La liberté d’association des militaires se joue dans les arcanes du pouvoir, sans les militaires …

Pour reprendre une phrase de Clémenceau (puisque d’actualité) : « La guerre est une chose trop sérieuse pour la confier à des militaires ». Il suffit de remplacer « guerre » par « association » et nous avons la  réponse sur ce que veut faire l’autorité concernant la liberté d’association des militaires.

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L’actualité hier matin à la commission de défense de l’Assemblée nationale, c’était l’arrêt de la CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme) qui a donné raison à l’ADEFDROMIL  en reconnaissant aux militaires la liberté d’association, laquelle comprend le droit des syndicats et de s’y affilier. 

Madame Patricia Adam, présidente de la commission a auditionné sur le sujet trois juristes, madame Béatrice Thomas-Tual, professeur à l’université de Bretagne occidentale, et messieurs Olivier Gohin et Guillaume Drago, professeurs à l’université Panthéon-Assas Paris II. 

Comme à l’accoutumée, je suis étonné par ma grande crédulité. J’avais imaginé qu’à la suite des arrêts de la CEDH, la commission de défense auditionnerait les premiers concernés, je veux dire ceux qui ont été à l’origine de ces deux arrêts donnant tort à la France qui interdit  d’avoir des syndicats à ses militaires. je parle de l’ADEFDROMIL (Association de Défense des Droits des Militaires) et de Jean-Hugues Matelly, officier supérieur dans la gendarmerie.

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Eh bien non, l’objet de la requête  de l’ADEFDROMIL et celle du Lt-Colonel Matelly ne semble pas intéresser Patricia Adam, pas plus que la commission qu’elle préside. Cette commission semble plutôt s’intéresser aux réflexions d’intellectuels professant dans les hauts lieux où la matière grise dit ce que sont et doivent être les sciences politiques et sociales, ainsi que le droit qui régit notre société.

Mais ne  soyons pas sectaires, et regardons de plus près ce que ces éminents professeurs ont pensé et proposé en matière de liberté d’association des militaires, même si quelque part, nous faisons l’amer constat que ce sont des « gens » qui n’ont rien à voir avec l’institution militaire qui nous préparent ce que sera demain le droit d’association dans les armées.

Nous avons eu droit à une intervention de Béatrice Thomas-Thual qui a rappelé dans les grandes lignes les deux branches du droit en la matière, celle du droit du travail et celle de la fonction publique, l’une étant rattachée aux salariés des entreprises et l’autre s’appliquant aux militaires. Cet historique succinct présente un certain intérêt.

Puis ce fut le tour de Mr Olivier Cohin de dire qu’il pensait que la France devait se mettre en conformité avec la Convention Européenne des Droits de l’Homme, et que ça supposait que le droit d’association professionnelle soit reconnu dans les forces armées. Et d’ajouter que ce droit d’association ne doit pas être compris comme un droit syndical et qu’il doit être fortement encadré pour en particulier permettre l’opérabilité des forces armées sur le territoire national comme à l’étranger, ce qui n’est que bon sens.

Ce fut ensuite le tour de Guillaume Drago qui a rappelé dans sa présentation qu’il était également officier de réserve. Il avait été dans le passé  conseiller technique chargé des relations avec les organisations professionnelles auprès de François Fillon lorsque ce dernier était ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. , L’avis d’un chargé de relations avec les organisations professionnelles, ça donnait envie de tendre l’oreille.

En fait, le savant a donné sa position sur les arrêts de la CEDH. Il est contre. Il a vu dans ces décisions une atteinte aux intérêts supérieurs de l’Etat et le dit tout net, le gouvernement français devrait demander le renvoi des deux affaires devant la Grande Chambre pour obtenir une décision différente.

Lui, il propose de s’interroger sur la demande des militaires ou non de créer des syndicats. Y a t’il un besoin  ? La demande est-elle forte ? Est-elle générale ?. Il ne prend pas de risque, et j’ose imaginer qu’il n’a pas oublié que l’armée française est surnommée la grande muette justement en raison des restrictions apportées par la loi aux libertés individuelles des militaires. Ils sont habitués à  ne rien demander.

Dans sa lancée, il a affirmé que le dialogue social dans les armées existe et qu’il  favorise l’harmonie dans cette organisation spécifique qui ne peut pas voir se développer une organisation de type syndical sans toucher aux principes de la discipline militaire, rappelant au passage que le chef veille aux intérêts de ses subordonnés. . Je ne sais pas si de tels propos sont en mesure de convaincre les dizaines de milliers de militaires victimes des aberrations engendrées par les dysfonctionnements du logiciel de paye Louvois. Une organisation qui défendrait les droits à solde des militaires militaires toucherait-elle à la discipline? évidemment non. Olivier Cohin propose simplement de valoriser les instruments actuels de concertation, rappelant que le chef militaire veille aux intérêts de ses subordonnés. On a vu pour ce qui concerne le cas Louvois les limites qu’avait le chef en matière de défense des intérêts de ses subordonnés.

Voir l’intégralité de la vidéo des travaux de la commission de défense de l’A.N  du 12/11/2014 (Source : http://www.assemblee-nationale.fr/) :

Tout cela est bien étrange. Les militaires ne sont pas ou peu intégrés à la réflexion sur l’organisation d’associations professionnelles telle que définie dans la convention.

D’un coté, le président de la République nomme Bernard Pêcheur pour engager une réflexion sur la portée exacte et les conséquences des arrêts de la CEDH qui disent que les militaires ne peuvent se voir refuser le droit d’association pour défendre leurs intérêts moraux et matériels, l’invitant notamment à recueillir l’avis des hauts responsables civils et militaires concernés, mais pas celui des associations existantes, ni de représentants des militaires eux-mêmes.

D’un autre, la commission de défense auditionne des juristes.

Nulle part, je ne vois associés à cette réflexion les premiers concernés, je veux parler des militaires, mais il faut peut être laisser un peu de temps au temps.

Michel Munier

 

A noter que l’après-midi, à l’Université Panthéon-Assas, à l’IPAG de Paris, une table ronde était organisée sur le thème de la défense des intérêts professionnels dans les armées.

Animée par le professeur Olivier GOHIN directeur de l’IPAG de Paris et président de l’AFDSD (Association française de droit de la sécurité et de la défense) qui avait été auditionné le matin même par la commission de défense de l’A.N., elle était composé de :

  • Jacques BESSY, président de l’ADEFDROMIL ;
  • Charlotte DENIZEAU, maître de conférences à l’Université de Paris II ;
  • André FERRAGNE, contrôleur général des armées ;
  • Jean-Hugues MATELLY, lieutenant-colonel de gendarmerie ;
  • Béatrice THOMAS-TUAL, maître de conférences à l’Université de Brest, auditionnée également ce matin par la commission de défense.

Cette conférence était suivie par un parterre d’une quarantaine d’étudiants en droit, auxquels elle s’adressait. Alain Martelle, membre du bureau de l’APG (Association Professionnelle Gendarmerie) était également dans l’assistance et a pu suivre le débat.

Source : Armée-Média

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