« Gardes à vue abusives » : trop de manifestants sont interpellés « sans distinction »
Dans une lettre adressée au ministre de l’Intérieur, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté dénonce des gardes à vue abusives. Gérald Darmanin lui répond.
Dominique Simonnot, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), a écrit au ministre de l’Intérieur pour lui faire part de sa vive inquiétude
concernant le recours abusif aux gardes à vue, lors des manifestations. Les 24 et 25 mars 2023, trois équipes de la CGLPL ont visité neuf commissariats parisiens dans lesquels 785 personnes avaient été placées en garde à vue. Elles y dénoncent des conditions d’hygiène indignes : Dans les commissariats des IXe et Xe arrondissements, les toilettes étaient, au jour des visites, d’une saleté et d’une odeur repoussantes.
Et ce, alors que la majorité des gardés à vue y ont passé près de vingt-quatre heures, période durant laquelle elles ont dû se plier à des fouilles en sous-vêtements, alors qu’elles avaient déjà fait l’objet d’une palpation avant leur transport au commissariat ».
Des gardés à vue qui « avaient des cheveux noirs »
La CGLPL note que les fiches d’interpellation ont été succinctement remplies par les policiers avec, parfois, comme motif que les gardés à vue portaient des vêtements sombres, une capuche ou avaient des cheveux noirs
.
Selon la loi, le recours à une garde à vue est pourtant justifié par l’existence d’un soupçon caractérisé quant à la commission d’une infraction ou d’une tentative d’infraction
. Mais les équipes de la CGLPL ont découvert que certains policiers avaient eu pour consignes et ordres hiérarchiques d’interpeller sans distinction des individus se trouvant dans la rue…
Pour Darmanin, la contrôleure « excède ses compétences »
Dominique Simonnot rappelle que ce recours massif, à titre préventif, à la privation de liberté, afin d’assurer le maintien de l’ordre, n’est prévu par aucun texte du droit français
. Au bout du compte, 80 % des procédures liées aux personnes interpellées ont été classées sans suite et les personnes qui ont été présentées à un magistrat, ont fini par quitter libre le tribunal, faute d’éléments prouvant une quelconque infraction.
« Plusieurs personnes étaient manifestement traumatisées par les conditions de leur interpellation : […] tutoiement systématique, injures, menaces. » Or, comme le rappelle Dominique Simonnot, il n’existe « aucun recours contre une mesure de garde à vue abusive ».
Dans sa réponse en date du 2 mai, consulté par l’AFP, le ministère de l’Intérieur Gérald Darmanin fait valoir que la contrôleure « excède ses compétences, notamment lorsqu’elle dénonce une instrumentalisation des mesures de garde à vue à des fins répressive ».
Depuis le début des manifestations contre la réforme des retraites, selon le ministère de la Justice, 2 623 personnes ont été placées en garde à vue (hormis les manifestations du 1er mai 2023), 515 ont été déférées devant un magistrat et 250 ont été convoquées devant le tribunal.
Source : Ouest-France
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