La Force de gendarmerie européenne : une organisation méconnue mais omniprésente
Auteur : Pablo Agnan – publié le 11 juillet 2020
Créée en 2004, la FGE est une organisation dédiée à la gestion des crises extérieures. Malgré sa présence en Afghanistan, au Mali et dans le reste du Sahel, en Libye ainsi qu’en Bosnie, elle souffre d’une véritable méconnaissance du grand public. Décryptage d’une force unique au monde.
Le positionnement de la gendarmerie à l’international est issu d’une très longue tradition. Dès 1373, la maréchaussée assurait la police des « gens de guerre ». Une mission renouvelée en 1791, lorsque la gendarmerie nationale lui succède officiellement. Elle continue de remplir les missions de maintien de l’ordre dans les troupes et sur leurs arrières, d’empêcher les pillages et de rattraper les déserteurs.
Cette longue tradition de déploiements lors des Opérations extérieures (OPEX) est encore et toujours très présente au sein de l’Arme ; grâce notamment aux prévôts, dignes héritiers de la maréchaussée, mais aussi grâce à la Force de gendarmerie européenne (FGE). Également appelée EUROGENDFOR, cette force, encore trop méconnue, est pourtant présente partout dans le monde.
Une organisation d’union sans l’Union
La FGE est un regroupement de forces de police à statut militaire des pays de l’U.E., qui en disposent. Créée en 2004, à l’issue d’une initiative française, elle compte sept pays membres : l’Italie, l’Espagne, les Pays-Bas, le Portugal, la Roumanie, la Pologne et enfin, la France. Un pays partenaire vient s’ajouter à cette liste : la Lituanie, pays membre de l’U.E., mais dont la force à statut militaire n’exerce pas l’ensemble des missions de police. Enfin, la Jandarma turque, nation observatrice, intervient au titre d’État candidat à l’entrée dans l’U.E. Dernier détail qui a son importance et contrairement à ce que son nom indique, la FGE n’appartient pas à l’Union Européenne (UE).
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Cette organisation est donc dirigée, non pas par le Parlement Européen, mais par un Comité interministériel de haut niveau (CIMIN), qui donne la direction politico-stratégique de la force. Il alimente, au niveau opérationnel, un état-major permanent de 38 militaires, basé à Vicenza, en Italie.Depuis le 12 décembre 2019, la gendarmerie nationale française assure la présidence du CIMIN et poursuivra ainsi jusqu’à la fin de l’année 2020. La crise liée à la COVID-19 a nécessité un remaniement du programme annuel, mais un premier « groupe de travail » FGE s’est tenu le 4 juin dernier.
L’occasion pour la France d’exposer sa vision stratégique : « Rendre la force plus opérationnelle, rénover la doctrine, opérationnaliser davantage l’état-major permanent, qui doit devenir véritablement opérationnel et projetable, et enfin, mettre la FGE dans la lumière auprès de ses principaux « employeurs », que sont l’U.E., l’Organisation des Nations-Unies (ONU) ou l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN)», énumère la cheffe d’escadron Sarah Deville, du bureau des relations extérieures militaires de la gendarmerie. Pour la France, l’intérêt d’assurer la présidence du CIMIN est de « donner une impulsion et laisser un héritage », insiste-t-elle. En clair, défendre un modèle encore trop méconnu mais pourtant omniprésent sur les théâtres d’opérations extérieures et ce, depuis 2007 et sa première mission en Bosnie-Herzégovine.
Des engagements opérationnels croissants
Depuis sa création, la FGE est montée en puissance dans ses engagements opérationnels. Outre la mission militaire européenne EUFOR ALTHEA, en Bosnie-Herzégovine (2007 à 2010), l’EUROGENDFOR a été déployée sur presque tous les continents et par toutes les organisations internationales : en Haïti au profit de l’ONU après le tremblement de terre de 2010, en Afghanistan pour les missions NATO Training puis Resolute Support, en République Centrafricaine lors de l’opération européenne EUFOR RCA, de mars 2014 à mars 2015, mais aussi en Libye ou en Bosnie-Herzégovine.
« La FGE est un instrument de gestion de crises extérieures, qui intervientsur décision unanime du CIMIN, dans le cadre d’un mandat donné à une organisation internationale ou à une force de coalition. » Elle ne peut donc être déployée que dans ce cadre strict et ne possède pas de forces permanentes. Au cas par cas, elle mobilise des experts individuels ou des unités constituées, issus des effectifs des forces et dont l’engagement reste soumis au feu vert politique des États-Membres. La FGE compose ainsi des contingents pouvant être multinationaux et toujours parfaitement adaptés aux exigences du théâtre, de la mission et de l’entité qui sollicite la Force.
Sur chacun des déploiements et des missions, les contingents FGE viennent apporter une réelle plus-value sur tout le spectre de crise, couvrant sans rupture les phases de prévention, d’intervention (militaire ou non), puis de stabilisation, à l’image du large champ d’action des gendarmeries qui la composent. Les capacités d’adaptation et de résilience des gendarmes sont également particulièrement appréciées.
Un stage HEAT (Hostile Environment Awareness Training) a été organisé du 22 au 26 juin 2020, en langue française, au Centre national d’entraînement des forces gendarmerie (CNEFG) de Saint-Astier, afin de préparer au mieux les gendarmes des forces-membres aux déploiements exigeants en zone francophone.« La formation HEAT est un prérequis de l’U.E., nécessaire à tout départ en mission, et permet de sensibiliser les stagiaires aux risques larges du terrain, tels que les Engins explosifs improvisés (IED), la réaction à une prise d’otages, la conduite de véhicule tout-terrain, la topographie et le secours opérationnel en conditions dégradées ou la gestion du risque de stress post-traumatique », précise la cheffe d’escadron Deville. Organisé par la présidence et mis en œuvre en coordination avec l’état-major de Vicenza, ce stage a permis de créer un vivier de vingt personnels francophones, à même d’intervenir sur de potentielles futures missions confiées à la Force.
Mais la Présidence française de la FGE ne veut pas en rester là. « Outre une prochaine réunion de travail fin septembre 2020, un second stage HEAT pourrait être organisé pendant la direction tricolore, au profit des experts projetables de l’état-major permanent en Italie », promet l’officier. Un événement de réseautage est également en préparation à Bruxelles, afin de rassembler les experts nationaux des différents états-membres détachés auprès de l’Union européenne. Ces officiers ont un rôle important à jouer en tant qu’ambassadeurs de leur gendarmerie mais également de la Force de Gendarmerie Européenne. Leur bonne information est cruciale et leur soutien précieux.
La France rassemblera les directeurs généraux des gendarmeries membres et les hauts-représentants des différents ministères des Affaires étrangères lors de la réunion annuelle du CIMIN, mi-décembre 2020, à Paris. A cette occasion, elle passera le flambeau à la Pologne, avant de reprendre la présidence en 2027.
Source : Gend Info
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