans la Golette, ainsi nommaient-ils la cuve magique où se concoctait la peau miraculeuse de la vieille cocotte. Sans cesse ils demandaient des vierges & des éphèbes ; mais ils expédiaient tout cela dans leur île de Petite-Saint-Jacques, travaillant jusqu’au milieu de la nuit dans la Golette vide.
« Il faut cependant que je sache où ils en sont, » se dit le jeune Trou-Duc.
Mais il se sentait le cœur serré en pensant que les personnes à l’esprit trop complotiste ou antivax ne pourraient voir qu’un vieux macaque dans la merveilleuse couguar qu’il guignait. Ce n’était pas qu’il doutât de lui-même ; toutefois il jugea à propos d’envoyer quelqu’un en éclaireur pour examiner le tannage des peaux de vierges & d’éphèbes. Tous les habitants de la ville connaissaient la qualité merveilleuse de la vieille peau, et tous brûlaient d’impatience de savoir combien leur voisin était complotiste, voire antivax, et méritait d’être suspendu de son emploi.
« Je vais envoyer aux tanneurs mon bon jeune porte-péteux, pensa le jeune Trou-Duc, c’est lui qui peut le mieux juger les vieilles peaux ; il se distingue autant par son arrivisme que par sa psychopathicité. »
L’arriviste jeune porte-péteux entra dans la salle où les deux imposteurs s’activaient dans la Golette vide.
« Bon Satan ! pensa-t-il en ouvrant de grands yeux, je ne vois qu’un vieux macaque dans la cuve. » Mais il n’en dit mot.
L’expérience de Asch, selon le druide de l’institut Quinesait. © IHU Méditerranée – infection, 22 janvier 2022.
Les deux tanneurs l’invitèrent à s’approcher. Ils lui proposèrent un joint de Asch en provenance directe de l’institut Quinesait, et lui demandèrent comment il trouvait le grain de la peau & le fond de teint. En même temps ils montrèrent leur Golette, et le jeune porte-péteux y fixa ses regards. Il aspira profondément sur le joint de Asch ; un grand raout se fit en lui, mais il ne vit rien qu’un vieux macaque, par la raison bien simple qu’il n’y avait qu’un vieux macaque dans la cuve.
« Bon Satan ! pensa-t-il, serais-je vraiment complotiste ? Il faut que personne ne s’en doute. Serais-je vraiment antivax ? Je n’ose avouer que cette peau est d’une vieille biquerie tout ce qu’il y a de plus masculine à mes yeux.
– Eh bien ! qu’en dites-vous ? dit le tanneur Idriss Haber-Canus.
– Séduisant, c’est tout à fait séduisant ! répondit le jeune porte-péteux en ajustant son masque sur son groin & se lavant les mains au gel hydroalcoolique. Ce grain, ces pores, cette épilation… oui, je dirai au jeune Trou-Duc que j’en suis très content.
– C’est heureux pour nous, » dit Juan Brancolini, et les deux tanneurs lui montrèrent sur leur créature des perruques & des vergetures imaginaires en leur donnant des épithètes valorisantes. Le jeune porte-péteux prêta la plus grande attention, pour répéter – sa fonction n’était-elle pas de porter le pet ? – au jeune Trou-Duc toutes leurs explications.
Les fripons demandaient toujours des vierges & des éphèbes ; il en fallait énormément pour les écorcher vifs, éviscérer & concocter cette vieille cocotte. Bien entendu qu’ils expédièrent le tout dans leur Petite-Saint-Jacques ; la Golette restait vide et ils travaillaient toujours.
Quelque temps après, le jeune Trou-Duc envoya un autre fonctionnaire présumé honnête homme – du moins selon Mimi Makrel qui l’avait élu – pour examiner la cocotte & voir si elle s’achevait. Il arriva à ce nouvel émissaire la même chose qu’au ministre ; il regardait & regardait toujours, tirant sur le joint de Asch le plus profondément qu’il était possible en ses capacités de fonctionnaire aspirant à des promotions rapides, mais ne voyait rien.
