Gaza : Jusqu’où Israël et les États-Unis iront-t-ils ?
par André Damon
Exécutions de masse, rhétorique génocidaire.
Alors que des reportages indiquent qu’Israël procède à des exécutions de masse de prisonniers civils à Gaza et que des hommes politiques israéliens font ouvertement part de leurs intentions génocidaires, les États-Unis réaffirment leur soutien à la guerre menée par Israël contre les civils palestiniens. Aux yeux du monde entier, le massacre à Gaza apparaît comme le «génocide des États-Unis».
Mercredi, les Nations unies et l’Observatoire euro-méditerranéen des droits de l’homme ont publié des rapports accusant les forces israéliennes d’avoir procédé à une exécution de masse de civils dans le nord de la bande de Gaza. Après avoir chassé ou tué tous les journalistes encore présents dans le nord, Israël est passé du massacre de civils par des bombardements à des exécutions sommaires.
Ces crimes de guerre s’accompagnent d’un plaidoyer ouvert en faveur du génocide de la part des responsables israéliens, non seulement par des références bibliques voilées, comme l’invocation d’«Amalek» par le Premier ministre israélien Netanyahou, mais aussi par des appels directs à copier le génocide nazi des juifs.
Lors d’une interview radiophonique dimanche, David Azoulai, chef du Conseil régional israélien de Metula, a déclaré que Gaza devrait ressembler à «Auschwitz». Il a déclaré : «Dites à tous les habitants de Gaza de se rendre sur les plages. Les navires de la marine devraient charger les terroristes sur les côtes du Liban. Toute la bande de Gaza devrait être vidée et nivelée, comme à Auschwitz».
Dans une interview télévisée, Miri Golan, ministre israélienne de la Promotion de la femme, a déclaré : «Je me fiche de Gaza (…) pour ce que j’en sais, ils peuvent sortir et nager dans la mer». Elle a ajouté : «Je veux voir les cadavres de terroristes dans Gaza».
Daniella Weiss, ancienne maire d’une colonie israélienne en Cisjordanie et dirigeante du mouvement des colons israéliens, a déclaré lors d’une interview télévisée que l’objectif d’Israël était de «libérer Gaza des Arabes» afin de préparer «l’établissement de colonies juives dans l’ensemble de la bande de Gaza».
Israël affame les 2,2 millions d’habitants de Gaza. Lundi, Human Rights Watch a accusé Israël d’avoir «l’intention d’affamer les civils comme méthode de guerre». Selon le Programme alimentaire mondial, la proportion de Gazaouis souffrant de «faim très sévère» est passée de 24 à 44%.
Dans ce contexte, les États-Unis renforcent leur soutien catégorique au génocide israélien. Lors d’une conférence de presse mercredi, un journaliste a demandé au secrétaire d’État Antony Blinken de commenter le fait qu’«une grande partie du monde blâme les États-Unis et Israël» et «considère qu’il s’agit d’une guerre des États-Unis».
Blinken n’a pas tenté de se distancier de l’affirmation selon laquelle Israël mène «la guerre des États-Unis». Au lieu de cela, il en a rajouté :
«Je n’entends pratiquement personne dire, exiger du Hamas qu’il cesse de se cacher derrière les civils, qu’il dépose les armes, qu’il se rende. Ce serait terminé demain, si le Hamas faisait cela, ça aurait été fini il y a un mois, il y a six semaines, si le Hamas avait fait cela. Comment se fait-il qu’il n’y ait pas d’exigences à l’égard de l’agresseur et que seules des exigences à l’égard de la victime soient formulées ?»
L’affirmation de Blinken selon laquelle le gouvernement israélien est la «victime» du conflit est tellement absurde qu’elle ne mérite même pas d’être réfutée. Après avoir orchestré une mise en veilleuse délibérée de l’armée et des services de renseignement le 7 octobre, le gouvernement Netanyahou a massacré 25 habitants de Gaza pour chaque Israélien tué ce jour-là. Tout en s’appuyant sur les attaques du 7 octobre pour se proclamer «victime» des Palestiniens qu’il opprime et domine, le gouvernement Netanyahou a entrepris de mettre en œuvre ce que le ministre israélien de l’Agriculture Avi Dichter a appelé une «Nakba de Gaza 2023», c’est-à-dire le nettoyage ethnique de la bande de Gaza.
Avec un niveau de cynisme comparable uniquement à celui des fonctionnaires du Troisième Reich, Blinken a proclamé que l’objectif d’Israël n’était pas de massacrer la population de Gaza, mais de la protéger. «Israël mène ses opérations en mettant l’accent sur la protection des civils, en minimisant les dommages et en maximisant l’aide qui leur est apportée», a-t-il affirmé.
