Guerre en Ukraine : à Bakhmout, Zelensky craint un revers décisif face aux avancées russes

Aujourd’hui pratiquement détruite, Bakhmout est devenue au fil des mois le théâtre de la plus longue et la plus meurtrière bataille depuis le déclenchement de l’invasion russe en février 2022.

ANATOLII STEPANOV / AFP
Les Ukrainiens n’ont pas encore renoncé à la ville stratégique de Bakhmout, qualifiée par les Russes de « noeud important (des lignes) de défense des soldats ukrainiens dans le Donbass ».

GUERRE EN UKRAINE – La prise de Bakhmout pourrait être irréversible pour l’Ukraine. C’est en tout cas la crainte exprimée par le président ukrainien Volodymyr Zelensky au sujet de cette ville devenu l’épicentre de combats particulièrement meurtriers depuis plusieurs mois en Ukraine. Une cité martyre, qui pourrait tomber « dans les prochains jours », à entendre les estimations de l’Otan.

« Nous comprenons qu’après Bakhmout, ils pourraient aller plus loin. Ils pourraient aller à Kramatorsk, ils pourraient aller à Sloviansk, la voie serait libre pour les Russes (…) vers d’autres villes d’Ukraine », a estimé Volodymyr Zelensky dans une interview à CNN diffusée ce mercredi 8 mars.

Car face à la crainte de laisser un boulevard aux Russes pour s’emparer de villes de l’Est de l’Ukraine, le président ukrainien a encore fait savoir que son armée ne lâcherait pas le moindre centimètre à Bakhmout. « J’ai eu une réunion avec le chef d’état-major hier et les commandants militaires en chef (…) et ils ont tous dit que nous devions rester forts à Bakhmut », a fait savoir le président d’Ukraine.

« Bien sûr, nous devons penser à la vie de nos militaires. Mais nous devons faire tout ce que nous pouvons pendant que nous recevons des armes, des fournitures et que notre armée se prépare à la contre-offensive », a-t-il ajouté. Et ce au moment où les Russes disent progresser dans leur prise de cette ville devenue le théâtre de la plus longue et la plus meurtrière bataille depuis le début de l’invasion russe, il y a plus de 12 mois maintenant. La BBC fait d’ailleurs état de 20 000 à 30 000 victimes russes, selon des responsables occidentaux au sujet des combats à Bakhmout, commencés à l’été 2022.

Une localité qualifiée même de « nœud important (des lignes) de défense des soldats ukrainiens dans le Donbass » selon les mots prononcés mardi par le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou. « Sa prise permettra de mener de nouvelles opérations offensives en profondeur », a-t-il ajouté lors d’une réunion.

Or le risque de voir la ville tomber aux mains des Russes se précise, a expliqué ce mercredi Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan. « Nous ne pouvons pas exclure que Bakhmout tombe finalement dans les prochains jours », a-t-il déclaré en marge d’une réunion des ministres européens de la Défense à Stockholm. Et de nuancer tout de même l’importance qu’aurait un tel événement. « Cela ne reflète pas nécessairement un quelconque tournant de la guerre. Mais cela souligne que nous ne devons pas sous-estimer la Russie. Nous devons continuer à soutenir l’Ukraine. »

Moscou veut sa victoire

Or si la valeur stratégique de Bakhmout est encore contestée dans la théorie, la ville a pris une importance symbolique et tactique incontestable, au vu des lourdes pertes subies par les deux camps. La ville qui compte à peine 4 000 habitants contre 70 000 avant l’invasion, a été en grande partie détruite.

Et les craintes de Volodymyr Zelensky au sujet des avancées russes semblent fondées, comme en attestent les récentes déclarations d’Evguéni Prigojine, fondateur du groupe paramilitaire Wagner. « Les unités Wagner ont pris toute la partie orientale de Bakhmout, tout ce qui est à l’est de la rivière Bakhmoutka » traversant la cité, a affirmé le patron du groupe, encore récemment en conflit ouvert avec la hiérarchie militaire russe, qu’il accuse de ne pas livrer suffisamment de munitions à ses hommes.

Dans son dernier compte rendu, publié mardi, l’Institut pour l’Étude de la Guerre (ISW), un groupe d’experts américain, a en effet estimé que les troupes du Kremlin avaient « vraisemblablement » capturé cette partie orientale, après un « retrait contrôlé » des forces ukrainiennes.

Moscou, toujours à la recherche d’une victoire depuis ses revers cinglants de l’automne, semble maintenant contrôler les accès à la ville au nord, au sud et à l’est, menaçant d’un encerclement. Pour autant, Evguéni Prigojine, relativement remonté contre l’armée russe depuis plusieurs semaines, estime que les lignes russes s’effondreraient si ses troupes devaient se replier de Bakhmout. De quoi laisserpenser que l’équilibre des forces est encore fragile.

Mardi, il s’est même permis de se moquer du ministre russe de la Défense, indiquant ne « pas l’avoir rencontré » sur le champ de bataille, alors que son ministère a affirmé samedi sans en dire plus que Sergueï Choïgou s’était rendu dans la zone des combats.

Tenir pour contre-attaquer

Mardi, Volodymyr Zelensky avait quant à lui récusé les spéculations sur un éventuel retrait tactique de ses hommes et ordonné d’envoyer des renforts dans cette ville pratiquement détruite, malgré les récentes avancées russes.

Cependant, les troupes de Wagner mènent cette attaque au prix de pertes très importantes, de l’aveu même d’Evguéni Prigojine. Une situation qui pousse Kiev à continuer l’affrontement à Bakhmout pour user encore davantage les forces offensives russes. Et si Kiev tient bon suffisamment longtemps, cela lui permettra de préparer et lancer sa contre-offensive, prévue grâce aux armements lourds et blindés modernes promis par les Occidentaux.

À ce sujet, les ministres de la Défense de l’Union européenne seront réunis mercredi à Stockholm en présence du secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg et de leur homologue ukrainien Oleksiï Reznikov pour évoquer le coût humain et militaire de la bataille pour Bakhmout.

L’objectif de cette réunion est de préparer un plan en trois volets de livraisons de munitions à l’Ukraine en vue de son adoption le 20 mars, lors d’une réunion des chefs de la diplomatie européenne. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a d’ailleurs réclamé mardi, devant le Parlement du Canada « un soutien militaire et économique inébranlable ».

Source : Le Huffpost

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