Extrait de biographie de Marcellin CAZALS (1905-2001)
Le 11 juin 2014, Profession-Gendarme publiait un article de presse sous le titre :
Marcellin Cazals : la gendarmerie de Florac prend le nom d’un Juste, héros de guerre
Ce jour nous avons désiré vous faire connaitre qui était Marcellin Cazals :
Extrait de biographie de Marcellin CAZALS (1905-2001)
Cazals Marcellin En 1994,
lors de l’émission La Marche du siècle en l’honneur de « Quelques Justes contre l’Holocauste »
Marcellin Joseph Cazals est né le 18 juin 1905 au Puech d’Amans, commune de Quins, canton de
Naucelle (Aveyron). Il est fils de Joseph Cazals, gendarme à cheval, et d’Augustine Pouget. Suivant
l’exemple de son père, il décide de faire carrière dans la Gendarmerie, mais doit attendre l’âge de vingt et un ans pour se présenter. Il obtient le brevet de préparation militaire élémentaire, devance l’appel sous les drapeaux, et est incorporé au 4e régiment de dragons, à Carcassonne (Aude) le 10 mai 1924. Il sert au Maroc et en Syrie et est promu brigadier le 25 février 1925. Nommé élève-gendarme à cheval le 24 septembre 1926, il se marie le 19 octobre avec Marie-Jeanne Hermance Périgoud. Volontaire pour servir en Algérie, il est affecté, à la brigade à cheval de Bogni, compagnie de Tizi-Ouzou, en Kabylie.
De retour en métropole, il connaît plusieurs affectations : la brigade à cheval du Massegros (Lozère) à
compter du 22 février 1928, puis, à compter d’avril 1932 la brigade de Bozouls (Aveyron) où il reste jusqu’en 1938. Promu chef de brigade, il est affecté à Montbazens, compagnie de Decazeville (Aveyron). Début février 1940, Marcellin Cazals est appelé à la prévôté de la 3e DLM : un périple qui va le mener de
Montpellier à la Belgique, à Dunkerque, Plymouth (Grande-Bretagne), Brest et Angoulême où, avec la
majorité des services de la division, il est fait prisonnier. Avec deux autres gendarmes, il réussit à s’échapper et, au terme d’une marche de quatre-vingt kilomètres, atteint Ribérac (Dordogne). Il réintègre la brigade de Montbazens le 13 juillet 1940.
Courant janvier 1941, ses supérieurs lui font connaître, qu’en raison de ses états de service, il peut
être affecté à la garde personnelle du maréchal Pétain, chef de l’Etat. Sa réponse est négative. Cette
proposition n’a pour but que d’éloigner Marcellin Cazals de Montbazens, sa rigueur et son intransigeance lui valant quelques inimitiés de la part des notables locaux. On trouve cependant des raisons de lui infliger trente jours d’arrêts de rigueur et une mutation, « par mesure disciplinaire à la brigade du Malzieu Ville, en Haute Lozère ». Le 10 avril 1941, il rejoint sa nouvelle brigade qui, sous son autorité, retrouve la confiance et la considération de la population.
Le 1er avril 1942, les fusils de chasse et toutes les armes de guerre et munitions détenues par des
particuliers doivent être remis dans les mairies, une douzaine d’armes sont détournées et camouflées à
Brassalières, commune de Malzieu Forain (Lozère) à une dizaine de kilomètres au nord-est du Malzieu.
Après l’invasion de la zone Sud, le 11 novembre 1942, la situation du chef de brigade du Malzieu se
complique : contacté par Joseph Huber, professeur au cours complémentaire de Saint Chély d’Apcher
(Lozère) et chef de l’Armée secrète (AS) du secteur, il rejoint, dès janvier 1943, ce mouvement de
résistance. « Pour mener à bien mon engagement, je dois rester très prudent et me montrer apparemment fidèle au pouvoir en place. J’ai sous mes ordres un personnel sérieux et dévoué mais, pour lui éviter un piège toujours possible, je ne le mets pas au courant. Un grave problème se fait jour : l’arrivée en nombre, dans le canton, de familles juives qui pensent y trouver un refuge sûr. Je décide de n’opérer aucunearrestation, qu’il s’agisse des Juifs ou des personnes menacées d’internement, (STO, communistes, etc.) […]
Je n’ai pas l’intention d’obéir aveuglément aux ordres reçus ni d’exécuter de basses besognes. Dans ce
domaine, je pense avoir réussi et fait oeuvre utile dans la lutte contre l’occupant et le nazisme. Dès lors, je me trouve confronté à de graves problèmes pour ma sécurité et celle des miens ».
