Gendarmes agressés à Notre-Dame-des-Landes. Que s’est-il réellement passé ?

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24/08/2015 – 07H00 Nantes (Breizh-info.com) – Dans la matinée du jeudi 20 août, deux gendarmes de Blain qui assistaient l’huissier chargé de procéder à l’expulsion de deux habitants à Notre-Dame-des-Landes ont été agressés et leur véhicule incendié. Que s’est-il réellement passé ?

Au départ, il s’agissait d’expulser deux habitants de l’Epine, une mère de 55 ans et son fils de 19 ans qui habitaient le hameau de l’Epine – un village situé à 1 km au sud de Notre-Dame des Landes et donc de la ZAD – depuis plusieurs années,  pour cause de loyers impayés.

L’expulsion a commencé à 8 heures, avec deux voitures de deux gendarmes chacune pour le dispositif. Les gendarmes sont en effet liés par une convention aux huissiers afin qu’ils les assistent dans leurs expulsions, de façon à garantir le bon déroulement des opérations. « C’est une opération de routine », nous affirme le capitaine Desbrest, nouveau commandant de la compagnie de Châteaubriant. « On a d’ailleurs fait plusieurs expulsions dans les communes autour de la ZAD et ça c’est très bien passé… et ça fait près d’un an que les gendarmes n’ont pas été pris à partie par les zadistes ».

Décidé à Châteaubriant, le dispositif prévoyant la présence de 4 gendarmes a été approuvé par la préfecture – « comme pour toutes les expulsions ; c’est la préfecture qui donne l’accord légal pour le concours de la force publique ». Ensuite, ce dispositif a été allégé : « comme ça faisait deux heures que ça se passait très bien, l’une des deux patrouilles est partie, d’autant plus qu’il y avait des événements dans une autre commune ». Il faut dire que la gendarmerie est touchée de plein fouet par le manque d’effectifs – il n’y a que 34 agents (20 à Blain, 8 à Saint-Nicolas de Redon et 6 à Guéméné) pour une zone de plus de 40.000 habitants et 760 km² dans le nord-ouest du département, du cours du Gesvres jusqu’au Don et à la Vilaine – dont la fameuse ZAD.

« c’était un assaut très préparé »

C’est justement à ce moment là que les deux gendarmes restants sont pris à partie : « c’était un assaut très préparé », explique le commandant Desbrest : « ils sont arrivés à six-huit dans un fourgon de type Berlingo, deux à l’avant et le reste à l’arrière, et ils ont arrosé tout le monde avec un fusil de paintball ». Plus de 50 billes ont été tirées sur les déménageurs, l’huissier, les deux gendarmes (dont un touché au bras) et les véhicules présents. « Comme les gendarmes n’avaient pas d’arme non létale, ils n’ont pas pu répliquer, puisque le paintball n’est pas létal non plus ». Pendant ce temps là, les agresseurs masqués ne perdaient pas leur temps : ils ont brisé les vitres du véhicule de gendarmerie et balancé dans le coffre une fusée de détresse qui a brûlé tout l’intérieur du véhicule.

La gendarmerie a alors décidé de déployer des renforts venus de Nantes pour sécuriser le hameau. Vers midi, une quinzaine d’individus venus de la ZAD ont pris à partie les gendarmes au niveau du carrefour de la route des Planchettes et de la RD42, dans le hameau des Epines. Certains individus, armés de barres de fer, sont restés à distance. D’autres se sont approchés et ont brisé une vitre d’un véhicule de gendarmerie. Personne n’a pu être interpellé.

De nombreux riverains s’interrogent sur l’opportunité d’avoir procédé ce jour là à l’expulsion.  L’un d’eux accepte de témoigner : « l’aéroport, je suis contre, évidemment, ne serait-ce que ça fait quarante ans que l’Etat est infichu de débrouiller le dossier, et la tentative d’expulsion n’a rien arrangé, parce qu’elle a mis en place une logique d’affrontement là où c’était déjà suffisamment compliqué comme ça. Pour ce qui est de la ZAD, ils sont là, ils vivent, et contrairement à ce qu’on raconte à Paris et dans les médias, ce n’est pas le Bronx ». Seulement, la ZAD n’est pas monolithe : « il y a de tout, il y a du passage, ça tourne sans cesse. Il arrive qu’il y ait des excités. Puis en ce moment y en a qui sont remontés comme des pendules, parce qu’il y a une autre ZAD qui s’est fait évacuer en Normandie ».

Effectivement, à Rouen, la ferme des Bouillons a été évacuée le 19 août et cédée à une SCI portée par des proches du groupe Auchan qui veulent y installer une exploitation agricole bio. Cette ferme, parmi les dernières du grand Rouen, devait être rasée pour devenir un hypermarché ; Auchan avait déposé un permis de démolir mais elle a été investie début 2013 par des opposants qui y ont installé une ferme autogérée. Le tout sur fond d’un imbroglio politique  local. La ferme a tout de même été sauvée puisque classée en zone agricole ; le compromis de vente à la SCI, ratifié par la SAFER, maintient une vocation agricole obligatoire pour 25 ans.

« expulser en ce moment à Notre-Dame des Landes, c’est agiter le chiffon rouge »

Dans ces conditions, « expulser en ce moment à Notre-Dame-des-Landes, c’est agiter le chiffon rouge », soupire un fonctionnaire du conseil général proche du dossier aéroportuaire. « Surtout à l’Epine, c’est presque la ZAD. Autant organiser un festival de la culture yiddish à Gaza-ville ! Ils ne sont vraiment pas futes-futes… dix jours plus tard ou plus tôt, il n’y aurait eu aucun problème… » Et ce même si les expulsés n’étaient pas proches de la ZAD ou dans une mouvance proche de certains zadistes radicaux : l’extrême-gauche, les marginaux etc. Un autre habitant de l’Epine « doute que ce soit les expulsés qui ont prévenu les zadistes. Sinon y aurait eu un comité d’accueil dès le matin six heures, et tout le ramdam qui va avec dans le coin, les médias et sur le web. Les gendarmes ne sont guère discrets, ça se passait presque sur la route, ils ont été repérés tout de suite ».

Il existe d’ailleurs un numéro « urgence keufs» sur lequel l’on peut prévenir la ZAD de déplacements policiers dans un rayon proche… qui va jusqu’aux 2×2 voies proches (RN.137 et RN.165), l’agglomération de Nantes et la ville de Blain. Et il y a peu de déplacements des forces de l’ordre qui échappent au repérage. « Et puis les événements depuis 2012 ont montré que dès qu’on voit des gendarmes, c’est qu’il y en aura d’autres. Un ça va, mais à partir de deux, bonjour les problèmes ! », affirme un autre habitant de Notre-Dame-des-Landes.

De son côté, la gendarmerie de Châteaubriant prévoit de « muscler les dispositifs qui accompagnent les expulsions. Désormais il y aura plus d’effectifs, en provenance de tout le département, et ceux-ci seront pourvus d’armes non-létales », précise le capitaine Desbrest. Avant de nuancer : « on le fera en fonction des renseignements qu’on aura recueilli ». Quelles armes ? « Des Taser et des Flashball ». Pas sûr toutefois que cela suffise à ramener la paix à Notre-Dame des Landes…

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