La tartufferie antiraciste aura-t-elle encore la peau du RN ?

Par Alexandre Gerbi


Dimanche, tout s’est passé comme prévu. Mais la veille encore, le Système n’en menait pas large. Une vague bleu marine allait-elle déferler sur le Pays ? Mais les Français étaient prévenus. S’ils avaient la mauvaise idée de trop voter pour le Rassemblement National (RN), panpan-cucul, ce serait le soulèvement. Le chaos. Le feu. Le sang. La fameuse « guerre civile » annoncée par Macron en personne.

Heureusement, ainsi avertis, les gueux ont été raisonnables. Le soir du premier tour des législatives, le Système a pu pousser un grand « ouf » de soulagement. Le RN a fait beaucoup moins qu’attendu. Si l’on tient compte de son résultat aux Européennes (31%), de l’effondrement bien réel de Reconquête (passé de 5 à moins de 1 %) et du ralliement non négligeable des LR-Ciotti (quelques points encore), les intentions de votes que lui prêtaient les sondages, 36 ou 38 %, collaient arithmétiquement. 

Avec finalement moins de 34 %, la poussée est bien là, mais le séisme annoncé n’a pas eu lieu. Pour fêter l’heureux événement, les marchés ont bondi de joie. Le spectre d’un Bardella Premier ministre s’éloigne. Sans complètement disparaître. Quelle qu’elle soit, l’issue du scrutin s’annonce serrée. Et si, en fin de compte, la victoire RN était, une fois de plus, suspendue à une « ligne rouge » nommée racisme ?

Dans notre précédent article, nous avons souligné qu’en France, et c’est l’une des gloires de notre peuple, le « racisme » est fatal au plan électoral. Le racisme n’est pas dans l’ADN français. Même Vichy eut un ministre noir, Henry Lémery, ami de Pétain, et nomma Gratien Candace, député des Antilles, et quatre Arabo-Berbères d’Algérie au Conseil National. Du reste, aucun pays « blanc » n’a compté comme la France tant d’élus « racisés » au cours de son histoire, jusque dans les plus hautes sphères politiques. Tout simplement parce qu’en France la race n’a aucune importance politique ni sociale, contrairement à ce qu’il est de bon ton d’affirmer sous la Ve République tartuffe, grande largueuse d’Africains (1958-1962). Les barrières sociales existent en France, hélas, mais pas les barrières raciales. La France est d’ailleurs le pays d’Europe qui connaît le plus grand nombre de couples mixtes. Le racisme n’est pas la chose la mieux partagée entre les Français, n’en déplaise à ceux qui en font commerce. Mais revenons à la prétendue grande victoire du RN de dimanche dernier.

Grande victoire en trompe-l’œil

En l’occurrence, pour Marine Le Pen et Jordan Bardella, ladite grande victoire est en trompe-l’œil. Un score assez décevant, qui augure d’une majorité relative et non absolue au Parlement le 7 juillet.

Dans cette hypothèse que nous avions explorée il y a trois semaines, et qui s’affiche chaque jour davantage comme un objectif élyséen, Macron aura remporté son pari. Il pourra piocher dans l’Assemblée pour concocter une coalition totalement hétéroclite mais aimablement patronnée par Washington. Comme prévu, tout ce que l’hémicycle compte de collabos et de larbins du protectorat états-unien qui enserre la France, députés macronistes, socialistes, écolos, LR-Canal historique, et même, soyons fous, communistes… Bref, Macron pourra nous refabriquer un UMPS élargi, fédérant tous ceux pour qui la gamelle, quelque vision rudimentaire et hypocrite de l’histoire, une étonnante et indestructible naïveté, le simple narcissisme, ou un mélange de tout ça, passent bien avant la survie de la France et le salut de son peuple.Pour conduire pareil attelage, un Premier ministre socialiste de droite fera l’affaire (Cazeneuve, Glucksmann ou n’importe quel autre, ils sont à peu près tous interchangeables), pour trois années de village Potemkine médiatico-politique, violons, trompettes, flûtes, « opérations Place nette » et « OQTF à gogo » comme refrains à l’échelle nationale, complètement bidon mais permettant de poursuivre tranquillement, « en même temps », la démolition et le pillage bien réels du pays pendant trois années supplémentaires.

Piège pour autodestruction

Heureux BlackRock, surtout, qui continuera de s’en mettre plein les fouilles, pendant que notre puissance militaire et diplomatique restera entièrement soumise aux Etats-Unis.