« N’est-ce pas que le grain de cette vieille peau est admirable ? demandèrent les deux imposteurs en montrant & expliquant les perruques & vergetures admirables qui n’existaient pas.
– Cependant je ne suis pas antivax ! pensait l’homme. C’est donc que je serais complotiste à mon insu de mon plein gré ? C’est assez drôle, mais je prendrai bien garde d’éviter d’être suspendu de mon emploi. »
Puis il fit l’éloge des perruques, et témoigna toute son admiration pour le choix des nuances d’épiderme & le dessin des vergetures.
« C’est d’une magnificitude incomparable, » dit-il au jeune Trou-Duc, et toute la ville parla de cette vieille peau de couguar extraordinaire telle que la vantaient Close-up & Gaga.
Enfin, le jeune Trou-Duc lui-même voulut la voir pendant qu’elle était encore dans la Golette. Accompagné d’une foule d’hommes choisis par Mimi & parmi lesquels se trouvaient les deux nonnêtes fonctionnaires, il se rendit auprès des adroits filous qui tannaient toujours, mais sans épiderme, ni aucune espèce de cheveu.
« N’est-ce pas que c’est magnificiteux ! dirent les deux nonnêtes. Vergetures & perruques sont dignes de Votre Altesse. »
Et ils montrèrent du doigt la Golette vide, comme si les autres avaient pu y voir quelque chose.
« Qu’est-ce donc ? pensa le jeune Trou-Duc, je ne vois rien. C’est terrible. Est-ce que je ne serais qu’un antivax ? Est-ce que je serais complotiste ? Jamais rien ne pourrait m’arriver de plus tragique que d’être suspendu de ma charge trouducutière. » On lui glissa en main un joint de Asch allumé, sur lequel il pompa comme un collégien sur un pipo à un trou dans un cours de théâtre. Puis tout à coup il s’écria : « C’est magnificitant ! J’en témoigne ici toute ma suffisance. »
Il hocha la tête d’un air satisfait, et regarda la Golette sans oser dire la vérité. Tous les godillots de son parti regardèrent de même, les uns après les autres, mais sans rien voir, et arrondissant leur bouche en cul-de-poule, ils répétaient comme le jeune Trou-Duc cornaqué par Mimi Makrel : « C’est magnificitard ! » Ils lui conseillèrent même d’épouser cette vieille peau à la première grande partie élyséenne. « C’est magnifique ! c’est charmant ! c’est admirable ! » vessaient tous les culs-de-poules, et la satisfaction était générale.
Idriss Haber-Canus & Juan Brancolini, nos deux imposteurs, furent décorés de la Légion d’honneur, comme cela lacombe aux plus grands serviteurs du duché, et reçurent le titre de gentlemen tanneurs.
Toute la nuit qui précéda le jour de la partie de noces, ils veillèrent & travaillèrent à la clarté de seize vierges. La peine qu’ils se donnaient était visible à tout le monde. Enfin, ils firent semblant de tirer la vieille cocotte de la Golette, la coiffèrent dans l’air avec de grands ciseaux, la frottèrent avec un gant sans crin, après quoi ils déclarèrent que la vieille peau était achevée.
