Gilets jaunes : Pourquoi « Tir à vue », de Fiorina Lignier, m’a bouleversé
Fiorina Ligier a eu la gentillesse de me faire parvenir son livre « Tir à vue, La répression selon Macron », il y a quelques jours, et, par le plus grand des hasards, je l’ai fini ce jour, juste un an avant le lancement du formidable mouvement des Gilets jaunes.
Je suis sorti, à la lecture de ces 246 pages, éditées par Via Romana, bouleversé, ému et encore plus remonté contre le gouvernement Macron-Philippe-Castaner-Belloubet.
Je pensais pourtant parfaitement connaître l’histoire de Fiorina Lignier, depuis que le 8 décembre, à l’occasion de l’acte IV des Gilets jaunes, sur les Champs-Elysées, elle avait été touchée par une grenade, et avait perdu son oeil, à 20 ans. J’avais même réalisé une interview de son compagnon, Jacob, lui aussi âgé de 20 ans, qui était à ses côtés au moment du drame.
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Alors, pourquoi la lecture de ce livre, dont je connaissais les grandes lignes, a-t-elle pu me bouleverser à ce point ?
D’abord parce que Fiorina pourrait être ma petite-fille, et que je la retrouve un peu dans l’aînée de mes petites-filles. Elle est étudiante en philosophie, a déjà sa conception de la vie et du monde, et une structure liée à la philosophie. Elle a compris, comme son compagnon Jacob, ce qu’il y avait derrière la révolte des Gilets jaunes, la France des oubliés et des méprisés. Et c’est pour cela qu’avec son fiancé, davantage politisé qu’elle, pour la première fois de sa vie, elle se retrouve à une manifestation, sur les Champs-Elysées, ce 8 décembre.
L’histoire est connue, ils sont bloqués sur les Champs-Elysées par les forces de l’ordre, des racailles pillent un magasin, ils se mettent sur l’autre côté du trottoir, et, sans raison apparente, alors que leur groupe ne présente aucune menace, un CRS, à 50 mètres, la vise délibérément au visage. Elle se retrouve au sol, sans comprendre ce qui lui arrive, craignant de mourir.
Ce sort est arrivé à des centaines de Gilets jaunes, dont une vingtaine, dont le plus célèbre, Rodrigues, perdront un oeil. Mais tout cela, aussi révoltant soit-il, n’est pas concret. Ce que j’ai appris, à la lecture de ce livre, est la réalité du vécu de tous ceux que, comme Fiorina, on a appelé les Gueules cassées par le gouvernement Macron, et notamment par le ministre de l’Intérieur, Castaner.
Le livre est fort bien construit. Fiorina nous avoue qu’il a été écrit à quatre mains avec Jacob, son compagnon, qui l’a assisté dans tous les moments difficiles de cette année cauchemardesque. L’ouvrage alterne des analyses politiques sur la réalité du mouvement des Gilets jaunes, sur le côté populaire de ses origines, sur le combat impitoyable qui lui a été mené par l’appareil d’Etat, gouvernement, journalistes, juges et hiérarchie policière. Il évoque également le rôle de la récupération gauchiste et syndicale, et du torpillage d’un mouvement qui ébranlait ce régime. Tout est dit, et fort bien dit.
Mais entre ces analyses politiques, il y a le réel. Fiorina, petite femme de 1,50 mètre pour 45 kilos, perd 7 kilos dans les huit premiers jours de son hospitalisation. Elle n’a pas seulement l’oeil gauche atteint, elle a toute la partie gauche de son visage brisé (d’où l’expression des Gueules cassées). Elle va subir, en une année, quatre interventions chirurgicales lourdes. Elle espérera que son oeil pourra être sauvé, il ne le sera pas. Elle espérera qu’on pourra le lui conserver, cela se révélera impossible. Elle pensera être tirée d’affaire avec la pose d’un prothèse, hélas, les choses se compliqueront. Elle vivra dans la douleur physique tous les jours. Elle ne pourra plus, longtemps, supporter la lumière. Elle sera incapable de manger normalement de longs mois, devant se contenter d’une alimentation faite de compotes. Elle ne pourra longtemps tenir debout, devant s’appuyer en permanence sur l’épaule de Jacob. Habitant Amiens, elle multipliera les trajets, 3 heures aller, autant au retour, à Paris, pour se contenter souvent de consultations médicales d’un quart d’heure. Elle multipliera les crises de douleur insupportables qui l’obligeront à aller aux premières urgences disponibles et d’y rester des longues heures en attente. Elle découvrira que, s’il y a des spécialistes médicaux exceptionnels dans nos hôpitaux, il y a aussi de sacrés tocards, comme cette psychologue qu’elle évincera rapidement.
Cela sera une année universitaire de perdu, pour elle, et davantage, car elle n’était pas en état, en octobre 2019, de reprendre les cours. L’énoncé de ses souffrances quotidiennes, malgré un mental et une force psychologique exceptionnelle, ne laissent pas indemne le lecteur. Comment un régime, en France, a-t-il pu traiter ce qu’il y a de meilleur dans notre peuple, et Fiorina en fait partie, avec une telle barbarie, quand il fout une paix royale aux racailles et aux gauchistes ?
Malgré ce drame, Fiorina découvrira la solidarité, qui viendra essentiellement du camp patriote. A l’initiative de Damien Rieu, militant identitaire, une cagnotte sera mise en place, qui récoltera la somme de 50.000 euros. Elle en aura bien besoin, entre tous les allers et retours Amiens-Paris, les lourdes démarches administratives que sa situation nécessitait, et les frais judiciaires nécessaires pour pouvoir se défendre, face au lourd préjudice subi. Elle découvrira la solidarité de Jean-Yves Le Gallou et de son épouse Anne-Laure Blanc, qui l’épauleront au mieux pour la soutenir, de manière financière et militante, dans les lourdes épreuves qui l’attendent encore.
Mais la plus belle histoire demeure l’amour entre Fiorina et Jacob. Voilà un jeune garçon qui, à l’âge de vingt ans, se retrouve avec la femme qu’il aime qui n’est plus du tout la même, ni physiquement, ni mentalement. Beaucoup de jeunes hommes, à son âge, auraient pris la fuite, ne se sentant pas capables de faire face à une telle situation. Or, il a toujours été présent, dès les premiers jours, et encore à présent. Il a réussi, à l’âge de vingt ans, la prouesse d’être toujours aux côtés de Fiorina, quand elle était hospitalisée, quand elle allait être opérée, quand il fallait l’accompagner d’Amiens à Paris, et la rassurer au quotidien.
Militant politique, il a mené le combat pour que ce drame ne demeure méconnu. Il a tout fait pour le médiatiser, et a entrepris les démarches judiciaires et policières qu’il fallait. Mais surtout, il a réussi cette prouesse tout en continuant ses études, et en faisant valider son année universitaire.
Quand l’ouvrage se termine, Fiorina se préparait à subir une cinquième intervention chirurgicale. Espérons que cela soit la bonne, et qu’elle pourra enfin poursuivre son existence, qui ne sera plus jamais la même, débarrassée de ses souffrances.
Je conseille vraiment à tous ceux qui, à un moment donné, se sont investis dans le mouvement des Gilets jaunes (ou qui y sont peut-être encore), la lecture d’un livre qui aide encore davantage à comprendre la pourriture de ce régime, et à le combattre avec encore plus de détermination.
Pierre Cassen
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Source : Riposte Laïque
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