Tenant le patriotisme pour une vieille lune, ceux qui dirigent l’État, tout en ruinant l’État lui-même, mettent à sac le Pays (signe de temps, près de la moitié du mobilier national a disparu) et le vendent à la découpe. On assiste ainsi, au fil des ans, à une autodestruction méthodique de tout ce qu’on appelait la France. Une autodestruction qui passe bien sûr par l’Éducation nationale, les médias, l’anglicisation des grandes écoles et des universités, l’exode de la jeunesse formée et dynamique, fuyant un pays en proie à la paupérisation, à la défaillance des services publics, à l’insécurité, à la neurasthénie collective… La liste des domaines de l’effondrement : économiques, sociaux, moraux, etc., est trop longue pour être ici énumérée.

Le consentement à cette autodestruction s’obtient en donnant aux Français, les jours d’élections, le choix, soit entre blanc bonnet et bonnet blanc (comme ce fut le cas en 2007 et 2012) ; soit entre l’auteur du pillage-autodestruction déguisé en parangon républicain, et le RN houspillé en tant que nouveau IIIe Reich assoiffé de sang (comme ce fut le cas en 2002, 2017 et 2022).

Le piège est grossier, mais il suffit que 51 % des veaux tombent dedans. Selon quelle méthode ? On y revient : le perpétuel procès en racisme et en fascisme du RN. Plutôt en racisme d’ailleurs, car l’idée de racisme touchant encore plus de monde, elle est la plus souvent utilisée. Tant qu’à se vautrer dans la calomnie, autant ratisser le plus large possible…

Si le RN perd dimanche, c’est-à-dire s’il n’a pas la majorité absolue, ce sera parce qu’un nombre encore trop important de Français auront cru dans le narratif diabolisateur, lequel aura d’ailleurs été martelé chaque jour par les médias tout au long du petit mois qu’auront duré ces élections-éclair. Au point de convaincre beaucoup d’électeurs, soit de voter contre le RN « avec une pince à linge sur le nez », quitte à faire élire un candidat qu’ils détestent ; soit, ce qui est peut-être encore plus pernicieux, de s’abstenir de voter pour le RN malgré l’envie qui les démange, « parce que vraiment je ne peux pas  ».

S’il veut aider les Français qui sont encore, peu ou prou, dupes de la calomnie, le RN doit faire de cette mise au point sur le racisme son cheval de bataille au cours de ces derniers jours de campagne. On l’aura assez dit.

Illustration de ce racisme dont joue le Système

Lundi 1er juillet, 21 heures et des brouettes, CNews, émission 100 % Politique.

A l’image, Manon Aubry, ténor LFI, souriante, pugnace et très sûre d’elle, fait face à quatre journalistes.

Elle déclare, à la minute 52‘ :

« Je suis une démocrate, donc je respecte le verdict des urnes. Mais je veux aussi convaincre. A celles et ceux qui seraient tentés par un vote du Rassemblement National, au-delà de l’aspect et du tri que ça pourrait entraîner dans notre société en fonction de la couleur de peau, de l’origine, de la nationalité (…) ».

Puis à la minute 54′ :

« Mais le Rassemblement National, non seulement ils prennent le projet des macronistes en matière économique et sociale, mais ils rajoutent une xénophobie, un tri en fonction de la couleur de peau. »

D’abord, une observation. La réitération incite à penser que nous avons affaire à un élément de langage élaboré par des communicants. Élément de langage que Manon Aubry place deux fois, mot pour mot. L’amalgame entre couleur de peau, origine et nationalité, parfaitement fallacieux, est selon toute vraisemblance lui aussi calculé.

Ensuite, une question se pose. Manon Aubry croit-elle sérieusement que le RN au pouvoir ferait un «  tri  » « en fonction de la couleur de peau » et de « l’origine » ? Selon elle, de quel genre de tri s’agirait-il ? Et à quelles fins ? On aurait aimé que ces questions lui soient posées…

Reste à savoir où cette professionnelle de la politique a pu pêcher que le RN se livrerait, une fois au pouvoir, à un tri fondé sur ces critères raciaux, puisque ce parti présente aux élections des candidats de toutes couleurs de peau et origines. Et que Marine Le Pen et Jordan Bardella répètent qu’ils entendent défendre tous les Français, quelle que soit leur couleur de peau et leurs origines, justement. Ce n’est d’ailleurs pas nouveau. Il y a toujours eu des militants et des candidats « de couleur » au RN, y compris du temps du Front National. Cela n’a rien d’extraordinaire, c’est le cas de tous les partis, dans un pays qui ignore pour ainsi dire depuis toujours la notion de race au plan politique.

