Internet Protocol Television L’IPTV, nouvelle vache à lait des mafias européennes
L’IPTV (Internet Protocol Television), légal, permet de regarder la télévision ou d’accéder à des contenus à la demande sur le Web, grâce à un boîtier Android. Des pirates parviennent à accéder à des centaines de chaînes payantes sans souscrire d’abonnement au préalable.
Au grand désarroi d’Europol, l’IPTV pirate a gagné en choix et en qualité afin de s’adapter au confinement mondial. Une nouvelle démonstration de la part de ses instigateurs, des mafias européennes ayant déjà réussi le tour de force de s’assurer illégalement un revenu régulier, le tout sans risque inconsidéré, et qui profitent même de la complicité d’acteurs comme Google, AliExpress, ou encore eBay et de la mauvaise volonté des fournisseurs d’accès Internet.
L’IPTV (Internet Protocol Television), légal, permet de regarder la télévision ou d’accéder à des contenus à la demande sur le Web, grâce à un boîtier Android — très facile à trouver — devant simplement être connecté à une télé. Détournée, cette technologie permet aux utilisateurs pirates d’accéder à des centaines de chaînes payantes — RMC Sport, Sky, beIN, Canal Plus, etc. — sans avoir souscrit d’abonnement au préalable.
Mais l’habileté des fournisseurs de flux contrefaits ne réside pas dans le piratage à proprement parler, mais bien dans les offres d’abonnements annuels, qui oscillent entre 15 et 30 euros, que les utilisateurs doivent souscrire pour recevoir ces flux piratés. Soyons pragmatiques : tout le monde s’y retrouve. Les utilisateurs déboursent, en moyenne, 20 euros par an pour accéder à une multitude de chaînes payantes, ce qui leur coûterait, légalement, plusieurs centaines d’euros, et les fournisseurs de flux s’assurent un revenu annuel plutôt confortable.
« On estime qu’entre 2,5 et 3 millions de Français ont recours à cette pratique illégale, cela représente environ 5 % des internautes, mais c’est le type de piratage qui progresse le plus », a récemment confié la secrétaire générale de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI), Pauline Blassel.
Mainmise de la mafia
Mais qui se cache derrière ces flux pirates ayant parcouru plusieurs milliers de kilomètres avant d’arriver sur nos écrans ? L’image du gentil geek piratant les contenus de richissimes multinationales depuis sa chambre dans le but de permettre à ses concitoyens de se faire plaisir tout en économisant quelques deniers relève, de plus en plus, du mythe.
Ce sont en réalité de véritables réseaux mafieux qui sont à la manœuvre derrière cette nouvelle pratique. De la Russie à l’Italie en passant par l’Europe de l’Est, ces criminels numériques ont mis en place un vaste système mondial de piratage de contenus audiovisuels. Jouant sur les vides juridiques et la quasi-impossibilité de leurs cibles de faire valoir leurs droits à l’international, ils sont presque intouchables.
Fin octobre dernier, la Gazzetta dello Sport relayait ainsi les résultats d’une enquête de longue haleine menée par le parquet de Naples depuis 2015 et selon laquelle des soldats de la Camorra, l’organisation mafieuse la plus puissante de Naples, étaient impliqués dans l’IPTV illégal.
« Le crime organisé a pris le virage du numérique plus vite — et bien mieux — que bon nombre d’entreprises classiques », confirmait ainsi Wieland Alge, vice-président et directeur général EMEA de Barracuda Networks, une société experte en sécurité réseau. Parmi les nombreuses pratiques numériques employées par les mafias européennes, on trouve notamment le ransomware, le phishing, et bien d’autres.
Leurs points communs : elles participent à leur financement et leur offrent un certain degré de protection. Ainsi, l’utilisateur français qui prend un abonnement IPTV pour regarder, depuis son canapé, un quart de final de Ligue des Champions avec des amis, participe, bien souvent sans le savoir, au financement de réseaux mafieux situés à des milliers de kilomètres et dont les activités vont de la prostitution au trafic de drogue en passant par le racket.
Google, AliExpress et eBay impliqués
« Certaines personnes pensent que, s’ils paient, ça rend la chose plus légale, ce qui est complètement faux », déplore Pauline Blassel. Une illusion de légalité renforcée par la qualité des plateformes sur lesquelles s’effectue ce paiement numérique. Ces dernières ont en effet pignon sur rue : AliExpress, eBay, etc. On trouve quantité d’annonces pour des abonnements IPTV illégaux, sur ces sites, et chacune de ces annonces est par ailleurs référencée sur Google Shopping.
De quoi déculpabiliser l’internaute lors de son achat illégal. Comment imaginer que l’on puisse, via Google Shopping puis eBay, participer au financement de réseaux de prostitution en Europe de l’Est ? C’est bien là toute l’habilité des pirates : donner l’illusion de la légalité à des pratiques illicites.
Une lutte difficile
Si les différences de législation entre pays compliquent la tâche des ayants droit floués, le Royaume-Uni s’érige en exemple en matière de lutte contre le piratage en ligne, quand la France est à la traîne. La raison est simple : le championnat de football britannique, la Premier League, qui détient les droits de diffusion de chaque match est parvenue à s’attacher les services des fournisseurs d’accès Internet (FAI). Un travail de titan, tant certains d’entre eux étaient au départ réticents.
Une procédure de blocage a dès lors pu voir le jour au Royaume-Uni, en grande partie financée par La Premier League, qui permet de couper le flux plutôt que le site. Une technique efficace. « En France, la non-coopération des FAI est l’un des problèmes principaux, parce que ça empêche les détenteurs de droits et les organisations sportives de savoir quels sont les sites et les serveurs les plus populaires, puisqu’ils n’ont pas d’informations sur le trafic. Deuxièmement, cela ne permet même pas d’envisager un blocage, car les FAI traînent des pieds ou demandent des compensations financières exorbitantes », déplore un expert de la lutte contre le piratage en ligne interrogé par Rude Baguette.
Les FAI chercheraient ainsi à monnayer leurs services. Business is business. Justifiant par ailleurs leur position au prétexte de la « neutralité du Web », qu’ils n’hésitent pourtant pas à contourner quand il s’agit de contenus plus polémiques. Sans forcément savoir, là encore, qu’ils participent de facto à l’enrichissement de réseaux criminels.
Source : Atlantico
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