Le 23 février 1943, seul à la brigade, le chef Cazals reçoit un message codé lui enjoignant d’arrêter
« les israélites du sexe mâle de dix-huit à cinquante ans ». Au Malzieu, trente personnes sont concernées par cette mesure : prévenues, elles échappent à l’arrestation. Cependant, dès le 10 mars 1943, une lettre anonyme met en cause le chef de brigade du Malzieu. L’enquête, confiée au capitaine de gendarmerie Cabarrus, n’aboutit pas. C’est environ deux cents israélites qui vont être camouflés au Malzieu ou dans les environs, ou pourvus de sauf-conduits de trois mois à destination des Alpes-Maritimes, département placé sous occupation italienne. Le 15 janvier 1944, vers 10 heures, la Gestapo, à la recherche de Juifs, fait irruption au Malzieu. En civil, Marcellin Cazals va prévenir la famille Chitelman qu’il sait particulièrement visée. Il ne peut éviter l’arrestation de Paul Chitelman et de mademoiselle Moltech âgée de 20 ans, mais il recueille, dans son propre logement, madame Moltech et sa plus jeune fille. Les réfractaires au STO sont également recherchés. En janvier 1944, tous ceux qui, de par leur profession d’agriculteurs, se croyaient à l’abri, sont convoqués pour une visite médicale préparatoire à leur départ comme travailleurs, le plus souvent pour le compte de l’Organisation Todt.
Au cours de la première quinzaine de janvier 1944, les jeunes du canton du Malzieu ne se
présentent pas à la visite médicale et font l’objet d’un arrêté d’internement délivré par le préfet, que la
brigade de gendarmerie est chargée d’exécuter. La brigade du Malzieu effectue son travail : la lecture
attentive de trente-trois procès-verbaux de recherche en témoigne. Les procès-verbaux de la brigade du Malzieu sont particulièrement détaillés et font preuve, en apparence, de beaucoup de zèle, mais tous, sans exception, concluent à l’impossibilité de retrouver le défaillant : Marcellin Cazals l’a prévenu du jour de passage des gendarmes. Cependant, suite à l’incursion de la Gestapo au Malzieu, la décision de faire passer les jeunes astreints au STO dans la clandestinité est prise, en accord avec Paul Souchon, instituteur et responsable local de la Résistance.
Le 20 janvier 1944, une douzaine de réfractaires rejoignent Brassalières ; début mars, ils sont
déplacés dans un vieux moulin près du village de Chaulhac (Lozère). D’autres se camouflent dans les bois au dessus des villages de Mialanes et des Ducs sur la commune du Malzieu Forain (Lozère). Des
déserteurs des Chantiers de jeunesse, des requis du STO venus en permission et qui ne repartent pas,
viennent grossir les rangs des clandestins. Le chef de brigade du Malzieu ne procède, malgré les ordres
reçus, à aucun retrait de cartes d’alimentation des défaillants au STO. Menacé d’arrestation à la suite de
cette action, son chef de section, le capitaine Caubarrus lui donne l’ordre de rester en tenue civile et d’éviter de passer les nuits à la caserne. Il couche alors soit à l’hospice, soit chez monsieur Chaleil, négociant qui habite route de Saugues au Malzieu.
Début avril 1944, il prend contact avec les maquis d’Auvergne et se met à leur disposition. Ordre lui
est donné de rester à son poste, en qualité d’agent de liaison et de renseignement. Le 21 mai 1944, un
message chiffré du commandant de gendarmerie Bruguière signale un important rassemblement de forces dissidentes au nord du Malzieu et ordonne une enquête : Marcellin Cazals répond négativement. Le 1er juin 1944, le dépôt d’explosifs de l’entreprise de travaux publics Delmas du Malzieu est supprimé, les matières explosives doivent être reversées à l’entreprise Richard de Mende. Plusieurs kilos de poudre et plusieurs détonateurs sont soustraits de la livraison. Courant août, le maquis de Haute Lozère leur trouve une utilisation.
Le 2 juin 1944, c’est la première attaque du Mont Mouchet. Marcellin Cazals se découvre à cette
occasion en allant prévenir le docteur Marc Monod et son épouse Jacqueline dont il connaît l’appartenance à la Résistance, alors que Jacqueline Monod le croit, lui, collaborateur. Il prévient le maquis du Mont Mouchet en appelant la cabine téléphonique de Paulhac en Margeride (Lozère). Le 4 juin au matin, le capitaine Caubarrus vient l’informer de son arrestation imminente. Marcellin Cazals met sa famille à l’abri, et, en civil, se cache dans une maison isolée mise à sa disposition par la famille Chaleil. Le 8 juin, il rejoint le Mont Mouchet, emmenant avec lui une quinzaine de volontaires recrutés dans la clandestinité.
Le 9 juin, Émile Coulaudon dit « colonel Gaspard » lui demande de rallier les gendarmes du secteur.
