Extraits de « Tactique du diable » de C.S. Lewis, paru en 1942. ( La Réalité dépasse la Fiction )
A lire avec attention et comparer aux moments que nous vivons en 2020 :
Source : Pro Fide Catholica Le site de Laurent Glauzy
PUBLIE EN 1942.
La tactique du diable : « précipite tes victimes dans le tourbillon de l’activisme »
« Neveu » (j’écris seulement « neveu », pour te déshabituer de ces inutiles marques d’affection qui font perdre du temps),
Tu me demandes comment décourager les chétifs mortels qu’on refuse de nous confier. L’usurpateur (celui qu’ils appellent le vrai Dieu) est infiniment patient.
Voici ce que j’ai lu, avec horreur, dans la deuxième épître de ce pitre de Pierre (bouche-toi bien le nez) : « Le Seigneur n’est pas en retard pour tenir sa promesse c’est pour vous qu’Il patiente, Il veut que tous aient le temps de se convertir ».
Tu saisis ? Cette espérance des ouvriers de la onzième heure est pour nous ruineuse.
Mais nous disposons d’une arme psychologique : la pré-ci-pi-ta-tion. Nous devons tout précipiter : les décisions, les réactions, les émotions, les rendez-vous, les vacances, le travail. Voilà le mot d’ordre, ou plutôt de désordre : tout, tout de suite !
Convaincs-les que le temps est trop précieux pour faire de la prière une priorité. Suggère-leur qu’ils pourront toujours « caser le spirituel » dans les interstices du temps profane.
Qu’ils opposent le temps pour Dieu et le temps pour eux. Qu’ils divisent leur existence en deux colonnes : la colonne « Dieu » finira par disparaître tout à fait.
Précipite tes victimes dans le tourbillon de l’activisme, d’où naît immanquablement un désir de puissance, et les tentations qui vont avec.
Une fois qu’ils seront happés par les mauvais désirs, susurre-leur qu’il est trop tard pour faire marche arrière, et qu’une fois renié leur Seigneur, il n’est plus temps de demander pardon.
Évite le chant du coq, ça pourrait te rappeler de mauvais souvenirs.
Le diable. »
La tactique du diable : Dégoûte ton client de lui-même !
« Mon neveu,
Tu le sais : l’une de mes ruses préférées consiste à brouiller les cartes, – faire en sorte que les gens s’accusent de ce dont ils ne sont pas coupables, et s’excusent de ce dont ils sont pécheurs. Bref, semer la confusion. C’est ainsi que notre époque s’enfonce dans une culpabilité gluante et un désespoir noir. J’adôôôre le désespoir, c’est mon joker d’enfer !
Pour ce faire, voici quelques conseils : susurre à ton client que tout ne va pas trop mal dans sa vie, il continuera à se satisfaire de sa médiocrité. Ou alors mets-lui carrément le nez dans son péché. Grossis, exagère, déforme.
Dramatise aussi. Dégoûte-le de lui-même. Qu’il s’assimile à sa faute : il en oubliera qu’un homme ne se réduit jamais à son acte, aussi abominable soit-il. Et il se croira condamné pour toujours . hip, hip, hip, pourrira !
Le but, c’est qu’il désespère, comme Judas, de la miséricorde.
Joue aussi sur la peur de D. Enfin, celui dont je ne peux prononcer le nom sans me brûler la langue et que je préfère surnommer CQFD (Celui Qu’il Faut Détruire).
Cette peur est l’un des plus précieux héritages de ce péché premier et magnifique qui fut mon chef-d’œuvre.
Donc, ne sous-estime jamais CQFD : il profite de tout, même du péché, pour sauver les pécheurs. De la misère à la miséricorde, il y a une corde… Le péché coupe la corde qui unit l’homme à CQFD, mais cette cochonnerie de pardon renoue les deux bouts.
Damned, mon neveu, au boulot ! Je t’encrasse très fort.
