Imposteurs chez les Anciens combattants
Fausses décorations, faux uniformes. Quasiment pas de contrôles tant que l’intéressé ne postule pas au statut d’ancien combattant. Photo d’illustration AFP/Jacques DEMARTHON
Faux colonel, général mystificateur. Médailles ou Légions d’honneur usurpées. Chaque année, plusieurs cas sont démasqués dans l’Hexagone au sein des unions locales. Un phénomène pas si rare dans le monde combattant.
Il y a eu Gilbert, 74 ans, le « Bigeard local », comme l’ont décrit ses amis de l’époque en région parisienne. Béret rouge de parachutiste, médailles à foison. « Un homme respecté qui chapeautait plusieurs associations d’anciens combattants. » Une imposture de quatorze ans.
Il y a eu Marc, vrai caporal-chef quinquagénaire qui organisait de grands raouts en Alsace sous son (faux) grade de commandant. Et puis, il y a quelques jours, en Bretagne, un jeune porte-drapeau de 47 ans, couvert de décorations, fanfaronnant avec son passé d’engagé durant la guerre du Golfe et au Kosovo. Une nouvelle mystification.
Combien seront-ils derrière les drapeaux et les honneurs, lors de la prise d’armes du 11-Novembre, à s’être inventés un passé, à jouer des zones d’ombre de l’histoire ? Pas la majorité, c’est certain, mais quelques-uns, qui jettent le discrédit sur toute une corporation. Ceux qui les ont côtoyés parlent de déshonneur. D’autres préfèrent en sourire, rappelant qu’il n’y a pas mort d’homme et que ce phénomène d’affabulation existe dans des cas plus douloureux encore, comme récemment au sein des victimes d’attentat.
Internet, brocantes : tout l’apparat à portée de main
« On en rit encore pour ne pas en pleurer », résume, lui, Francis Deloeil, président actuel de l’Union locale des combattants de Pontivy (Morbihan). 170 adhérents, dont la majorité issue de la guerre d’Algérie, cinq porte-drapeaux. Un bastion. Une forteresse qui a pourtant connu elle aussi son revers de la médaille, en 2015. Un certain Raymond B. a abusé tout le monde : élus, notables, et tous les anciens combattants qui l’ont porté à la présidence de l’UNC locale. « Il passait alors de colonel à général, il était en retraite, il était le candidat idéal, ça ne se bousculait pas au portillon », retrace Francis Deloeil. L’homme possédait un CV long comme la guerre de Cent ans, une prestance d’officier de haut rang. Le « faux » général n’a été président qu’une semaine. Son erreur ? Pousser l’imposture trop loin en arborant la Légion d’honneur. Le détail qui tue, et qui met alors la puce à l’oreille du responsable départemental de la prestigieuse décoration. Uniformes, décorations, médailles, accessoires, tout est à portée de bourse aujourd’hui, et de tromperie. Internet a changé la donne. « En brocante, c’est très facile aussi, vous ressortez, vous pouvez être grand croix de la Légion d’honneur », soupire Francis Deloeil qui a dû montrer patte blanche et surtout ses papiers certifiés de colonel honoraire pour être adoubé par ses pairs.
Dans les faits, tant qu’une personne n’a pas sollicité l’ouverture d’un dossier (transmis ensuite à l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre) pour obtenir le statut d’ancien combattant*, aucun vrai contrôle n’est effectué, reconnaissent les différentes associations. Ou alors, au coup par coup. Souvent, les imposteurs étaient en quête de « gloriole » locale, d’un vrai besoin de reconnaissance qu’ils n’avaient peut-être pas eue dans leur vie professionnelle antérieure. Pas dans un but financier. Pour port illégal d’uniforme et de décorations, usurpation de titres et de fonctions, ils risquent un an de prison et 15 000 € d’amende. Dans les faits, les condamnations sont surtout symboliques : deux mois de prison avec sursis pour l’un, une amende de 650 euros pour un autre. De faux « héros anonymes » que le général Bigeard, le vrai, aurait envoyés à l’ombre.
* Pour être reconnu comme ancien combattant, il faut avoir été présent 90 jours consécutifs sur un territoire hostile/de guerre. La retraite à partir de 65 ans de 700 € à l’année.
Source : Le Dauphiné
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