Les cinq brigades de Haute Lozère rassemblées à Saint Chély d’Apcher constituent un effectif de 25 sous officiers.
Il se présente à eux accompagné de quatre maquisards et essaie de les convaincre de rejoindre le
maquis. Devant leur refus, il se retire, mais quelques instants plus tard les quatre maquisards investissent la cour de la brigade et procèdent, sans violence, au désarmement des gendarmes. Le 10 juin débute la deuxième attaque du Mont Mouchet. Le 11 juin, il est chargé de conduire en camion, de la Croix du Fau (Lozère) à Chaudes Aigues (Cantal) une vingtaine de Volga -Tatars faits prisonniers. Le 12 juin, il est porté déserteur de la Gendarmerie. Son passage dans la clandestinité s’accompagne d’une nouvelle identité : sous le nom de Robert (nom) Claude (prénom), agriculteur au Malzieu Ville, il est pourvu d’une carte, délivrée le 10 mai 1943, par la mairie du Malzieu Ville.
Au Réduit de la Truyère, il est chargé de la protection de l’important dépôt de matériel parachuté,
puis, quand vient l’ordre de dispersion, le 20 juin au soir, de sa destruction. Après 48 heures de marche dans les gorges de la Truyère, Marcellin Cazals rejoint le maquis de Haute Lozère. Il est alors chargé par le commandant « Thomas », d’assurer des missions de police militaire, contrôles économiques, surveillance et arrestation des suspects. Il est nommé lieutenant des FFI à compter du 8 juin 1944. Fin août 1944, après le départ des troupes allemandes, il est affecté à la subdivision militaire de la Lozère. Désigné pour être membre du tribunal militaire chargé de juger le préfet Dutruch et le commandant de gendarmerie Bruguière, il refuse de prendre parti contre son ancien commandant et s’en explique auprès du colonel Peytavin. Il reste affecté à la subdivision militaire de la Lozère jusqu’au 5 décembre 1944, date à laquelle il réintègre la brigade du Malzieu. Promu adjudant, à titre exceptionnel, pour services rendus à la Résistance, il rejoint sa nouvelle affectation, Saint Chély d’Apcher, le 10 février 1945. Marcellin Cazals reste un peu plus de sept ans à la tête de la brigade de Saint Chély d’Apcher, c’est au cours de cette période (1945 à 1952) qu’il se voit attribuer la médaille de la reconnaissance française pour actes de bravoure et de dévouement et qu’il est inscrit au tableau d’avancement pour le grade d’adjudant-chef. Très apprécié à la fois par la population locale et par ses chefs, il quitte Saint Chély le 1er juillet 1952 avec regrets, mais la promotion dont il bénéficie est flatteuse : il est nommé commandant par intérim de la compagnie de Florac (Lozère). Il assure cette fonction pendant seize mois, puis le poste étant pourvu par un officier, il devient l’adjoint de celui-ci. Jusqu’à sa retraite, il alterne les fonctions d’adjoint et celles de commandant de la compagnie de Florac. En décembre 1959, il est fait chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur.
Le 18 juin 1960, Marcellin Cazals prend sa retraite et se retire dans sa région natale, dans l’Aveyron, à
Naucelle. Titulaire de dix-huit décorations, de deux citations, l’une à l’ordre de la brigade comportant
attribution de la croix de guerre avec étoile de bronze pour son évasion en juin 1940, l’autre à l’ordre de la division, pour sa conduite pendant les combats du Mont Mouchet et de Chaudes Aigues, comportant
attribution de la croix de guerre avec étoile d’argent, de multiples lettres et de témoignages de satisfaction de ses chefs, il pense en avoir terminé avec les honneurs, quand le 20 décembre 1993, « un événement surprenant vient rompre le cours tranquille de [sa] retraite ».
Une lettre du directeur du département des Justes à Jérusalem (Etat d’Israël) l’informe qu’il vient de
se voir conférer le titre de Juste parmi les Nations pour son action en faveur des Juifs entre 1942 et 1944, lorsqu’il était à la tête de la brigade du Malzieu. C’est à ce titre qu’il est invité, par Jean-Marie Cavada, à participer à l’émission de télévision La Marche du Siècle le 23 février 1994, dont le thème est Quelques Justes contre l’Holocauste. Gendarme, résistant et Juste parmi les Nations, Marcellin Cazals décède à Naucelle (Aveyron) le 28 octobre 2001.
Marcellin Cazals était père de deux enfants. Son fils aîné, Claude Cazals, colonel de gendarmerie a publié en 1994, un ouvrage intitulé La Gendarmerie sous l’Occupation.
(cliquez sur l’image pour suivre le lien)
Laisser un commentaire