Dans une question complémentaire, on a demandé à Blinken : «Y a-t-il une ligne rouge pour vous ?» concernant le nombre de personnes qu’Israël sera autorisé à massacrer. À cette question, Blinken a répondu que les États-Unis avaient «l’intention d’aller jusqu’au bout».
Les commentaires de Blinken sont intervenus après que le président américain Joe Biden a admis, lors d’un événement de campagne, qu’Israël procédait à des «bombardements aveugles», ce qui constitue un crime au regard du droit international, et qu’il a admis que le ministre israélien de la Défense cherchait à «se venger (…) de tous les Palestiniens».
Si l’on met ensemble les commentaires de Biden et de Blinken, la conclusion évidente est que la «vengeance (…) contre tous les Palestiniens» est, en fait, la «guerre des États-Unis» ou, plus précisément, le génocide des États-Unis.
Tout au long de ce processus, les États-Unis ont apporté un soutien financier, logistique et militaire au génocide, tout en s’interposant aux Nations unies pour permettre le massacre des Palestiniens. L’année dernière, les États-Unis ont fourni à Israël une aide économique de 3,3 milliards de dollars, qui s’ajoute aux 260 milliards de dollars fournis par les États-Unis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Au cours des dix dernières semaines, les États-Unis ont fourni à Israël 10 000 tonnes d’équipements militaires, notamment des véhicules blindés, des armements et des munitions. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont effectué des vols de surveillance par drone au-dessus de Gaza, et il a même été rapporté que du personnel américain opérait sur le terrain.
Pire, les États-Unis ont promis d’opposer leur veto à toute résolution du Conseil de sécurité appelant à un cessez-le-feu, leur ambassadrice auprès des Nations unies, Linda Thomas-Greenfield, déclarant : «Tout cessez-le-feu en ce moment serait au mieux temporaire et au pire dangereux».
Des raisons profondes et fondamentales existent pour lesquelles les États-Unis soutiennent le génocide à Gaza. Tout d’abord, les États-Unis ont clairement décidé de procéder à une escalade militaire majeure au Moyen-Orient, dans le cadre de ce qu’ils considèrent comme une lutte existentielle pour l’hégémonie mondiale visant à dominer la Chine, la Russie et l’Iran. Israël, qui fonctionne effectivement comme un État de garnison pour l’impérialisme américain au Moyen-Orient, est un élément essentiel de ce plan.
Deuxièmement, face à un mouvement de grève croissant et à une opposition politique intérieure de plus en plus forte, le gouvernement Biden cherche à créer un précédent en matière de traitement des zones urbaines rebelles par le biais de meurtres de masse. Pour les factions de l’oligarchie américaine qui cherchent à résoudre la crise politique intérieure par la dictature, le génocide à Gaza est considéré comme un terrain d’essai.
Enfin, le génocide est devenu l’occasion de mettre en œuvre une répression massive des droits démocratiques. Dans toute l’Europe, des manifestations ont été interdites et des manifestants ont été arrêtés simplement pour s’être opposés au sionisme. Aux États-Unis, des groupes d’étudiants universitaires ont été dissous et des universitaires et des étudiants ont perdu leur poste pour s’être opposés à la politique étrangère des États-Unis. Les réseaux de médias sociaux ont mis en place un régime draconien de censure de l’internet, dans ce que Human Rights Watch a appelé une «pratique de censure illégitime de la liberté d’expression, y compris de ceux qui s’expriment pacifiquement en faveur de la Palestine».
De cette réalité découle la conclusion inévitable que la lutte contre le génocide à Gaza est la lutte contre les gouvernements impérialistes qui le permettent.
Décrivant la montée du fascisme au XXe siècle, Léon Trotsky a écrit que «la société capitaliste vomit» sa «barbarie non digérée». Le génocide de Gaza représente le même processus. L’ordre social capitaliste, avec l’Amérique en tête, étale devant le monde entier sa barbarie meurtrière. Cet ordre social n’offre à l’humanité que l’inégalité sociale systémique, la guerre et le meurtre de masse.
La lutte contre le génocide à Gaza doit, pour cette raison, devenir la lutte pour la transformation socialiste de la société par la construction d’un mouvement de masse dans la classe ouvrière. Les travailleurs doivent préparer des grèves dans les docks et les aéroports afin d’empêcher l’envoi à Israël de tout article à usage militaire, dans le cadre de la préparation systématique d’une grève générale politique contre la guerre.
source : Le Grand Soir
Source : Reseau International
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