Garde de Macron à Versailles : «On reste huit heures dans une bagnole sans aller aux toilettes et sans manger»
Jean, 29 ans, est en arrêt maladie. Comme ses collègues qui exercent des missions de police secours, ce policier ne veut plus assurer la sécurité du président de la République à la Lanterne.
Une voiture de police en faction qui garde le président de la République devant la Lanterne LP/Virginie Wéber
La colère continue de gronder au commissariat de Versailles (Yvelines) contre les gardes du président de la République Emmanuel Macron et celles des détenus à l’hôpital. Lundi matin, quatorze policiers chargés d’assurer les missions de police secours dans l’agglomération de la ville royale (Versailles, Vélizy, La Celle-Saint-Cloud, Le Chesnay…) étaient toujours en arrêt maladie. Comme les fonctionnaires de police n’ont pas le droit de grève, ils ont décidé de se faire porter pâle pour contester des missions qu’ils jugent trop éloignées de leur cœur de métier.
Parmi ces fonctionnaires, l’un d’eux a accepté de confier ce qu’il a sur le cœur. A 29 ans, Jean (le prénom à été modifié) a déjà six ans de maison. « Je suis rentré dans la police tout jeune et c’est un métier qui m’a tout de suite plu parce qu’on a affaire aux gens. On se sent concerné. J’aime sentir que je suis capable d’aider la population, explique-t-il. Malgré tout ce qu’on peut dire, la population est toujours contente de nous trouver. Mais aujourd’hui, on ne fait plus de patrouille. On n’intervient plus. Nous sommes devenus des gardiens. »
«Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, on n’arrête pas. Tous les week-ends, s’il n’est pas à l’étranger, il est là»
Jean et ses collègues estiment qu’ils passent beaucoup trop de temps à assurer la protection du président de la République, devant la résidence de la Lanterne. « C’est systématique! Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, on n’arrête pas. Tous les week-ends, s’il n’est pas à l’étranger, il est là. Et le garder, c’est une mission qui ne correspond pas vraiment à notre travail. On reste huit heures dans une bagnole sans pouvoir aller aux toilettes et sans pouvoir manger », s’agace-t-il.
Deuxième motif de ce ras-le-bol. Le fonctionnaire en a plus qu’assez d’aller garder les détenus à l’hôpital André-Mignot du Chesnay. « On y passe des heures parce que nous ne sommes pas prioritaires. Depuis le début de l’année, nous sommes restés 4000 heures à l’hôpital et 2000 heures à La Lanterne ».
«Nos missions sont assurées par les polices municipales ou par nos collègues de la brigade anticriminalité»
Aujourd’hui, Jean estime qu’il ne peut plus faire la police qu’il voudrait. « Nos missions sont assurées par les polices municipales ou par nos collègues de la brigade anticriminalité. Si nous ne montons pas la garde à l’hôpital où à La Lanterne, on garde la porte du commissariat avec un fusil-mitrailleur et un gilet pare-balles. »
Jean estime que depuis son entrée dans la police, ses conditions de travail se sont dégradées pour diverses raisons qui l’éloignent de sa passion : l’intervention sur la voie publique pour venir aux secours des gens en détresse.
«Des fonctionnaires qui souhaitent quitter l’administration, cela ne se voyait jamais autrefois»
Pour l’avenir, le jeune homme s’interroge et constate que certains de ses collègues souhaitent mettent fin à leur contrat et reprendre leurs études ou entrer dans une police municipale. « Des fonctionnaires qui souhaitent quitter l’administration, cela ne se voyait jamais autrefois. Enfin, c’est logique, quand on rentre chez nous, on n’a pas envie de repartir travailler. En fait, le matin quand on sait qu’on va encore garder le président ou des détenus, la seule chose qui nous soucie, c’est avoir de la batterie sur le téléphone. Ce n’est vraiment pas encourageant. On s’efforce de surveiller ces gens avec attention mais l’envie n’est plus là. »
Ce mouvement de grogne est soutenu par les syndicats de police Unité SGP et Alliance qui protestent contre les missions de garde statique qui sont dévolues aux fonctionnaires du commissariat. Ils demandent que le président de la République soit gardé par des gendarmes de la garde républicaine et que les détenus venant de Bois-d’Arcy soient surveillés par des agents du ministère de la justice. De son côté, la direction de la sécurité publique des Yvelines rappelle qu’elle a beaucoup travaillé avec la préfecture sur ces sujets et qu’elle tente d’améliorer cette situation.
La direction de la police a pris des mesures
Celui de la garde du président de la République ne peut bien entendu pas être tranché au niveau départemental. Mais pour ce qui concerne les gardes à l’hôpital, des choses ont été mises en place pour tenter d’alléger leur poids sur le commissariat. « Nous avons créé des gardes dynamiques à l’hôpital pour les détenus grabataires. Nous faisons en sorte qu’aucune de ces missions ne dure plus de trois jours et que dans le cas contraire, les prisonniers soient transférés dans des établissements pénitentiaires hospitaliers », confie une source proche de la direction. La direction précise que l’absence des fonctionnaires en arrêt maladie est compensée par d’autres policiers qui viennent d’autres agglomérations.
Source : Le Parisien
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