Le Diable »
La tactique du diable : Pour décourager, exacerbe le scandale de la souffrance !
Mon cher neveu,
Tu me demandes comment en finir avec cette maudite espérance qui menace notre emprise sur les mortels. Sache que j’ai mis au point une tactique redoutable : pour décourager l’espérance, exacerbe le scandale de la souffrance.
Fais en sorte que tes clients ne tolèrent aucune souffrance.
Ôte-leur de l’esprit que « tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu », comme le dit ce fol de saint Paul.
Non, Dieu n’est pas capable de tirer, même du mal et de la souffrance, un bien plus grand, comme l’ont cru ce crétin d’Augustin et ce bêta de Thomas !
Chuchote-leur à l’oreille que si Dieu était vraiment tout-puissant, il ne laisserait souffrir aucune créature innocente ; il devrait éradiquer sur-le-champ toute maladie, toute douleur physique ou morale ; de tout accident, de tout attentat, de toute catastrophe, les croyants devraient sortir indemnes ! Même la méchanceté et la cruauté devraient être éradiquées.
Ne va surtout pas leur expliquer que certaines douleurs physiques sont d’indispensables signaux du danger, comme certaines douleurs morales, d’ailleurs.
Fais-leur oublier que le mal moral est la rançon de la responsabilité de créatures capables d’obéir (hélas !) ou de désobéir (yes !) librement.
Alors, colle-les devant la télé et fais-les contempler le spectacle sans fin des horreurs dont j’abreuve ce monde.
Une fois que tes clients auront admis que Dieu n’est pas tout-puissant, ils ne pourront plus le prier avec les paroles de l’Ennemi mystique n° 1 :
« Délivre-nous du mal ».
Ils en seront réduits à balbutier sans conviction : « Fais ce que tu peux, c’est-à-dire pas grand-chose ».
Je serai alors, mieux que Fantômas, maître du monde. Enfin !
Désespérément contre tous,
ton oncle (désincarné) ».
La tactique du diable : Que nul ne soit tenté de voir le Christ dans le regard des mendiants !
Cher neveu,
Tu te plains à juste titre de voir les humains se pencher avec tendresse sur le sort de personnes démunies. Même les plus endurcis trahissent leur origine divine : ils se surprennent eux-mêmes, un beau jour, à secourir telle ou telle détresse qui les avait jusqu’alors laissés parfaitement indifférents.
Ces recrudescences de solidarité sont très mauvaises pour mes affaires : elles battent en brèche l’orgueil et l’égoïsme sur lesquels j’ai bâti mon empire.
Si tu tiens à rester mon associé, je te suggère de mettre bon ordre à ces manifestations intempestives de générosité.
Voici quelques moyens adaptés.
Avant tout, essaie de convaincre les candidats à la bonne action qu’en secourant la misère ils l’entretiennent, et créent une mentalité d’assistés. Détourne-les de la pensée que, même piégé par un réseau de mendicité organisée, l’être humain aurait droit à je ne sais quelle considération.
Que personne ne soit tenté de voir le Christ (pouah !) dans le regard aviné et dans l’haleine pestilentielle d’un pauvre.
Si malgré tout les humains persistent à se soucier de leurs congénères mal lotis, susurre à ces bonnes âmes que la seule pauvreté qui compte, c’est la pauvreté spirituelle.
Par conséquent, secourir le corps est inutile. Prendre soin des conditions matérielles, c’est passer à côté de l’essentiel.
Cultive dans le cœur des humains le goût d’une charité abstraite, d’une compassion purement cérébrale.
Bref, qu’ils se résignent à la pauvreté, et la charité ne sera plus qu’une « valeur chrétienne » sans contenu !
Ton pauvre oncle (qui désespère de voir tant de signes d’amour). »
La tactique du diable : Invite ton client à chercher des signes partout !
Cher neveu (ainsi nommé puisque tu « neveux » pas faire la volonté de Dieu, ce dont je te félicite),
Tu me demandes un moyen facile de désespérer ces humains toujours en quête d’un signe bienveillant de leur Créateur !
