Il se fabrique une fausse vie de gendarme : quatre mois de prison avec sursis
Quatre mois de prison avec sursis pour un quinquagénaire nivernais qui se faisait passer pour un gendarme. © Marion Boisjot
Il aurait tant voulu devenir gendarme, à l’issue de son service national effectué, justement, dans la gendarmerie. Il n’a pas pu. Alors, au fil des années, il a acheté des tenues de cérémonie et de service ordinaire, des treillis de camouflage… Et aussi de nombreuses médailles et insignes et de faux titres de spécialisation militaire… Jusqu’à cette fin septembre 2019.
Un faux gendarme démasqué dans le Morvan après l’utilisation d’un gyrophare pour se rendre au boulot
Un gyrophare remarqué
Ce jour-là, il quitte sa résidence secondaire dans la Nièvre, dont il aimerait tant faire sa résidence principale. Direction la région parisienne où une société privée l’emploie comme agent de sécurité.
Sauf que ce jour-là, dans une voiture certes banalisée mais d’aspect proche de celles que peut utiliser la gendarmerie, le quinquagénaire, sans doute un peu pressé ou en retard, met en marche un gyrophare. Remarqué, bien au-delà de ses espérances, en matière de priorité sur les autres usagers d’une route très encombrée, il est arrêté, pour être contrôlé, par des gardiens de la paix.
Tout un univers
Il prétend être « de la maison ». Pas de la police, mais bien de la gendarmerie. Vérification faite auprès de l’institution concernée, l’immatriculation du véhicule ne correspond à aucun de ceux en service actuellement.
L’univers et le parcours, que s’était peu à peu fabriqué le prétendu chef d’escadron de gendarmerie mobile, s’écroule. D’abord au moment de son interpellation lorsque les policiers ont découvert sur son véhicule, en plus du gyrophare, un dispositif sonore de sirène « deux tons ». Puis, au fil de l’enquête dont il a fait l’objet et des nombreuses découvertes faites lors de perquisitions dans ses deux résidences, en région parisienne et dans la Nièvre.
Jusque dans les paroles
Devant le tribunal correctionnel de Nevers, vendredi 14 février, le faux gendarme a choisi d’assurer lui-même sa défense. Il était poursuivi pour : usurpation de titre, diplôme ou qualité ; port illégal de costume, d’uniforme ou de décoration ; faux au sens de l’altération frauduleuse de la vérité dans un écrit ; et usage de faux en écriture.
« Je ne discute pas ce que l’on me reproche. Sur le moment, je n’avais pas pleinement conscience de l’importance et de la gravité de ce que je faisais. La gendarmerie est une institution que je respecte. Que je n’ai pas voulu léser. À laquelle je n’ai jamais voulu porter préjudice. »
Sauf qu’au-delà du « travail » sur les apparences, l’assimilation du prévenu est allée jusque dans le discours. Plusieurs témoins dans son village nivernais de villégiature, ont fait état de remarques, de paroles du prévenu, faisant référence à son pseudo passé ou à sa pseudo expérience dans la gendarmerie. Associant des noms d’escadrons, ou de groupes d’intervention spécialisés… Jusqu’à l’usage inconsidéré, dans un climat de discorde exacerbée avec un voisin.
« Personne ne peut se faire passer pour un gendarme, dès qu’il a un problème, pour tenter de le régler », lance le président du tribunal qui poursuit : « Ressentiez-vous de la frustration ?
– Peut-être un peu…
– Mais pourquoi être allé jusqu’à ces mêmes références, dans votre CV, ou lettre de motivation ? Pourquoi avoir évoqué cette fausse expérience dans la gendarmerie ? Ne pensez-vous pas apporter un facteur discriminant pour les autres candidats à l’emploi auquel vous prétendiez ?
– Oh non ! Je n’avais pas besoin de ça. Je suis maître-chien et c’est très recherché dans le secteur de la sécurité… »
« Mytho… Gros mytho »
Dans ses réquisitions, le procureur de la République a souligné que, au-delà de l’atteinte aux apparences du gendarme, l’inquiétant, dans l’attitude du prévenu, était également sur ce que ces apparences représentent : l’autorité de fait sur les personnes et par la loi. « Ce type de personne est connu dans la gendarmerie. Ils sont nommés mytho, ou gros mytho. Nous n’en sommes pas arrivés là, mais par le passé, cette forme de spirale a pu conduire à des affaires criminelles. »
Au final, le tribunal l’a condamné à quatre mois de prison avec sursis, deux mois en deça des demandes du ministère public. Elles ont été suivies à la lettre pour le reste : le prévenu a été relaxé pour les deux motifs de faux et d’usage de faux et condamné à une amende délictuelle de 200 €. À sa demande, il est exonéré de l’inscription de sa condamnation au bulletin numéro deux du casier judiciaire.
Jean Michel Benet
Source : Le Journal du Centre
Laisser un commentaire