Institut pour la Justice – Vous connaissez l’adage populaire : le poisson pourrit par la tête ?
Madame, Monsieur,
Vous connaissez l’adage populaire : le poisson pourrit par la tête ?
Il s’applique très bien à la justice française. Nous venons encore d’en avoir un exemple remarquable récemment.
La semaine dernière, le journal Le Figaro révélait qu’une bien étrange réunion s’était tenue place Vendôme.
Épidémie de coronavirus oblige, le ministre de la Justice, Éric Dupont-Moretti, s’est adressé par visioconférence aux chefs de juridictions et chefs de cours pour leur indiquer quelle politique pénale ils devaient appliquer. À ses côtés se tenait le Premier ministre, Jean Castex.
Et le message qu’Éric Dupont-Moretti a tenu à passer aux magistrats du parquet a été limpide : « Usez du nouvel arsenal » fourni par la dernière loi de réforme de la justice, la loi Belloubet adoptée en mars 2019.
Et à votre avis, de quel « arsenal » s’agit-il ? De sanctions rapides et sévères pour dissuader les malfaiteurs et protéger enfin les honnêtes citoyens ? D’un recours accru à l’incarcération ?
Pas du tout, c’est même exactement le contraire. L’« arsenal » dont parlait le ministre de la Justice, ce sont toutes ces innombrables « mesures alternatives » qui n’ont qu’un seul but : éviter de mettre les délinquants en prison. Plus de travail d’intérêt général, plus de « sursis probatoire », plus de bracelet électronique à domicile…
Autrement dit, plus de sentiment d’impunité pour les délinquants, et moins de sécurité pour vous et moi.
Car toutes ces « mesures alternatives » sont perçues par les délinquants chroniques comme autant d’absence de sanction et comme un encouragement à recommencer.
Souvenez vous que Ludovic Bertin, qui a avoué avoir tué Victorine, avait déjà une dizaine de condamnations à son actif et cependant aucun séjour en prison, comme je vous l’avais expliqué la semaine dernière. Et des cas comme le sien sont malheureusement monnaie courante.
Bref, Éric-Dupont Moretti a joué sa partition habituelle, que nous connaissons bien désormais : le « sentiment d’insécurité » est un « fantasme » alimenté par les « populistes », et « la France n’est pas un coupe-gorge ». Tout va très bien Madame la marquise, et le seul vrai danger, c’est la justice qui incarcère trop…
Sauf que, cette fois-ci, les magistrats ont fait entendre un autre son de cloche.
Marie-Suzanne Le Quéau, présidente de la Conférence nationale des procureurs, a affirmé devoir tenir « un langage de vérité ». Or la vérité est que « la délinquance est repartie à la hausse et notamment celle dont les manifestations altèrent le lien social et nuisent au pacte républicain ». Autrement dit les violences contre les personnes et les attaques contre les forces de l’ordre, comme à Herblay ou à Champigny, tout récemment.
Catherine Champrenault, le procureur général de Paris, a immédiatement renchéri : « La délinquance du quotidien, en région parisienne comme ailleurs, est une délinquance dure, violente, qui dégrade considérablement la vie de nos concitoyens. »
Sa conclusion a été sans appel : « Il ne peut pas être demandé au ministère public de ne plus déférer ni requérir de mandats de dépôt. La nature de la délinquance que nous traitons impose parfois la mise à l’écart de la société, que la détention à domicile ne peut pas toujours satisfaire. »
En clair : les « mesures alternatives » sont impuissantes à endiguer la délinquance et protéger la population, il faut davantage recourir à l’incarcération.
Et pour enfoncer le clou : « Le discours de régulation carcérale peut apparaître en décalage avec celui de la gestion de délinquance que les parquets ont à connaître et la réalité du niveau de criminalité qui est notre quotidien. »
La « régulation carcérale », c’est adapter la réponse de la justice au nombre de places disponibles en prison, au lieu d’adapter le nombre de places de prison à la réalité de la délinquance.
C’est ce qu’ont fait tous les gouvernements depuis des années et des années, et c’est manifestement ce que veut faire Éric Dupont-Moretti. Sauf que les procureurs, qui voient au quotidien la réalité de la délinquance, crient « casse-cou » !
Malheureusement, le ministre de la Justice n’a pas entendu ce langage de vérité : il était déjà parti lorsque les magistrats ont répondu à son discours !
Comme on dit : il n’est pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.
Depuis une dizaine d’années, les ministres de la Justice se succèdent, mais la politique pratiquée est toujours la même, la politique du pire.
Nous avons eu Christiane Taubira, une féroce idéologue, grande-prêtresse de la culture de l’excuse. Après le bref intermède Jean-Jacques Urvoas, Nicole Belloubet est arrivée place Vendôme et a immédiatement mis ses pas dans ceux de Christiane Taubira : toujours plus de « mesures alternatives », toujours moins d’incarcération. Sa grande fierté est d’avoir diminué la population carcérale de plus de 13 000 détenus au printemps dernier.
Et aujourd’hui nous avons Éric Dupont-Moretti, dont tout indique qu’il se situe exactement sur la même ligne désastreuse.
Soyons lucides : tant que nous aurons de tels ministres de la Justice, il ne faut pas espérer que la situation s’améliore vraiment. Ce sera très difficile.
Voilà pourquoi il est si important de nous préparer pour l’élection de 2022. Ce rendez-vous sera absolument décisif pour essayer de redresser une situation qui ne cesse de se dégrader.
L’Institut pour la Justice y travaille d’arrache-pied, et vous pouvez nous y aider. Nous avons mis au point un questionnaire pour mieux connaître vos attentes et pour nous aider à élaborer nos propositions.
Vous pouvez le remplir, si vous ne l’avez pas déjà fait, et le diffuser le plus largement possible autour de vous.
Vous pouvez également nous aider en faisant un don, même minime. Chaque euro compte et chaque euro est utilisé pour faire progresser nos idées et changer les choses.
Ensemble, nous pouvons réussir. Nous devons réussir, pour notre pays, pour nos enfants. Je compte sur vous.
Avec tout mon dévouement,
Laurence Havel
Source : Institut pour la justice.org
Répondez à notre grande enquête nationale !
En ces mois de rentrée, l’IPJ lance une grande enquête nationale pour connaitre quelles mesures vous tiennent à cœur. Exprimez-vous !
Ce questionnaire doit nous aider à mettre sur pied notre programme d’action pour l’élection présidentielle de 2022.
Connaître vos attentes ainsi que vos idées nous est indispensable pour savoir ce que vous attendez de la justice. Nous voulons changer les choses et pour cela, 2022 est une année cruciale. À nous de mobiliser le plus grand nombre et de peser pour obtenir ce que nous voulons : une justice qui protège véritablement les honnêtes citoyens et qui soit plus équitable pour les victimes.
Mais sans votre aide et votre soutien, nous serons impuissants. Chaque jour, la France sombre un peu plus dans l’ensauvagement. Nous devons tout tenter ensemble pour remettre en ordre notre pays. La prochaine élection présidentielle sera une opportunité unique. Après, il sera peut-être trop tard.
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