Harcèlement sexuel à la gendarmerie de Joigny : « Parlez-vous du cul de votre colonel? »
PROCES – Deux gendarmes comparaissaient ce mardi devant le tribunal à Paris pour harcèlement sexuel. Ils sont poursuivis pour avoir tenu des propos obscènes devant une subalterne et de lui avoir proposé des rapports sexuels. Le parquet a requis un an de prison avec sursis à leur encontre.
Le parquet de Paris a requis un an de prison avec sursis à l’encontre de deux gendarmes poursuivis pour harcèlement sexuel.
ILLUSTRATION / AFP
Le maréchal des logis chef Ludovic F., blouson de cuir, cheveux ras, baisse la tête à la lecture des propos qu’il a tenus devant sa subalterne. Devant le tribunal correctionnel de Paris, l’ancien gendarme, décrit par ses collègues comme médiocre, a reconnu, mardi soir, avoir harcelé sexuellement Marie*, une gendarme de 26 ans. Des aveux tout en nuance puisqu’il a nié « l’intention de lui nuire », autrement dit, de l’avoir fait exprès. Cette version n’a pas entièrement satisfait le ministère public qui a requis un an de prison avec sursis pour les deux gendarmes.
Ludovic F., 37 ans, et son supérieur, l’adjudant Julien G., 38 ans, étaient poursuivis pour avoir tenu de façon répétée dans le temps des propos humiliants d’une crudité, d’une obscénité ahurissantes et proposé des fellations à une jeune gendarme venue tout droit de La Réunion pour faire ses preuves en métropole. Cette dernière, en uniforme devant les juges et entourée de collègues dans la salle d’audience, a décrit un véritable cauchemar pendant plus d’un an, entre 2012 et 2013, alors qu’elle était affectée à la gendarmerie de Joigny (Yonne). Elle a raconté avoir fait l’objet de remarques pour le moins graveleuses sur son physique dans le huis clos de la brigade. Ces paroles portées sur la taille de ses seins ont été tant répétées qu’elle s’est elle-même infligé le port d’une brassière trop petite afin de les aplatir.
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« Obsession pour le sexe »
Poursuivi, entre autres, pour lui avoir dit « Je te niquerais bien parce que vous les Noires, il paraît que c’est rose à l’intérieur », le maréchal des logis chef a reconnu avoir eu des propos « déplacés », mais pas « racistes ». Au cours de l’audience, la présidente tente de comprendre pourquoi. « Un postérieur d’un homme est-il d’une couleur différente de celui d’une femme ? », lui demande-t-elle. « Non », répond le prévenu. « Parlez-vous du cul de votre colonel ? », poursuit-elle. Même réponse. « Alors qu’est-ce qui vous permet de parler de celui de votre subalterne ? ». Pas de réponse.
Décrit comme « paresseux », « sûr de lui », ayant une « obsession pour le sexe », Ludovic F. ne faisait pas l’unanimité au sein de la brigade. A l’inverse de son supérieur Julien G., adjudant, très bien noté par sa hiérarchie, considéré comme « le dieu de l’officier de police judiciaire ». « Je n’ai jamais cherché à causer du tort », jure-t-il, suspectant la victime d’avoir grossi les accusations en vue d’être mutée. « Vous étiez très bien noté. Ce ne sont que de bonnes appréciations », lui fait remarquer la présidente en lisant les rapports de notation. « Le comportement de l’un a-t-il déteint sur l’autre ? », questionne-t-elle. « Non », répond-il. « Vous assumez tout alors… »
« Un tabou dans l’armée »
Marie, aujourd’hui affectée dans une autre brigade de la région parisienne, a raconté avoir subi des pressions pour retirer sa plainte. « C’est un vrai tabou dans l’armée. Ce sont des affaires honteuses dont il ne faut pas parler », a regretté le colonel Jacques Bessy, président de l’association d’aide aux militaires Adefdromil, réclamant une « peine exemplaire ». « C’est le deuxième dossier de harcèlement sexuel jugé à Paris depuis que le tribunal correctionnel a comme compétence de juger ce type d’affaires », a rappelé le ministère public, estimant qu’au regard des 16,6% de femmes dans la gendarmerie nationale, les plaintes n’étaient pas « si courantes que ça ». Outre la peine de prison, le ministère public, qualifiant les faits de « graves » même s’il ne s’agit « que de paroles, a demandé au tribunal de prononcer une interdiction définitive d’exercer dans la gendarmerie contre Ludovic F. et de cinq ans à l’encontre de son supérieur, l’adjudant Julien G.
De leur côté, les avocats de la défense ont pointé des « mensonges » du côté de la partie civile qui, selon eux, interrogeait « les personnels masculins sur ses seins et ses grosses fesses ». « Certes, le comportement de Ludovic F. est grossier. Mais il faut aussi s’interroger sur le comportement des femmes dans la gendarmerie qui ne doivent pas prêter le flanc aux critiques », a opposé l’avocate du maréchal des logis chef. La décision a été mise en délibéré au 5 avril prochain.
*Le prénom a été changé.
Source : Metronews
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