Institut Pour la Justice : Lettre de Laurence Havel
Chère Madame, cher Monsieur,
C’est devenu une routine presque quotidienne. Des pompiers et des policiers qui interviennent dans une « cité sensible » pour éteindre des véhicules ou des poubelles en feu, ou bien pour porter secours à quelqu’un, et qui tombent dans de véritables guet-apens.
Pompiers et policiers sont alors assaillis par des dizaines d’individus qui se tenaient en embuscade, à coups de projectiles, de mortiers d’artifice, de cocktails molotov. Si la configuration des lieux le permet, les assaillants les bombardent aussi depuis les étages des immeubles : boules de pétanques, parpaings, machine à laver… tout ce qui peut blesser ou tuer.
Le journal Le Figaro a recensé une quinzaine de ces faits rien que sur les deux dernières semaines du mois d’octobre. Et encore, précise le journal, « Ces divers exemples repérés dans la presse locale et nationale de ces quinze derniers jours sont loin de représenter une couverture exhaustive de ce phénomène qui touche tout l’Hexagone. »
Commentant ce phénomène très inquiétant, la journaliste Zineb El Rhazoui a déclaré il y a quelques jours sur le plateau de Cnews :
« Sur les événements à Mantes-la-Jolie, le guet-apens organisé autour d’une petite patrouille de police par une centaine de racailles, moi, j’ai vu un peu ce qu’il se disait sur les réseaux sociaux. Les gens de tous horizons étaient absolument unanimes : il faut que la police tire à balles réelles dans ces cas-là. La police américaine aurait tiré à balles réelles pour bien moins que ça. »
Que n’avait-elle pas dit !
Tous les autres participants à l’émission se sont aussitôt récriés et lui sont « tombés dessus ». Certains ont même prétendu que les propos de Zineb El Rhazoui étaient « un appel au meurtre ».
Rien que ça…
Soyons sérieux. Les policiers doivent évidemment se défendre s’ils sont agressés. Bien évidemment aussi, cette défense doit être proportionnée à l’agression. Mais il faut appeler les choses par leur nom : de plus en plus souvent ces guet-apens urbains sont de véritables tentatives de meurtre.
Les moyens employés par les assaillants pourraient parfaitement tuer, et si, jusqu’à maintenant, on n’a relevé aucun mort parmi les forces de l’ordre, c’est uniquement grâce aux bons réflexes des policiers, à leurs équipements de protection, et grâce à la chance aussi.
Maître Thibault de Montbrial, l’un de nos experts, l’a très bien expliqué récemment, sur Cnews lui aussi.
Combien de temps cette chance va-t-elle durer ? Et pourquoi les forces de l’ordre devraient-elles attendre de compter des morts dans leurs rangs pour tirer sur ceux qui, jour après jour, essayent de les tuer et de leur interdire l’accès de certaines parties du territoire national ?
Les belles âmes qui s’en sont pris à Zineb El Rhazoui, bien à l’abri sur un plateau de télévision, mesurent-ils ce que doivent endurer les policiers de terrain, les menaces auxquelles ils doivent faire face ? Mesurent-ils bien les conséquences de ces attaques continuelles ?
Car la réalité c’est que, petit à petit, les forces de l’ordre cèdent du terrain aux délinquants, la réalité c’est que le rapport de force a basculé du côté des bandes armées.
Nos dirigeants prétendent que les zones de non droit n’existent pas, qu’il n’existe aucun quartier dans lequel les forces de l’ordre ne pénètrent plus. À strictement parler, c’est vrai, mais savez-vous comment les policiers en sont réduits à opérer dans certaines de ces « cités sensibles » ?
