La crise s’enlise, et la popularité des gilets jaunes grandit. Les interventions de l’Elysée n’y sont pas pour rien.
Entre les gilets jaunes et l’exécutif, l’opinion publique a fait son choix. Les Français soutiennent massivement la grogne contre la hausse du prix des carburants, à 48 heures d’une nouvelle journée de mobilisation. 84% des Français trouvent le mouvement « justifié », selon un sondage Odoxa publié mercredi dans Le Figaro. « L’approbation » de cette grogne est évaluée à 75% par une enquêté Elabe publiée mercredi et à 71% par l’Ifop (48% des Français interrogés soutiennent les gilets jaunes, et 23% ont de la sympathie pour eux).
Ces enquêtes témoignent surtout d’une hausse de popularité du mouvement, malgré les débordements constatés lors de la manifestation parisienne du 24 novembre. En l’espace d’une semaine, le soutien à cette mobilisation sociale inédite a grimpé entre cinq et sept points, selon les différentes enquêtes.
Alors que l’exécutif agite le spectre de la « peste brune » et des « heures sombres », les Français ne confondent pas les manifestants venus en découdre avec les forces de l’ordre et les Français en colère. « L’assimilation entre casseurs et gilets jaunes n’a pas imprimé dans l’opinion publique, explique Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Ifop. Les Français distinguent clairement les deux. »
Emmanuel Macron a « renforcé la colère »
Dans ce contexte, l’intervention d’Emmanuel Macron n’a pas apaisé la colère. 78% des Français ayant suivi la parole présidentielle mardi n’ont pas été convaincus, selon l’enquête Odoxa. Le président avait notamment annoncé une « grande concertation de terrain sur la transition écologique et sociale », destiné à répondre « dans les trois mois qui viennent » à la colère des gilets jaunes.
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Pas suffisant pour convaincre. L’intervention a même produit l’effet inverse de celui escompté. « Il semble (…) que l’intervention d’Emmanuel Macron et ses annonces n’ont fait que renforcer la colère », indique l’étude Odoxa. « Les Français sont persuadés que ces mesures pour la transition énergétique vont non seulement être inefficaces pour l’environnement mais surtout vont nuire à leur pouvoir d’achat et encore accentuer les inégalités en France. »
Mouvement attrape-tout
Non disqualifiée par les incidents, boostée par l’intervention d’Emmanuel Macron… La contestation sociale tire enfin profit de ses caractéristiques: elle ne se limite pas à la critique spécifique d’un projet gouvernemental, n’est pas incarnée et renvoie à une série de revendications sociales. Une sorte de mouvement attrape-tout, que chaque Français peut définir à sa guise et s’approprier. « C’est une surface de projection sur laquelle les Français peuvent projeter leur mécontentement, analyse Frédéric Dabi. Les ferments de cette mobilisation sont majoritairement partagés par les Français : colère face à la hausse des dépenses contraintes induites par les taxes sur le carburant et crispation sur la question du pouvoir d’achat. »
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Résultat, un clivage de classe apparaît dans le rapport au mouvement. Selon l’Ifop, 60% des cadres et des professions intermédiaires supérieurs soutiennent ou ont de la sympathie pour le mouvement. Le chiffre grimpe à 83% chez les ouvriers et à 81% chez les employés. « Le mouvement exacerbe le clivage entre gros et petits, résumé Frédéric Dabi, avec l’idée chez certains que le gouvernement favorise les gros. Ce clivage vertical est fort. »
Clivage social et politique
A ce clivage social s’ajoute un clivage politique. La grogne est aujourd’hui approuvée par une majorité au sein de chaque électorat, particulièrement chez ceux du RN ou de la France insoumise. Les électeurs d’Emmanuel Macron n’échappent pas à la vague jaune. 52% d’entre eux trouvent le mouvement justifié, selon l’enquête Odoxa. Signe que cette grogne ne résume pas à un conflit classique entre majorité et opposition.
Ce soutien croissant de l’opinion aux gilets jaunes place désormais l’exécutif face à ses responsabilités. Entre 2012 et 2017, la lutte contre le chômage avait été la boussole du quinquennat de François Hollande. Le mandat d’Emmanuel Macron, sous la pression des Français, s’inscrira sous le signe du pouvoir d’achat.
Source : L’Express
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