En réalité, il est banal qu’une des principales figures de LFI, qui se fait passer pour une âme probe, viennent prêcher le mensonge et la calomnie contre le RN sur les plateaux de télévision. La diabolisation, par le procès en racisme, on le sait bien, est la martingale électorale du Système. Système dont Manon Aubry fait partie. Peut-être à l’insu de son plein gré. N’excluons pas totalement d’avoir affaire à une idiote utile. La probabilité étant beaucoup plus faible, bien entendu, pour un Mélenchon. Certains savent très bien ce qu’ils font…

Et les journalistes ne « tiltèrent » pas

En revanche, nettement plus curieuse et édifiante fut la réaction des journalistes de CNews. Ces quatre hommes ne sont pas censés être des plus favorables à LFI. Pourtant, aussi stupéfiants que cela puisse paraître, aucun d’entre eux n’a repris Manon Aubry lorsqu’elle a accusé le RN de vouloir faire un «  tri  » en fonction de «  l’origine  » et de la « couleur de peau ». Sur France Inter, ces perspectives apocalyptiques n’auraient sans doute inspiré à une Sonia Devillers ou à un Thomas Legrand un acquiescement enthousiaste. Mais il en va, en principe, très différemment de CNews, chaîne réputée RN-compatible.

Comment donc expliquer qu’aucun des quatre journalistes n’ait réagi ?

L’explication est double. Elle tient d’une part à ce que les journalistes ne prennent pas un instant au sérieux cette accusation, simplement parce que connaissant le RN, ils la savent dénuée de fondement. D’autre part, parce qu’il s’agit d’une telle tarte à la crème de la gauche sur le RN, qu’on n’y fait plus attention. Alors on ne relève même pas. C’est là une lourde erreur.

C’est aussi la conséquence de ce que le RN n’a pas mis de ligne rouge sur ce sujet. Si Jordan Bardella ou Marine Le Pen avaient, ne serait-ce qu’une fois durant la campagne, « marqué le coup », façon Raquel Garrido (en un peu moins gueulard évidemment), le signal aurait été reçu 5 sur 5 par beaucoup de monde, en particulier par les journalistes.

Dès lors, automatiquement, lorsque Manon Aubry a balancé ses éléments de langage sur le «  tri  », «  l’origine  » et « la couleur de peau », les journalistes de CNews auraient « tilté » et par conséquent réagi. Probablement avec vigueur et efficacité, l’accusation ne tenant pas debout. Alors la flèche d’Aubry, non seulement n’aurait pas fait mouche, mais elle se serait retournée contre l’archère…

Défaut de ligne rouge

En attendant, tout indique que Manon Aubry cherche ainsi à manipuler l’opinion publique. C’est-à-dire le peuple qu’elle prétend tant aimer. Et respecter. C’est à méditer…

L’absence de réaction, et de ligne rouge dûment tracée, est d’autant plus regrettable que l’enjeu dépasse la seule image du RN et même les seules législatives. Que penser d’un discours qui vise, dans un pays déjà gravement fracturé en communautés « face à face » selon le mot de feu Gérard Collomb, à faire croire à une partie de la population qu’un parti est raciste, et que ses chefs, ses militants et ses électeurs, le sont donc aussi ? N’est-ce pas mettre une cible, comme on dit, sur toutes ces personnes ? N’est-ce pas inciter d’avance à l’insurrection contre un pouvoir réputé raciste ? N’est-ce pas préparer l’insurrection, la guerre civile annoncée par Macron, en cas d’arrivée du RN au pouvoir ? Mais on a déjà dit que Manon Aubry, consciemment ou pas, sert les intérêts du Système.

Que le RN ne mette pas le paquet là-dessus, qu’il ne fasse pas le nécessaire pour faire taire ces accusations infamantes, qu’il fasse le dos rond suivant un « pas de vague » mal placé, est sans doute sa plus lourde erreur dans la campagne des législatives 2024. Non seulement pour lui, mais aussi pour la France. Du moins, bien sûr, s’il ne l’emporte pas dimanche.

Dans l’intérêt de tous, une mise au point s’imposerait. Elle rappellerait que le racisme est contraire à la France et étranger à son peuple, qui d’ailleurs l’a toujours rejeté massivement (c’est d’ailleurs pour cela que le malin Mitterrand a fait de l’antiracisme son fonds de commerce électoral). Cette mise au point déplorerait aussi que cet argument mensonger ait été employé ainsi pendant la campagne, par adversaires politiques comme par nombre de médias, suivant un détournement particulièrement odieux et révoltant de la noble lutte contre le racisme. Mais aussi elle soulignerait que les calomniateurs sont des manipulateurs cyniques, car qui ne croient pas un traître mot de leurs ignominies (Jospin l’avait d’ailleurs reconnu jadis).

Une telle communication serait sans doute de nature à toucher, à ouvrir les yeux de beaucoup. Et modifierait sans doute un peu l’issue du scrutin. Elle pourrait même peut-être en décider.

Il reste cinq jours. Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Surtout quand la France et les Français avancent sur un tapis roulant dans la broyeuse macronienne télécommandée par le Système.

Or à l’intérieur d’une broyeuse, c’est rien de le dire, trois ans c’est long…

Alexandre Gerbi

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