Fuites au bac 2017 : l’enquête de la Gendarmerie s’annonce difficile
École polytechnique – J.Barande (CC BY-SA 2.0)
Comment 20 sujets et corrigés des épreuves expérimentales (TP évalués) du bac de Physique-Chimie se sont-ils retrouvés en vente à 20€ sur internet une semaine avant le début des épreuves ? Combien d’élèves ont-ils pu accéder à ces documents ? Et surtout, qui se cache derrière cette nouvelle fuite au bac ? Ce sont autant de questions qui se posent depuis que le Ministère de l’Education Nationale a confirmé, ce dimanche, les soupçons de fuite que nous avions été les premiers à révéler sur ce blog la semaine dernière.
Lundi, le Ministère a annoncé qu’une plainte avait été déposée auprès du pôle judiciaire de la Gendarmerie Nationale. Mais d’après les premiers éléments que nous nous sommes procurés, l’enquête s’annonce plus compliquée que prévue tant l’auteur de la fuite a fait preuve de prudence pour rester anonyme…
Un temps de réaction trop long
Premier cafouillage : le temps de réaction du Ministère. Il a fallu 6 jours à la mission de pilotage des examens pour répondre à un signalement effectué par un enseignant ayant détecté les fraudes.
Conséquence ? L’auteur des fuites, qui se fait appeler « Alex9775 », a eu le temps d’effacer toutes ses traces numériques. Suppression des messages incriminés, désactivation des pages Facebook proposant les sujets : c’est comme s’il n’avait jamais existé.
Autre conséquence : les 2 sujets communiqués par le jeune homme pour corroborer sa fuite ont, eux aussi, disparu d’Internet. Hébergés sur le site WeTransfer le 27 mai, ils étaient programmés pour s’effacer après une semaine. Difficile, donc, pour les enquêteurs de remonter jusqu’à l’auteur de la fuite par ce biais.
L’étrange profil du « fuiteur »
Mais qu’est ce qui a bien pu pousser « Alex9775 » à supprimer toute trace de son passage ? William, administrateur d’un groupe Facebook de révision du bac S, croit connaître les raisons de ce revirement soudain.
« Quand j’ai vu passer ses messages disant qu’il vendait des sujets du bac, je l’ai immédiatement contacté, explique-t-il. Je lui ai dit qu’il fallait qu’il arrête de poster sur mon groupe, que ça n’était pas légal. Il semblait tomber des nues et m’a demandé ce qu’il risquait. Quand je lui ai parlé des poursuites judiciaires, ça l’a refroidi ». Trois ans de prisons et 9000€ d’amende. C’est ce que risque, au minimum, Alex.
« J’arrête tout », a-t-il déclaré à William avant de tout effacer. Dès lors, on serait presque tenté de croire que l’auteur de cette fuite est un lycéen naïf ayant voulu se faire un peu d’argent sans vraiment avoir conscience de la gravité de ses actes…
Dès le début l’auteur des fuites a masqué toutes ses traces
Mais cette thèse du lycéen naïf ne résiste pas à d’autres éléments d’enquête que nous nous sommes procurés. En réalité, dès le début le jeune homme a cherché à masquer ses traces.
Capture d’écran de la page Facebook proposant les sujets
Tous les messages postés sur Facebook se sont faits sous une fausse identité. Les paiements des sujets et des corrigés ont été effectués via une plateforme anonyme, « paysafecard ». L’internaute invitait ses correspondants à lui fournir des codes que l’on peut se procurer contre espèces chez un marchand de journaux. De quoi éviter de tracer l’argent. Enfin, ses messages sur le forum TI Planet ont été postés avec de fausses adresses IP (d’identification des ordinateurs) localisées tantôt en Finlande, tantôt en Espagne. Un brouillage des pistes qui a de quoi sérieusement compliquer la mission des enquêteurs.
Contacté, le Ministère de l’Education Nationale a indiqué que l’enquête suivait son cours. L’auteur de la fuite n’a, pour l’heure, pas été identifié et les services de Gendarmerie cherchent à déterminer l’ampleur de la fraude.
La question qui se pose, désormais, est celle de la validité des épreuves. On se souvient qu’en 2011, le gouvernement avait décidé d’annuler un exercice de maths du bac S qui avait fuité sur internet, évoquant alors une « rupture d’égalité entre les candidats ». Qu’en sera-t-il cette année avec ces ECE de Physique-Chimie ? « Aucune décision n’a été prise pour le moment », fait-on savoir au Ministère.
Source : Le Monde
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