La vie d’un Arménien a-t-elle moins de valeur que celle d’un Ukrainien ?
Pour la communauté internationale, la vie d’un Arménien a-t-elle moins de valeur que celle d’un Ukrainien ?
Les images sont insoutenables. Dans cette vidéo partagée la semaine dernière sur les boucles Telegram et Facebook pro-azéris, on y voit une femme dénudée, les jambes coupées, un caillou enfoncé dans son orbite gauche, un de ses doigts démembrés planté dans sa bouche, sur son torse nu l’inscription « Yasma », la signature des forces spéciales azéries. L’image ne s’efface guère de la mémoire lorsque l’on a le malheur de l’avoir vue. Elle s’appelait Anush Apetyan. Elle était soldate de l’armée arménienne. Anush avait 36 ans et était mère de trois enfants. Avant d’être sauvagement assassinée, Anush a été capturée la semaine dernière à Jermuk en territoire arménien et violée.
Le calvaire oublié des Arméniens du Haut-Karabagh
Alors que les découvertes macabres de cadavres de civils dans la ville martyre de Boutcha avaient déclenché de multiples enquêtes internationales pour « crimes de guerre », la barbarie azérie perpétrée sur les Arméniens ne semble guère émouvoir la Cour pénale internationale ou autres ONG ne se pressant pas à dépêcher dans le sud-Caucase, ses enquêteurs.
Déjà en novembre 2020, l’Azerbaïdjan, bien décidé à récupérer l’enclave arménienne du Haut-Karabakh, s’était fait aider dans son dessein d’expansion par la Turquie. Erdogan, tout à son rêve de reconstituer l’empire ottoman que vient tacher l’Arménie, était venu leur prêter main forte en arrosant le territoire de bombes au phosphore et en envoyant 3000 djihadistes syriens coupeurs de têtes, déjà entraînés à l’extermination des minorités au Kurdistan. Déjà, de nombreuses vidéos insoutenables de décapitation de civils arméniens circulaient comme des trophées sur ces mêmes réseaux sociaux pro-azéris, comme autant de preuves de crimes de guerre. Erdogan ne s’en cache pas : il veut supprimer une bonne fois pour toute les « restes de l’Epée », nom par lequel les Turcs désignent les rescapés du génocide, et placer définitivement le Haut-Karabakh à l’ombre du croissant. Un nettoyage ethnique et patrimonial méticuleux permettant, à terme, d’éteindre définitivement l’âme de ce peuple. En décembre dernier, à l’occasion d’un reportage, nous avons pu nous-même nous rendre dans la petite ville de Chouchi située au sortir du corridor de Latchine qui relie l’Arménie-mère aux plateaux du Haut-Karabakh. Derrière les barbelés qui séparent les deux territoires, des drapeaux turcs flottent aux côtés de ceux azéris, preuve de la participation mortifère d’Erdogan dans ce conflit.
Chasser les Arméniens de [leurs] terres comme des chiens
Pendant que la petite citadelle chrétienne enserrée de pays musulmans réempoignait ses AK-47, l’Europe se calfeutrait tout à son angoisse d’un ultime assaut du Covid. Dans un silence assourdissant, elle abandonnait l’Arménie, la laissant lutter seule pour sa survie.
La communauté internationale, les yeux braqués vers l’Ukraine, laisse à nouveau, par son absence de réaction sinon d’indignation, la voie libre aux Azerbaidjanais pour violer le cessez-le-feu signé sous l’égide de la Russie le 9 novembre 2020 et poursuivre leur expansion. Depuis la reprise des agressions azéries le 13 septembre, l’Arménie déplore la mort et la disparition de 207 militaires arméniens dont cinq femmes militaires et trois civils tués, deux portés disparus. Et ils ne s’arrêteront pas là. Avant de s’être félicité, au lendemain du cessez-le -feu, d’avoir « chasser les Arméniens de [leurs] terres comme des chiens » en récupérant une partie du Haut-Karabakh, Ilham Aliev, le président d’Azerbaïdjan, avait prévenu qu’il procèderait étape par étape, mais qu’il récupèrerait Erevan, la capitale arménienne.
Malgré les menaces bellicistes proférées, et bien que l’Azerbaïdjan soit une dictature, dirigée par le clan Aliev depuis plus de 50 ans, et qui a fait de l’arménophobie une idéologie d’Etat, Ursula von der Leyen a annoncé en grande pompe en juillet dernier à Bakou pallier l’approvisionnement en gaz russe par le doublement des commandes de l’Union européenne aux azéris, gaz pourtant tout autant moralement répugnant que celui russe. On est bien loin des sanctions, donc.
A la grand-messe onusienne, nul chef d’Etat n’a cru bon de prêcher pour la paroisse arménienne. A la tribune, Emmanuel Macron a exhorté les pays qui « détournent le regard » de la guerre en Ukraine à agir car ils « servent malgré eux, ou secrètement, avec une certaine complicité, la cause d’un nouvel impérialisme ». Erdogan, en prêtant main forte aux Azéris, en menaçant régulièrement la Grèce et en occupant la moitié de Chypre, ne se cache pourtant pas de vouloir réaliser son rêve de rebâtir l’empire Ottoman. Monsieur Macron, ne détournez pas les yeux de cet ami séculaire qu’est l’Arménie, au risque de servir, malgré vous, la cause d’un autre impérialisme.
Valeurs Actuelles : Chronique de Patricia de Sagazan
Source : Place d’Armes
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