La prime des CRS ne sera pas fiscalisée
Bernard Cazeneuve a rapidement tenté de circonscrire l’incendie. Dans un message adressé aux CRS jeudi 8 septembre, dont Le Monde a pris connaissance, le ministre de l’intérieur assure que l’indemnité journalière d’absence temporaire (IJAT) qui leur est versée lorsqu’ils sont en mission ne sera pas fiscalisée. Il indique que la régularisation juridique de l’exonération de fait qui prévaut depuis la création de l’IJAT, dans les années 1960, solution qu’il privilégiait, « a été retenue, sur [sa] proposition, par le premier ministre ». « Le Parlement sera donc saisi de la disposition législative nécessaire à sa mise en œuvre », poursuit le ministre.
Depuis mardi 6 septembre, c’était le branle-bas de combat dans les rangs de la police et de la gendarmerie, et plus particulièrement parmi les forces mobiles, CRS et gendarmes mobiles. « A quoi joue le gouvernement ? », s’insurgeait le syndicat Unité SGP police-FO, qui s’émouvant du risque de fiscalisation, « à compter du 1er janvier 2016 pour imposition sur 2017 », de cette indemnité de déplacement.
Le secrétaire général du syndicat, Yves Lefebvre, avait écrit à François Hollande pour lui faire part de son « indignation ». Les autres syndicats n’étaient pas en reste. Philippe Capon, secrétaire général de l’UNSA police, en avait appelé au premier ministre. « S’il n’y a pas de réponse rapide, le mouvement de grogne risque de dégénérer », prévenait-il. Même tonalité chez les deux organisations rattachées à la CFDT, Alternative police et le SCSI, tandis qu’Alliance police nationale, affilié à la CFE-CGC, jugeait « inacceptable » le projet de fiscalisation de l’IJAT.
Indemnité revalorisée
De quoi retourne-t-il ? L’IJAT, créée dans les années 1960 pour compenser les frais de mission engagés par les policiers et gendarmes en déplacement, à une époque où ceux-ci n’étaient pas pris en charge, n’a jamais été fiscalisée. Cette situation de fait a perduré bien que, désormais, ils ne supportent plus ces frais. Déjà, en juillet 2013, le procureur général près la Cour des comptes, Gilles Johanet, avait saisi le ministère de l’intérieur, considérant que cette exonération fiscale de l’IJAT n’avait « aucun fondement légal ».
Les attentats de janvier 2015, la mobilisation renforcée et durable des forces de sécurité ont changé la donne. A partir d’avril, plusieurs arrêts maladie collectifs sont observés chez des CRS en guise de protestation et pour réclamer une revalorisation de l’IJAT. En juin 2015, le ministère de l’intérieur et les syndicats de policiers signent un protocole de revalorisation de l’indemnité, dont le taux n’avait pas bougé depuis 2002. De 30 euros, elle doit passer en trois paliers à 39 euros en janvier 2017. Ces modalités s’appliqueront aussi aux gendarmes mobiles. « Une avancée historique », se félicite M. Capon. En juin, le ministère accélère le calendrier en faisant passer le taux de l’IJAT à 37 euros dès le 1er juillet, ce dont se félicitent les organisations syndicales.
Pratique jugée « illégale »
Las, il n’en faut pas plus pour que la Cour des comptes ne fronce à nouveau les sourcils. Dans un rapport provisoire transmis aux directeurs généraux de la police et de la gendarmerie nationale, les magistrats financiers renouvellent leur avertissement et enjoignent les autorités administratives de mettre un terme à une pratique qu’ils jugent « illégale ». Le ministère de l’intérieur, cependant, n’ignore pas que, pour les CRS, corporation fortement syndiquée, le sujet est explosif, surtout dans cette période où les effectifs, durement sollicités, sont sous tension. « L’imposition, c’est la révolution chez les CRS », redoute un haut responsable de la Place Beauvau.
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Pour éviter d’encourir une procédure contentieuse, le ministère de l’intérieur envisage de sécuriser juridiquement le dispositif en lui donnant un fondement légal, ce qui revient à reconnaître une situation de fait et à la transformer, en quelque sorte, en une « niche fiscale » pour les forces mobiles de sécurité. Bercy, toutefois, ne prise guère cette solution, alors que le gouvernement, sans grand succès il est vrai, s’était engagé à en réduire le nombre. Le budget propose donc de fiscaliser ces indemnités, quitte à en relever le montant. « Cela n’a aucun sens, objecte M. Capon. Cela signifierait que les montants des indemnités varieraient en fonction des situations fiscales des uns et des autres. Nous sommes purement et simplement opposés à la fiscalisation. »
Cette « menace », en tout cas, a suffi, en quelques jours, à mettre les unités de CRS sens dessus dessous. Le gouvernement a pris la mesure du risque. Pas touche à l’IJAT.
Source : Le Monde
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