En voici un : tâche d’entretenir chez eux une attitude extrême, dans le genre « Tout ou rien ». Invite-les à chercher des signes partout, puis, au moment opportun, à n’en voir plus aucun.
Dans un premier temps, susurre-leur : « Si Dieu t’aime vraiment, tu auras une place de parking sans attendre, tu auras ton bac sans réviser, et ta radio des poumons sera immaculée même si tu fumes.
Que diable ! « Si Dieu t’aime vraiment, qu’il le montre par des signes concrets ».
Puis aide ton client à réaliser que Dieu n’a pas exaucé tous ses caprices. Dès lors, change de voix, et persifle :
« Tu vois, Dieu ne répond pas. Tu ne comptes pas pour lui. À quoi bon attendre et espérer de quelqu’un qui reste sourd à ton appel ? »
Crois-moi, ça marche. Je te donne un exemple.
Jean-Hubert était témoin au mariage de son meilleur ami. Pas question d’arriver en retard.
Seulement voilà : plus une place pour se garer près de l’église.
Il se dit : « Quand même, Dieu va m’aider ! Mais non : parking complet. Il se met à prier. Toujours rien.
Alors Jean-Hubert propose un deal à Dieu : à son Seigneur, si Tu m’envoies une place de parking, je prierai chaque jour un Notre Père. Toujours rien. Alors Jean-Hub’surenchérit : Disons, un chapelet ! Toujours rien. Et l’heure tourne. Dernière enchère : Allez, va pour un rosaire ! Seigneur je t’en prie¦ euh ! Non ! Finalement, ce n’est pas la peine, il y a une place qui vient de se libérer.»
Et voilà : encore un qui est tombé dans le panneau signalétique ! »
Le Diable »
La tactique du diable : qu’il se gâche la vie à vouloir la simplifier !
Mon cher neveu (souviens-toi que je t’appelle « cher » à cause de ce que tu me coûtes),
Tu t’inquiètes parce que ton protégé semble se tourner résolument vers la spiritualité.
Quel nigaud tu peux faire ! Ne sais-tu pas que nous sommes de purs esprits ? Alors le spiritualisme, le spiritisme et tutti quanti, ça nous connaît.
Tourne-le donc vers le rayon « spiritualité » des libraires, qu’il y fasse ses emplettes, qu’il se fabrique une mystique à sa sauce, avec un peu de christianisme, de soufisme, de bouddhisme en vrac dans le Caddie de son cœur.
Si, par malchance, il tombe sur un livre des malsains du Carmel et commence à vouloir entrer dans l’intimité de l’Ennemi, entraîne-le à se tâter le pouls, à se demander à quel degré d’oraison il a pu déjà parvenir.
Que ses jambes coincées en lotus l’empêchent d’aller au-devant du pauvre à sa porte.
Qu’à cause de son besoin de tranquillité intérieure il devienne insupportable avec sa femme. Comment ose-t-elle lui demander de faire la vaisselle ? Ne voit-elle pas qu’il est au-delà de ces bassesses ?
Comprends bien : si tu n’arrives pas à le noyer dans les tracas de tous les jours, fais-le brûler dans le feu de l’orgueil.
Enfin, quand il voudra être simple, c’est-à-dire s’abaisser à cette chose dégoûtante qui est d’accueillir chaque être dans la vérité et l’amour, conduis-le à chercher des recettes compliquées de simplification, ainsi que des situations autres que celle qu’il vit sur le moment :
qu’il aime le lointain, non le prochain ; qu’il méprise le visage qui se trouve devant lui pour se projeter dans des missions futures.
Je ne te dis pas adieu, ni salut, bien sûr.
Celui qui, à son propre visage, préfère une légion de masques,
le Diable. »
La Plus Belle des Ruses du Diable est de vous Persuader qu’il n’existe pas.
Source : Pro Fide Catholica Le site de Laurent Glauzy
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