Gendarmerie : «Une guerre avec la police serait purement suicidaire»
ENTRETIEN. Les gendarmes, qui se sont sentis écartés de la lutte antiterroriste, vantent leurs compétences en la matière par la voix de leur patron, le général Denis Favier.
Paris (VIIIe), hier. Pour le général Denis Favier, directeur général de la gendarmerie et ex-patron du GIGN, « il n’y a pas de place pour des chicayas corporatistes » dans le contexte actuel. (LP/Olivier Lejeune.)
Le ton, mesuré, n’exclut pas la fermeté. Le général Denis Favier, directeur général de la gendarmerie et ex-patron du GIGN, revendique des prérogatives en matière de lutte antiterroriste et de renseignement, tout en réfutant l’idée d’une guerre avec la police. Depuis les attentats du 13 novembre, le climat est délétère entre ces deux forces d’intervention. En janvier, trois syndicats de policiers stigmatisaient la gendarmerie qualifiée d’« acteur mineur de la sécurité » et accusée d’avoir alimenté les critiques sur l’intervention du Raid à Saint-Denis et celle de la BRI au Bataclan.
Le général Favier, à la tête de 125 000 gendarmes d’active et de réserve, répond à ces critiques.
La France peut-elle aujourd’hui se permettre une querelle entre la police et la gendarmerie ?
DENIS FAVIER. Au regard du niveau de menace, il n’y a pas de place pour des chicayas corporatistes Si une telle guerre se déclarait, elle serait purement suicidaire. Nous avons l’obligation de nous remettre en question collectivement et de travailler ensemble pour faire face.
De nombreuses critiques sur les réseaux sociaux ont pourtant ciblé l’intervention du Raid à Saint-Denis...
Il peut exister, ça et là, des aspérités qu’il convient d’aplanir. La question centrale est celle-ci : comment faire en sorte que nos forces s’imbriquent mieux pour intervenir efficacement ensemble ? C’est pourquoi le ministre de l’Intérieur a demandé un schéma national en vue d’une totale cohérence. Ce document devrait être finalisé avant la fin du premier trimestre. Le principe reste celui de la territorialité, chacune des forces intervenant dans sa zone géographique de compétence. Mais, si jamais une unité détient une capacité qu’une autre n’a pas, elle sera en mesure d’apporter un appui spécifique à l’autre. Cela suppose un recensement exhaustif de chacune de nos compétences.
Le GIGN revendique une expertise en matière d’emploi des explosifs, d’intervention dans le transport aérien et même sur le ferroviaire…
Toutes ces questions sont en cours d’évaluation. Nous sommes intervenus dans le cadre des attentats déjoués à Verviers, en Belgique, en janvier 2015. Si les Belges font appel à nous en matière d’explosifs, c’est que nous avons développé certaines connaissances… Dans le domaine aérien, nous disposons d’une compétence non contestée. Quant au ferroviaire, les conditions d’intervention se rapprochent de l’aérien. Mais n’oublions pas nos missions quotidiennes : police judiciaire ou administrative, observation, filature… Nos unités ont un taux de charge considérable.
Comment vont être affectés les renforts que vous avez obtenus ?
Face à la fragilité des contrôles aux frontières extérieures de Schengen, nous devons mieux sécuriser les nôtres. Sur les 2 317 postes budgétaires créés, près de 500 seront affectés aux noeuds autoroutiers, notamment en direction de Paris, pour tenir les barrières de péages ou effectuer des patrouilles mobiles. Dans le domaine antiterroriste, les premières armes performantes avec système de visée laser commencent à arriver dans les pelotons de surveillance et d’intervention.
Après les attentats de janvier 2015, on a découvert que les gendarmes n’étaient pas toujours avisés des assignations à résidence dans leur zone de compétence. Est-ce toujours le cas ?
Nous avons fait du chemin. Les brigades locales sont désormais avisées de la présence d’assignés à résidence dans leur secteur. L’état-major opérationnel, placé sous l’autorité du ministre, s’assure de la coordination et du suivi en matière de renseignement. La gendarmerie a cette capacité à aller chercher les informations sur le terrain. Un apport indispensable car aucun secteur n’est épargné par les processus de radicalisation, pas même les zones rurales.
Que diriez-vous à un jeune gendarme arrivant en poste ?
Qu’en 2015, nous avons changé de monde… Au quotidien, le coeur de métier consiste à lutter contre l’insécurité et la délinquance. Mais ce quotidien peut basculer d’un coup. Comme pour les deux gendarmes qui se sont retrouvés face aux frères Kouachi à Dammartin. Cette situation n’effraie pas. Elle est même motivante car 25 000 jeunes se sont déclarés candidats pour le concours de sous-officier.
Source : Le Parisien
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