Harcelée sexuellement, elle doit quitter la gendarmerie

Une gendarme de 24ans a déposé plainte, hier, contre deux de ses ex-supérieurs. Elle dénonce des faits de harcèlement sexuel qui lui ont fait renoncer à sa carrière.

Adrien Cadorel | Publié le 6 mars 2014, 07h00

Plusieurs affaires de harcèlement sexuel secouent la gendarmerie nationale, à tel point que des mesures internes ont été prises, notamment la mise en place d’un numéro spécial.

Plusieurs affaires de harcèlement sexuel secouent la gendarmerie nationale, à tel point que des mesures internes ont été prises, notamment la mise en place d’un numéro spécial. (LP/Cindy Belhomme.)

«Intégrer la gendarmerie était un rêve. Par la faute de certains, la réalité a été tout autre. » Des regrets plein la voix, Marine* évoque pour la première fois, plusieurs semaines après avoir définitivement raccroché son uniforme, son départ des rangs de l’unité au sein de laquelle elle a été victime de harcèlement sexuel. Si la jeune femme de 24 ans a souhaité déposer plainte, c’est, selon elle, « autant pour faire reconnaître [son] préjudice » que « parler au nom de celles qui gardent le silence » face à ces faits aussi graves.

A l’été 2012, après trois mois de formation dans le centre de la , Marine se trouve affectée comme adjointe volontaire (GAV) en Seine-Saint-Denis. « J’avais déjà une étiquette, soupire-t-elle. Dans mon dossier de formation, il était indiqué en commentaires que j’étais trop avenante. Je suis naturelle et souriante, mais je n’ai jamais eu de comportement équivoque. » Au fil des semaines, deux de ses responsables hiérarchiques — mariés — multiplieront les remarques puis les gestes déplacés. Au-delà des blagues douteuses, le premier adresse plusieurs SMS, à l’image de celui envoyé à la fin novembre 2012 : « Désolé mais il faut que je te dise que ton petit cul me plaît beaucoup et que je partagerais bien un moment d’intimité avec toi. »

Marine soutient avoir repoussé à chaque fois ses avances. Et alors qu’elle refuse d’effacer les messages qu’il lui a adressés, celui-ci la menace devant témoins, le 2 octobre, de représailles physiques si elle venait à « en parler à sa femme ». Le second agresseur présumé, qui n’hésitait pas à envoyer lui aussi des messages sans équivoque, ira jusqu’à l’agresser sexuellement dans un ascenseur. Pendant de longs mois, Marine garde le silence avant de saisir sa hiérarchie.

« J’ai senti que mes supérieurs mettaient ma parole en doute. Pourtant, tout le monde connaissait la situation, et que, pour bon nombre d’hommes présents sur place, les GAV femmes étaient vues comme des proies. » Alors que son premier agresseur présumé sera démis de ses fonctions d’encadrement, le second ne sera même pas convoqué. A l’automne dernier, Marine est en arrêt maladie quand un la convainc de porter plainte. « Je n’en veux pas à la gendarmerie, j’en veux à l’unité où j’étais rattachée. J’aurais aimé de l’aide, sentir de la cohésion et du soutien, mais rien ne s’est passé », déplore la jeune femme, qui depuis a repris un emploi dans une entreprise de sécurité.

Dénoncé depuis plusieurs mois par l’Adefdromil (Association de défense des droits des militaires) qui a convaincu des victimes de sortir de leur silence, le phénomène de harcèlement sexuel agite la gendarmerie. Dans une note confidentielle du 27 février, le général Philippe Mazy, directeur des personnels de la gendarmerie nationale, indique qu’à compter du 3 mars « les gendarmes peuvent directement saisir l’inspection générale de la gendarmerie nationale » et joindre un numéro mis à disposition, afin de mettre « fin à des pratiques que l’administration ne saurait tolérer en son sein ». Pour M e Elodie Maumont, l’avocate de Marine, « ces dispositions ne sont cependant pas encore suffisantes au regard du silence qui pèse toujours sur les victimes de tels faits ». Quelques jours avant Marine, une autre gendarme adjointe volontaire a aussi saisi la justice après avoir été confrontée à des faits similaires dans une unité de l’Yonne. Début janvier, enfin, le tribunal de grande instance de Paris a condamné un gradé de la garde républicaine à un an de prison avec sursis pour agressions et harcèlement sexuel à l’encontre de deux GAV.

* Le prénom a été changé.

Source : Le Parisien

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