FIGAROVOX/TRIBUNE – L’ancien élu écologiste Daniel Cohn-Bendit a demandé ce matin au professeur Didier Raoult de «fermer sa gueule». Anne-Sophie Chazaud se demande d’où il parle, et appelle à un débat public serein au sujet de la chloroquine.
Anne-Sophie Chazaud est philosophe, haut fonctionnaire et auteur d’un livre à paraître aux éditions l’Artilleur consacré à la liberté d’expression.
La crise sanitaire liée à l’épidémie de coronavirus est la révélatrice de toutes les autres et n’en finit plus, à la fois maladie et symptôme, de mettre en évidence les nombreux dysfonctionnements d’une société en profonde mutation. Frappant le monde entier, elle survient en France dans un contexte inédit de très grande tension sociale, sociétale et politique, tandis que le pouvoir fait l’objet, depuis de longs mois, de nombreuses critiques et d’une rare défiance de la part d’une majorité de Français, ce qu’un très récent sondage a encore mis en évidence.
Dans cet environnement particulier, les débats autour des essais thérapeutiques réalisés par le Professeur Didier Raoult, prennent une tournure ahurissante.
Le Professeur Didier Raoult fait l’objet d’une très curieuse campagne en délégitimation dans un contexte qui s’en passerait bien volontiers. L’infectiologue, professeur de microbiologie, directeur de l’Institut hospitalo-universitaire de Marseille, éminent scientifique dont les travaux sont connus et reconnus dans le monde entier, fait l’objet d’une très curieuse campagne en délégitimation dans un contexte qui s’en passerait bien volontiers.
Le personnage, certes haut en couleur, à l’aspect peu conventionnel, fort éloigné des normes, naviguant sur sa solide embarcation quelque part entre le guitariste de hard-rock et le druide Panoramix, se retrouve au cœur d’une controverse déchaînée et relativement incompréhensible si l’on considère qu’en temps présumé «de guerre», on est supposé pratiquer une médecine «de guerre» (à moins de ne se déclarer Clemenceau dans les tranchées que pour l’image et la communication), le plus important serait d’aller le plus vite possible pour sauver le plus de vies possible dans l’immédiat, quand bien même on n’aurait pas de certitudes encore totalement établies sur les effets des traitements combinés à base d’hydroxychloroquine, ce qui n’est en rien incompatible avec des études au plus long cours, plus largement étayées au plan scientifique et selon les règles de l’art.
Dans cette foire d’empoigne homérique, l’ancien soixante-huitard Daniel Cohn-Bendit, s’est soudain mis à proférer une haine aussi violente que caricaturale à l’encontre de l’éminent Professeur, en des termes dont on peut apprécier toute la subtilité à la fois formelle et démocratique: «Qu’il ferme sa gueule et qu’il soit médecin! (…) Il y en a marre. Il y en a marre des gens comme lui».
Ce cri du cœur de Daniel Cohn-Bendit a le mérite de révéler, une nouvelle fois, les travers idéologiques d’un gauchisme aussi vitupérant que moribond. On ignore si l’agitateur politique désormais bien rangé avait abusé du café, mais ce cri du cœur a le mérite de révéler, une nouvelle fois, les travers idéologiques d’un gauchisme aussi vitupérant que moribond.
Car enfin, si le style et les déclarations du Professeur Raoult peuvent éventuellement agacer certains, bousculer quelques mandarins qui, autrefois, n’étaient pas défendus avec une telle ferveur par Daniel Cohn-Bendit, agacer aussi de bonne foi d’autres médecins qualifiés pour s’exprimer, il n’en demeure pas moins que de très nombreux pays sont en train d’adopter des protocoles incluant la chloroquine (dont le Professeur Raoult n’a du reste jamais prétendu qu’elle était la seule et unique voie possible de guérison), il n’en demeure pas moins non plus que de très nombreux patients de la Timone en sont satisfaits, parmi lesquels des élus tels que les députés Républicains Valérie Boyer ou Christian Estrosi, lesquels ont eu la chance de recevoir ce traitement et d’être guéris, ainsi que de nombreux anonymes, comme le prouve le taux de guérison à l’IHU rapporté aux chiffres d’hospitalisations comparés avec d’autres régions.
Cette hystérie anti-Raoult relève de toute évidence de l’idéologie, par-delà les petites guerres entre laboratoires. Il sera bien temps de chipoter, de faire la fine bouche et de «tester pendant 6 mois sur des souris» (comme le faisait remarquer avec drôlerie Christian Estrosi) une fois le pic épidémique passé, mais pour le moment, tout ce qui fonctionne est bon à prendre.
Cette hystérie anti-Raoult relève de toute évidence de l’idéologie, par-delà les petites guerres entre laboratoires.
En effet, ceux-là mêmes qui n’auront cessé de déconsidérer les mouvements populaires de contestation sociale, parmi lesquels le cri de désespoir des personnels soignants lors des mois de révolte contre la réforme des retraites, mais aussi lors du mouvement des Gilets Jaunes où, l’on s’en souvient, étaient présents de nombreux infirmiers et infirmières, sont à présent, et logiquement, les mêmes qui invoquent un «populisme sanitaire» , dernière trouvaille rhétorique délégitimante visant l’opinion publique qui soutient le Professeur Raoult.
Dans l’emportement de Cohn-Bendit se lit toute la considération désormais avérée du gauchisme culturel pour la liberté d’expression. S’appuyant sur quelques théories complotistes montées en épingle (comme l’hypothèse selon laquelle le virus aurait été lancé délibérément depuis le laboratoire P4 de Wuhan, ce qui n’est d’ailleurs pas nouveau et ressurgit à chaque irruption virale, ce qui fut par exemple déjà le cas au moment du VIH), ceux-là mêmes qui affirmaient sans broncher que porter des masques était inutile, que faire des tests était inutile, que fermer les frontières était inutile, que le virus s’arrêterait devant les frontières d’une Union européenne présumée protectrice comme autrefois le nuage de Tchernobyl avec la même efficacité incantatoire que la ligne Maginot, affirment désormais avec le même aplomb que les espoirs et travaux réalisés autour de la chloroquine sont inutiles. Par ailleurs, dans l’emportement de Cohn-Bendit se lit, une nouvelle fois, toute la considération désormais avérée du gauchisme culturel pour la liberté d’expression: «Qu’il ferme sa gueule!»
On peut pourtant débattre des résultats et études du Professeur Raoult, cela s’appelle la démocratie et, en dépit des appels à l’union nationale, l’esprit critique et l’exercice du jugement éclairé n’ont pas à être confinés. On peut contester ses méthodes, on peut contester l’aspect peu conventionnel et peut-être excessif de ses déclarations. Tout est possible, dans le respect du débat public et démocratique.
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