Fiorina L. : « Je me sens encore plus gilet jaune ! Je ne peux pas imaginer que toutes ces personnes soient blessées pour rien… »
Fiorina L., 20 ans, a perdu un œil dans une manifestation des gilets jaunes, le 8 décembre dernier, après avoir reçu une grenade lacrymogène lancée par un policier.
Elle raconte et analyse les faits au micro de Boulevard Voltaire.
Comment allez-vous, aujourd’hui ?
Ça va de mieux en mieux. La fatigue est encore là, mais je me remets tout doucement.
Pouvez-vous rappeler au lecteur de Boulevard Voltaire les circonstances de votre blessure ?
Nous étions en haut des Champs-Élysées, aux alentours de 14 h. C’était assez calme jusqu’au moment où les casseurs ont commencé à vandaliser une boutique de l’autre côté de l’avenue. Les policiers ont alors commencé à charger afin de laisser passer les pompiers pour éteindre le feu qui avait été déclenché par les casseurs.
Nous étions une centaine de gilets jaunes à la gauche des policiers. C’était très calme de notre côté. Ils ont commencé à lancer des gaz lacrymogènes. Je n’ai plus trop de souvenirs, mais je me suis pris un tir tendu de grenade lacrymogène dans l’œil gauche. À ce moment-là, je me suis complètement écroulée.
Dans quel état d’esprit êtes-vous, aujourd’hui ?
Je ne suis pas en colère contre les policiers, mais un peu contre le policier qui a tiré volontairement.
Ils se sont préparés pendant cinq minutes avant de charger. Ce n’était donc pas un tir décidé au dernier moment, dans l’urgence. J’estime que c’était volontaire et réfléchi.
En revanche, contre la police en général, je ne suis pas en colère. Certes, un policier a peut-être mal fait son travail, mais son geste ne représente pas toute la police.
Une cagnotte a été ouverte en ligne pour couvrir vos soins et vous permettre de continuer votre vie. Comment avez-vous accueilli cette initiative ?
Au début, je n’ai pas trop réalisé. Cette initiative m’a surprise sur le moment. Je remercie vraiment tous les participants. Cela me touche profondément.
Cette cagnotte m’a, pour l’instant, servi à régler les frais engendrés pour me rendre à l’hôpital en taxi et en ambulance. Les frais doivent être avancés avant d’être remboursés.
Je suis vraiment très touchée par ces dons. Je pense faire un don, grâce à cette cagnotte, pour la recherche médicale.
Après ce que vous avez vécu, vous sentez-vous encore gilet jaune ? Le combat continue-t-il encore ?
Je me sens davantage gilet jaune qu’avant. Je suis, aujourd’hui, réellement concernée et indignée de voir tous ces blessés. Il faut continuer la lutte pacifiquement et ne pas baisser les bras. Je ne peux pas imaginer que toutes ces personnes soient blessées pour rien. Il faut vraiment continuer le combat tous ensemble.
Vous avez malheureusement perdu un œil suite à ce tir de grenade lacrymogène.
Aviez-vous conscience, en vous rendant à cette manifestation, que de telles violences pouvaient vous arriver ?
C’était ma toute première manifestation. J’y avais pensé, mais pas à ce point-là. J’ai été étonnée. Je savais que, lors des manifestations, il y avait toujours des dangers, mais je ne pensais pas à ce point-là. Je ne m’attendais pas à perdre un œil, surtout venant de la police. Je partais quand même avec l’idée qu’il pouvait y avoir de la bagarre. J’ai été très surprise par la violence.
Source : Boulevard Voltaire
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