LA GRANDE LEÇON DES OISEAUX

Nous sommes déjà stupéfiés de la haute intelligence des corvidés. Petit cerveau, mais grand calculateur. Ils sont capables de résoudre un problème au moins à 5 niveaux de complexité pour atteindre leur but. Les ornithologues ont observé aussi la puissance émotionnelle des oiseaux, toutes espèces confondues, vidéos à l’appui. Par mes espionnages sur ceux qui squattent mon jardin, je ne puis que confirmer leurs recherches. Les oiseaux sont pourvus de hauts sentiments qui donnent des leçons aux hommes.

Pas besoin d’être un mammifère pour être investi d’un émotionnel pointu. Les oiseaux, descendants des dinosaures, sont habités par les mêmes sentiments. Est-ce le fruit de l’évolution ou leurs très lointains ancêtres avaient déjà un embryon affectif ? Question fondamentale.

Toujours, les couples d’oiseaux sont unis pour la vie. Dès qu’un volatile perd son partenaire tué par un prédateur, il s’écarte de son groupe et broie du noir. Son plumage perd sa brillance, faute d’une alimentation soutenue de par sa morosité. Notre boule de plume est en phase dépressive. Puis la vie reprend heureusement ses droits. Il suffit qu’une belle célibataire passe dans les environs pour que notre mélancolique presque déplumé se ragaillardisse. Il se rapproche du groupe, recouvre sa prestance, fait sa cour et reprend le cours de son existence jusqu’au prochain incident dramatique de sa vie.

Il est à souligner que même si les oiseaux sont en couple pour la vie, ceci ne dédouane en rien la parade amoureuse de chaque printemps. Si l’homme oublie de faire sa cour à sa femelle à force d’habitude, l’oiseau est toujours épris de sa princesse. Il lui déclare à chaque printemps sa flamme. C’est ainsi que mon jardin devient assourdissant chaque fois que l’hiver se retire.

Au regard des femmes de ma famille, il faut mettre dans le dossier de la défense de l’homme, le caractère acariâtre de sa femelle. Je ne sais pas si je joue de malchance ou si la tournure générale du rapport homme/femme est exécrable, mais les femmes de ma parentèle sont désespérantes. À cet instant, je demande aux lecteurs de mettre dans les commentaires, de par leur propre expérience familiale, la confirmation de mes déboires ou de m’objecter le caractère particulier et très restreint de mes observations personnelles. Suis-je dans l’exception du phénomène ?

Toujours, les femmes de mon lignage sont souvent bougonnes ; ont des humeurs de chien battu ; sont éternellement insatisfaites ; ne sont jamais contentes ; sont toujours sur le ton du reproche ; en un mot, elles ne cessent de maugréer. La lassitude de mes pairs familiaux est grande à force d’être rabroués à tout propos. Le « matin-midi-soir » passe vite à « mes meilleurs souvenirs ». Alors faire la cour à une éternelle acrimonieuse devient moralement impossible. Cela relève du défi, de la bravade presque mythique comme la quête du Graal.

En conclusion, au regard de mon expérience, somme toute subjective puisque fruit d’une lorgnette particulière, je peux dire les choses suivantes : De guerre lasse, l’homme considère sa femme comme un simple morceau de bidoche de choix, chaud et tendre, à consommer quand les conditions et autres conjonctions le permettent. Rien à voir avec les oiseaux qui copulent peu, mais aiment beaucoup.

Au regard de ma généalogie, la femme n’est plus dans son rôle depuis 14-18. Elle a supplanté l’homme par la force de la guerre au plus grand profit du bourgeois très content de cette opportunité pour la sous-payer. Le lucre est le dieu de cet exécrable personnage qui, au nom de l’effort de guerre, s’est rempli les poches. Le plus bel exemple de la période est celui des manigances de la famille Wendel*. Il n’empêche que nos aïeules ont tenu à bout de bras le pays. À la fin de l’épreuve, elles ont continué à être exploitées pour remplacer définitivement les hommes restés sur le champ d’honneur les tripes à l’air. Pour autant, elles ont adoré le chapeau cloche et la coupe « à la garçonne ». Elles ont oublié en parallèle les trois clefs traditionnelles qu’elles détenaient naturellement auparavant.

De fil en aiguille, de propagande en changement de paradigme, mes parentes modernes se prennent pour des chefs de famille avec toutes les tares du dictateur. Être une femme forte est une chose, avoir du charisme une autre. Elles se dérobent de leurs charges intrinsèques et délivrent in fine la société actuelle. L’usurier et le marchand sont ses maîtres. Elles confient aux autres institutionnels ses devoirs éducatifs. Elles deviennent une caricature de l’homme, une personne individualiste au penchant égoïste. En vieillissant, faute d’avoir épandu un amour inconditionnel à ses proches, un amour en adéquation avec l’épître de Saint Paul apôtre aux Corinthiens, elles finissent seules avec des chats. Elles deviennent les Reines des litières. A chacun ses lauriers. C’est du moins le sort des femmes de ma famille.

Revenons dans mon jardin, c’est plus enthousiasmant. Il écrit tous les jours une églogue ravissante. La vie y grouille, pleine d’optimisme et d’espoirs. Pour l’heure, elle attend l’arrivée triomphal du printemps qui pousse difficilement hors de l’arène cosmologique l’hiver devenu obèse. Le soleil joue avec les nuages. Par ce jeu de cache-cache, il nargue l’impatience des oiseaux de virevolter dans les airs irradiés d’or. La chaleur de l’astre du jour est la promesse d’insectes bien juteux à se mettre dans le bec. Ils sont las de mes graines déposées chaque matin pour les aider à surmonter les affres du froid. Je vous invite à imiter mon geste nourricier car il faut savoir que 60 % des passereaux meurent l’hiver de malnutrition. Le gel les terrasse.

Je trépigne d’impatience de voir jaillir de quelques fourrés aux alentours de nouveaux petits faisans sentant encore l’œuf frais avec leur houppette de l’éclosion. Leurs parents ont trouvé dans mon périmètre un havre de paix. Les petits malins, ils savent qu’ici rien de dramatique ne se passe pour eux. J’espère qu’ils feront souche et étendront leur espace. Leur cri de serrure mal graissée me rappellera à leur bon souvenir.

DdG

* Voir la trilogie « L’histoire occultée » de Gerry Docherty & Jim Macgregor Éd. Nouvelle Terre

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