John F. Kennedy le 27 avril 1961 : la presse devrait s’auto-censurer et respecter le secret d’État pour préserver la sécurité nationale des USA…

Cher Ronald, rédacteur de PG,

Récemment tu as rappelé la différence entre une Doxa et une Vérité historique factuelle établie sans doute possible et j’ai moi-même publié un commentaire allant dans ce sens :

  • une Doxa est l’ensemble de croyances, opinions ou préjugés largement répandus et acceptés au sein d’un groupe social, sans remise en question critique.
  • une Vérité historique est un fait ou un ensemble de faits qui, parfois après une courte ou longue période de recherches, discussions, controverses, révisions, sont matériellement établis sans aucune contestation possible.

Je suis désolée de constater que certain.es individu.es dans ton lectorat osent encore nier la réalité historique de la Shoah ou du massacre d’Oradour-sur-Glane : mais ces gens ont encore moins de courage que de connaissances puisqu’ils et elles se cachent derrière des pseudonymes…

Cependant, nos échanges ces derniers jours m’ont permis de retrouver un article que tu avais publié le 26 août 2022, qui venait du site Le LeMedia en 4-4-2 et qui s’intitulait : « Le discours de John F. Kennedy révélant l’existence des sociétés secrètes 10 jours avant son assassinat ! »

L’ayant lu, je doutais de sa véracité historique et j’ai voulu consulter l’article-source dans Le Media en 442 n’existe plus : Aïe ! Cette page est désormais introuvable.

https://lemediaen442.fr/le-discours-de-john-f-kennedy-revelant-lexistence-des-societes-secretes-10-jours-avant-son-assassinat

Je pense que ce média s’est aperçu de l’erreur historique et a supprimé cette page.

Tu as bien sûr accepté que je corrige cette erreur et voici donc le résultat de mes recherches sur ce fameux discours que John Fitzgerald Kennedy : en réalité, ce discours n’a pas été prononcé 10 ou 7 jours (selon les versions) avant sa mort, il ne traitait pas des sociétés secrètes et il n’a pas été le déclencheur de l’assassinat du président le 22 novembre 1963 à Dallas.

  1. JFK n’a prononcé aucun discours le 12 ou le 15 novembre 1963 à l’université de Columbia.

Selon les [fausses) versions, ce discours aurait été prononcé le 12 ou le 15 novembre 1963 à l’Université de Columbia dans l’état de New York.

Il existe un site Internet intitulé  »John F. Kennedy Presidential Library and Museum »

https://www.jfklibrary.org

qui recense tous les discours et toutes les conférences de presse du président : il est donc facile de vérifier l’existence, la date et l’objet des interventions publiques de JFK.

Celui-ci n’a prononcé aucun discours le 12 novembre 1961 : il a écrit une lettre à un M. Tobriner sur un projet d’autoroute.

https://www.presidency.ucsb.edu/documents/letter-the-president-dc-board-commissioners-concerning-highway-projects

Le 15  novembre 1963, JFK a prononcé deux discours. Le premier, à la Convention de la Fédération américaine du travail (AFL-CIO) à New York, traitait de sujets économiques.

https://www.jfklibrary.org/asset-viewer/archives/jfkwha-240-005

Le deuxième, à la convention de l’Organisation de la jeunesse catholique et toujours à New York, faisait référence au « gouffre idéologique » qui séparait à ses yeux une démocratie et son ennemi le Communisme.

https://www.jfklibrary.org/asset-viewer/archives/jfkpof-048-008

  1. JFK a bien prononcé ces mots : « Le simple mot  »secret » est répugnant dans une société libre et ouverte. Et nous sommes, en tant que peuple, intrinsèquement et historiquement opposé aux sociétés secrètes, aux serments secrets, aux réunions secrètes. »