L’ancien préfet Michel Aubouin raconte dans son livre « 40 ans dans les cités » comment cela se passe dans le quartier de la Grande-Borne :
« Quand la police doit procéder à une interpellation, ce qu’elle fait le matin très tôt, à l’heure où les voyous dorment encore, c’est une opération militaire qu’elle doit monter, où la rapidité d’exécution constitue la seule garantie de réussite. Pour le reste, la police ne peut entrer dans le quartier. Sa configuration autorise des guet-apens à tous les angles des immeubles. »
Bien sûr, entre les voyous et les policiers le déséquilibre des forces est flagrant : une voiture de police est composée, au plus, de trois fonctionnaires alors que, en face « les bandes peuvent, en quelques minutes, mobiliser des dizaines d’individus. À la Grande Borne, elles pourraient même en mobiliser des centaines. »
Mais, ajoute Michel Aubouin, « Ce n’est d’ailleurs pas qu’une question de moyens ; c’est aussi une question de doctrine. Les policiers de la BAC, qui y risquent leur vie chaque soir, craignent la sanction plus que la blessure, à cause d’une interpellation qui aurait mal tournée. La peur de la bavure les accompagne en permanence. »
Chacun se souvient que, en Octobre 2016, précisément dans ce quartier de la Grande Borne, lorsque des policiers avaient failli mourir brûlés vif dans leur voiture après qu’elle ait été incendiée par des cocktails molotov, alors qu’ils étaient entourés de dizaines d’individus venus manifestement pour les tuer, aucun d’entre eux n’avait osé sortir son arme de service pour se défendre.
Les policiers qui opèrent dans ces « quartiers sensibles » sont tellement tétanisés par la peur de ne pas être soutenus par leur hiérarchie, par la justice, par les hommes politiques, qu’ils n’osent même plus défendre leur vie dans des circonstances aussi extrêmes !
La conséquence c’est que les habitants de ces quartiers sont abandonnés à la loi des bandes et des trafiquants de drogue. Des centaines de milliers de gens qui, au quotidien, doivent baisser les yeux, faire comme s’ils ne voyaient pas tous les délits qui se commettent en bas de chez eux, qui doivent supporter les nuisances, les incivilités, les humiliations, sans rien dire. Car ils savent que la police est incapable de les protéger. Elle ne peut même pas se protéger elle-même.
Dans ces quartiers, dit Michel Aubouin, « personne ne porte plainte, personne ne veut témoigner. » Qui pourrait les en blâmer ?
Aujourd’hui cela se passe ainsi dans des centaines de « zones urbaines sensibles ». Et demain ? La France entière ?
Les policiers et les gendarmes n’ont pas seulement le droit de se défendre s’ils sont attaqués, ils en ont aussi le devoir. Car ils représentent la loi républicaine, et force doit rester à la loi, sans quoi, demain, nous serons tous soumis à la loi des voyous et des bandes armées.
Oui, les policiers doivent tirer si nécessaire. Et, à l’IPJ, nous sommes mobilisés depuis longtemps sur les questions de légitime défense, aussi bien en ce qui concerne les forces de l’ordre qu’en ce qui concerne les particuliers.
L’un de nos experts, maitre Thibault de Montbrial, est l’un des meilleurs spécialistes français des questions de légitime défense et il intervient très fréquemment dans les médias.
Nous avons publié de nombreuses études sur le sujet et nous avons été à l’origine de plusieurs propositions de loi et amendements. Notre objectif est de faire modifier les règles de la légitime défense, afin de rendre celles-ci plus adaptées à la réalité du terrain, afin que les policiers, aussi bien que les particuliers, puissent se défendre lorsqu’ils sont agressés sans risquer d’être inquiétés par la justice, comme cela est trop souvent le cas aujourd’hui.
La légitime défense est, depuis le début, l’un de nos combats fondamentaux, vous le savez.
Et l’Institut pour la Justice continuera, sans relâche, de se battre pour la reconnaissance de la légitime défense, pour modifier les mentalités et les pratiques.
Mais pour agir, nous avons besoin de votre aide. Toutes nos actions ont un coût. Vous informer, mobiliser des avocats, des juristes et des experts pour défendre nos droits et notre sécurité a un coût.
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Les dons sont indispensables car ils nous permettent d’agir. Si l’Institut pour la Justice ne le fait plus faute de moyens, qui le fera ?
Mille mercis de votre aide précieuse par un don aussi généreux que possible.
Avec tous mes remerciements et tout mon dévouement,
Laurence Havel
Source : Institut pour la Justice
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