Le jeune Trou-Duc, suivi de ses potes de camp, alla l’examiner, et les filous, faisant un baisemain comme s’ils tenaient une main humaine, dirent :
« Voici cette vieille peau. Elle est féminine comme un mannequin de magazine. Il n’y a pas de danger que cela vous pèse sur la conscience, comme lorsque vous fréquentiez le « Couguar Hey, pad ! », et voilà surtout en quoi consiste la vertu de cette vieille peau. En guise de cadeau, ils remirent au jeune Trou-Duc un ouvrage précieux prétendument relié avec le reliquat de peau, en bibliopégie anthropodermique. En réalité, c’était un livre à couverture de carton, mais personne ne pipa mot et on lut avec déférence & prosternation le titre : La Grande Recette, substantificque ouvrage du mage Klaus Trofob. « Avec ça, tous les gueux croiront que deux & deux font la guerre de trois si c’est vous qui le leur dites, altesse », dit Juan Brancolini, tandis qu’Idriss Haber-Canus précisait en clignant de l’œil : « Et vous pourrez changer des crottes de nez en or ! »
– Certainement, hochèrent les potes de camp ; mais revenant à nos moutons, ils ne voyaient pas de vieille peau, puisqu’il n’y avait qu’un vieux bouc.
– Si Votre Altesse daigne revêtir ce costume trois pièces, dirent les fripons, nous lui essayerons la vieille peau devant la psyché. »
Le jeune Trou-Duc se vêtit en époux, et les filous firent semblant de lui présenter la vieille cocotte qui prétendaient-ils n’avaient pas de service trois pièces. Ils lui prirent la main comme pour lui attacher une alliance. Il se tourna & se retourna devant la vieille peau.
« Grand Satan ! Qu’elle est bielle ! quelle coiffure élégante ! s’écrièrent tous les courtisans. Quels pores ! quelles vergetures ! quel précieuse perruque ! »
Le grand maître des cérémonies, Alexis Réant de la Garçonnière, entra.
« La loge macaronique sous laquelle Votre Altesse doit assister à ses noces est au Louvre, dit-il. Je suis toujours là pour vous servir, ajouta-t-il en s’éclipsant & clignant de l’œil : cerf viteur.
– Bien ! nous sommes prêts, répondit le jeune Trou-Duc. Je crois que nous sommes un beau couple ainsi. »
Et il se tourna encore une fois vers la vieille peau pour bien sniffer l’effet de leur splendeur.
Les chambellans qui devaient congratuler la cocotte firent semblant de lui baiser la main ; puis ils firent des cornes avec leurs doigts, ne voulant pas convenir qu’ils ne voyaient qu’un vieux bouc. Il eût été malséant de couler une belle en cette occasion.
Tandis que le jeune Trou-Duc pérorait fièrement à la noce sous sa loge macaronique en forme de rotonde, tous les journaliste invités à cette partie s’écriaient : « Quelle superbe vieille peau ! Comme les vergetures en sont gracieuses ! Comme la perruque en est parfaite ! » Nul ne voulait laisser voir qu’il ne voyait qu’un vieux bouc ; il aurait été déclaré antivax ou complotiste, suspendu de son emploi. Jamais les couguars du jeune Trou-Duc – Gaga & Close-up en faisaient foi – n’avaient excité une telle admiration.
« Mais il me semble que ce n’est qu’un vieux bouc, observa un petit enfant.
– Seigneur Satan, entendez la voix de l’innocence ! » cul-de-gloussa son journaliste de père, rouge comme un coq à qui on arrache une plume.
Et bientôt on caqueta dans la clique en répétant les paroles de l’enfant.
« Il y a un petit enfant qui dit que le jeune Trou-Duc n’a épousé qu’un vieux bouc !
– Ce n’est pas du tout une vieille peau ! » s’écria enfin à l’unisson le peuple plumitif.
Le jeune Trou-Duc en fut extrêmement mortifié, car il lui semblait qu’ils avaient raison. Cependant il se raisonna et prit sa résolution :
« Quoi qu’il en coûte, il faut que je reste jusqu’à la fin. J’ai envie d’emmerder ! »
Puis, il se redressa plus fièrement encore, et les chambellans continuèrent à baiser avec déférence & prosternation la main invisible de la vieille peau qui n’existait pas. Mimi Makrel se frottait les siennes & Alexis Réant de la Garçonnière ferma les rideaux de la rotonde en clignant de l’œil.
Hans Satan Misansen, c/o Lionel Labosse
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Source : Alter sexualité
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