C’était le 27 avril 1961, dans l’hôtel Waldorf-Astoria à New York où se tenait le 48ème dîner de l’Association américaine des Éditeurs de presse, qui avait invité le président. Le discours s’intitule : « Le Président et la Presse ». L’enregistrement audio de ce discours est disponible sur le site déjà cité du  »JFK Library and Museum »

https://www.jfklibrary.org/asset-viewer/archives/jfkwha-025-001

Le passage du « secret » est souvent exploité pour dénoncer les atteintes portées à la liberté d’expression. Ainsi le célèbre lanceur d’alerte étatsunien Edward Snowden – qui a dû se réfugier en Russie pour échapper à la vindicte du gouvernement US et qui a reçu un passeport russe le 1er décembre 2022 – l’a cité dans un tweet du 1er octobre 2019

https://www.bfmtv.com/international/asie/russie/edward-snowden-a-recu-son-passeport-russe-et-prete-serment-selon-son-avocat_AN-202212030141.html

Autre exemple que les lectrices et lecteurs de PG connaissent bien : Claire Séverac a placé cet extrait comme épigraphe à son ouvrage Complot mondial contre la santé (2011).

https://www.librairie-passerelles.fr/livre/9782954012605-complot-mondial-contre-la-sante-claire-severac

MAIS la Vérité historique me force à révéler que John F. Kennedy, en rappelant l’opposition du peuple étatsunien «  aux sociétés secrètes, aux serments secrets, aux réunions secrètes » et en dénonçant « une conspiration monolithique et impitoyable dans le monde entier », ne visait absolument pas une organisation secrète agissant dans l’ombre du genre des Illuminati, des Skulls and Bones, de la CIA, du complexe militaro-industriel, des banques internationales ou de l’État profond…

https://www.iris-france.org/note-de-lecture/letat-profond-americain-la-finance-le-petrole-et-la-guerre-perpetuelle

L’objet de son discours, explicitement identifié dans le site  »JFK Library and Museum » est « son mécontentement de la couverture médiatique de l’incident de la Baie des Cochons et sa suggestion que les États-Unis ont à la fois besoin d’une information beaucoup plus grande du public et d’une extension de la notion de  »secret d’État » ».

  1. Pourquoi JFK n’est-il pas content de la presse le 27 avril 1961 ?

Il faut bien comprendre que, depuis la Révolution d’Octobre 1917 qui a mis au pouvoir une idéologie dans un état qui deviendra l’URSS et qui est le plus grand pays du monde en superficie, tous les gouvernements des USA ont mené une guerre parfois ouverte et le plus souvent secrète contre leur Ennemi mortel.

Mais, en avril 1961, en pleine guerre froide, les USA viennent de se prendre deux claques face à l’URSS. D’abord, le 12 avril 1961, un cosmonaute soviétique, Youri Gagarine, qui a accompli le premier voyage spatial habité par un être humain, faisant ainsi un pied de nez à la NASA.

Ensuite, et surtout, le 17 avril 1961, a eu lieu « l’incident de la Baie des Cochons » dans l’île de Cuba. Cuba se trouve à même pas 200 km de la Floride et en 1959 Fidel Castro a renversé le régime corrompu et pro-USA de Battista : les USA ne supportent pas cela et la CIA décide de recruter et entraîner des exilés cubains pour mettre les communistes à la mer. 1500 mercenaires débarquent donc le 17 avril 1961 dans la Baie des Cochons, avec l’approbation de John Kennedy, mais l’opération tourne au désastre : non seulement le gouvernement castriste a tenu bon mais en plus il a capturé la majeure partie des assaillants. Le Goliath US était ridiculisé par David-Cuba…

Kennedy bien sûr avait voulu garder secrète cette intervention militaire financée par son pays ; mais il fut obligé de l’assumer publiquement et il s’adressa une première fois à la presse le 20 avril 1961, présentant l’opération comme une croisade pour la Liberté

https://www.jfklibrary.org/archives/other-resources/john-f-kennedy-speeches/american-society-of-newspaper-editors-19610420

Mais en privé il reproche leur incompétence à certains chefs de la CIA (qui sont limogés) et il fulmine contre la presse : en révélant les préparatifs de l’invasion, certains journaux, d’après lui, ont contribué au désastre. En effet, des journaux comme The Nation ou le New York Times avaient enquêté sur l’entraînement de formations paramilitaires anticastristes.

