La France que l’on verrouille et la France que l’on redoute

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À ma droite, la France que l’on tient licou serré : les restaurateurs, entre équerre, double décimètre et compas, tentent de servir les quelques repas « distanciés » autorisés par l’exiguïté de leur salle à manger, qui leur permettront de ne pas boire le bouillon tout à fait. Les écoles rouvrent à dose filée : la classe est scindée, les uns le matin, les autres l’après-midi, et des mesures ubuesques pour empêcher les enfants de se croiser. Une année scolaire flinguée, des lacunes assurées. Les concours et examens sont suspendus ou reportés, de nombreux cours annulés, ou mollement suivis par zoom interposé. Mais qu’importe, puisqu’on nous dit que tout ce qui compte, c’est la santé. Les rassemblements à plus de dix dans l’espace public sont interdits, on vous dit.

Pour les enterrements, les mariages, choisir les invités est un drame cornélien. Les veuves et les jeunes filles pleurent sur la cérémonie dans l’intimité qu’on leur a imposée. Si, d’aventure, des obsèques enfreignent les consignes et font venir, en sus, l’oncle Émile et la tante Bertha, la PQR en fera ses choux gras. Même les victimes de terrorisme et les soldats tombés au Mali sont allés rejoindre leur dernière demeure parfaitement esseulés. Aucune exception, pas même quand on est tombé pour la nation.

Cette France-là a applaudi docilement les soignants, signé ses auto-autorisations absurdes, acheté des masques qui coûtaient un bras, affiché « sauvez des vies, restez chez vous » sur son profil Facebook et attendu, chaque soir, la parole prophylactique et apocalyptique du bienveillant geôlier, tel un otage de Stockholm zélé, faisant ensuite, avec les médias, l’exégèse méticuleuse des textes officiels pour déterminer ce qui était (encore) permis et ce qui ne l’était plus.

À ma gauche, l’autre France. Celle dont on doute et que l’on redoute. Et à laquelle, pour cela, on permet à peu près tout et n’importe quoi. Avec, en point d’orgue, mardi soir, une manifestation en hommage à promu national, rassemblant… 20.000 personnes ! 2.000 fois plus que le nombre théoriquement autorisé. C’est un peu osé. Mais quand on aime – ou que l’on craint -, on ne compte pas.

Et s’il n’y avait que cela… Les périphériques bloqués, un commissariat saccagé, des forces de l’ordre conspuées au cri de « tout le monde déteste la police », et spécialement, parmi elles, les « Noirs » accusés de « trahison », enfin un concert improvisé, en anglais, dont on pourrait traduire le couplet par ces mots : « la révolution est venue, il est temps de prendre les armes ».

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Le ministre de l’Agriculture – mais que vient-il faire dans cette galère quand il devrait être sur son tracteur ? – affirme « comprendre » ce rassemblement « incroyable », et faisant son Zola aux petits pieds dans ses sabots terreux, réclame, vaguement accusateur, que « l’État français », comme s’il n’en faisait pas partie, « fasse toute la lumière » sur l’enquête.

Et d’ailleurs, la sœur d’Adama Traoré, instigatrice de cette manif interdite, n’a-t-elle pas, gage suprême de respectabilité, été invitée sur BFM TV ?

La logique voudrait que la première France, outrée de ces passe-droits et fatiguée de cette servitude de moins en moins volontaire, soit révoltée. Paradoxalement, il n’en est rien. Elle aussi doute et redoute. C’est la seconde qui gronde, confortée par ce laxisme patenté en forme de cercle vicieux : puisque le gouvernement ne dit rien, ou à peine – il faut noter, pour être honnête, une parole de réprobation, sur Twitter, du ministre de l’Intérieur -, et qu’au moins l’un de ses membres la soutient explicitement, c’est donc qu’elle a raison et qu’elle est exploitée, discriminée et mérite réparation !

N’étant point portée à la désespérance, je vais arrêter là. Convenons, néanmoins, que si la France est guettée par un grave danger, ce n’est pas de Chine qu’il vient mais des États-Unis. Le virus, qui s’étend très vite, s’appelle communautarisme, couve depuis de nombreuses années, et il ne suffira pas de quelques mois, saupoudrés d’un peu de Doliprane™ ou de chloroquine, pour s’en débarrasser.

Source : Boulevard Voltaire

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