  1. Quel message envoie-t-il à la presse le 27 avril 1961 ?

En s’adressant aux journalistes le 27 avril 1961 , Kennedy veut rappeler la presse à l’ordre dans un contexte de crise, alors que sa présidence est humiliée par la défaite de la Baie des Cochons, défaite que Kennedy impute, pour une partie, aux indiscrétions des médias.

Voici en résumé son raisonnement :

  • Nous avons un ennemi mortel qui attaque notre mode de vie et qui étend son influence dans le monde : la « conspiration monolithique et impitoyable » est celle de l’Union soviétique, de ses agents, de ses alliés et de ses partisans.
  • Il n’ y a pas de guerre ouverte avec des « armées de jour » contre le bloc soviétique, mais une guerre froide et secrète beaucoup plus dangereuse.
  • Les informations publiées dans notre presse libre sont une aubaine pour l’ennemi qui n’a plus à recruter des agents pour voler, corrompre ou espionner afin d’obtenir ces informations.
  • Notre presse a donc une responsabilité civique : chaque journaliste, rédacteur ou éditeur doit se demander, avant de publier une information, si elle concerne la sécurité nationale. Et si la réponse est Oui, c’est un devoir civique de s’auto-censurer...
  • Mais parallèlement, la presse doit donner au public une information beaucoup plus complète et plus intelligible sur la situation internationale, pour faire comprendre aux Américains à quel péril mortel les États-Unis sont confrontés et pour mieux lutter contre le Communisme.

Le président est parfaitement conscient du dilemme qu’il place en face des professionnels de la presse du Monde libre : par nature ils doivent dire la vérité, toute la vérité des faits et ne jamais accepter ce « mot  »secret » [qui] est inacceptable dans une société libre et ouverte » ; mais, dans les circonstances inédites de la guerre froide et secrète contre un ennemi déloyal et déterminé, il existe des informations touchant à la sécurité nationale du pays que les journalistes doivent apprendre à ne pas publier !

Kennedy en appelle au patriotisme des professionnels de la presse : certes, la guerre froide n’a pas fait l’objet d’une déclaration de guerre, ce qui interdit toute législation d’exception, mais elle n’en existe pas moins, ce qui oblige les médias à prendre leurs « responsabilités ».

Pour conclure, cher ami de PG, ce discours de John F. Kennedy le 27 avril 1961 est paradoxal : il commence par rappeler que, dans une société libre et ouverte comme celle des États-Unis, leader du Monde Occidental Libre, le secret est insupportable et intolérable. Mais, dans cette même société, il faut bien admettre la nécessité du secret pour se protéger d’un ennemi, même s’il n’a pas déclaré la guerre. Donc, puisque le gouvernement ne peut juridiquement imposer le secret à la presse, la solution est que les journalistes ferment aux-mêmes leurs yeux, leurs oreilles et leur bouche et qu’ils se lient les mains quand ils se persuadent que la « sécurité nationale » est en jeu dans la lutte existentielle contre les Bolchéviks.

Il me semble que Kennedy avait plus d’intelligence que, 80 ans plus tard, le duo de choc Ursula Van der Leyen – Josep Borrell : ces deux laquais des USA n’ont pas hésité, alors qu’aucune déclaration de guerre n’a été faite entre les pays de l’Union européenne et la Russie depuis février 2022, à bannir ces outils de la machine de propagande russe que sont prétendument RT et Sputnik !!!

Jocelyne Chassard

P.S. : ne m’en veux pas mais le début de ma recherche a été cet article de l’Affreux Conspiracy Watch, au demeurant très factuel… https://www.conspiracywatch.info/notice/discours-de-john-f-kennedy-du-27-avril-1961

Page d’accueil de la liste des Discours de JFK dans le site  »officiel » :

https://www.jfklibrary.org/archives/other-resources/john-f-kennedy-speeches

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