Épisode 8/8 : Olivier Siou aime Poutine

Ecoutez l’émission sur le lien ci-dessous :

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-pieds-sur-terre/olivier-siou-aime-poutine-8923803

Résumé

D’origine Russe, il est né en France et s’est installé à Saint-Pétersbourg en 2005. Il est amoureux de cette ville que Poutine, dit-il, a rendue paradisiaque. Olivier Siou soutient tout ce que fait le président russe, y compris l’invasion de l’Ukraine, qui est pour lui légitime. En savoir plus

A ceux qui peuvent – légitimement – être choqués par les propos d’Olivier Siou, nous offrons ici quelques compléments d’information et éléments de vérification que nous vous proposons de lire après avoir écouté l’émission.

Depuis le début de la guerre en Ukraine déclenchée par les Russes le 24 avril dernier, nous avons largement donné la parole aux victimes ukrainiennes. Des récits personnels qui racontent, épisode après épisode, la vie sous les bombes russes et dans les villes éloignées des lignes de fronts. Cet épisode est le huitième d’une série intitulée « Ukraine et Russie : vivre en temps de guerre ».

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Le pluralisme des voix qui s’expriment sur les antennes du service publique en général et dans Les Pieds sur Terre en particulier nous a décidé à diffuser une parole qui n’est pas celle que nous avons pu entendre jusqu’à présent, une parole choquante certes, mais qui nous a semblé intéressante à entendre, au même titre que d’autres extrémistes dont nous avons déjà diffusé les propos dans l’émission. Une façon de montrer, s’il le fallait encore, l’efficacité de la propagande russe. Des propos, certes désagréables à entendre, nous en convenons, mais qui montrent que cette guerre est également celle des mots.

Par ailleurs, pour ne pas laisser les propos d’Olivier sans réponse ou contradiction, nous avons aussi décrypté les « informations » qu’il donne et réalisé un « fact checking » le plus précis possible.

Olivier Siou, quarante-neuf ans, s’est installé en Russie en 2005. Il est français, mais ses ancêtres étaient russes. Quand il découvre Saint-Pétersbourg, Olivier est émerveillé. Il décrit une ambiance festive, une impression d’être en sécurité et un accueil particulièrement chaleureux, même s’il trouve que le pays est globalement “en mauvais état”. Selon lui, Vladimir Poutine, qui a été nommé président de la Fédération de Russie en 2000, a grandement participé à développer les villes, les logements, les hôpitaux et l’administration du pays.

“En Russie, la vie quotidienne est merveilleuse !”

“C’est un progrès colossal. La modernité n’est pas arrivée partout, mais elle a atteint beaucoup de villes, c’est un pays en plein boom.” Olivier

Pourtant, même si en 2020, Le Figaro relayait le plan d’investissement de Poutine de 375 milliards d’euros dans le but de moderniser les infrastructures russes vieillissantes, nombreuses sont les critiques vis-à-vis de la gestion de l’argent public par le président. Amnesty International signale ainsi la dégradation des infrastructures de santé russes :

« L’état de décrépitude des infrastructures, un usage des équipements empreint de négligence et un manque de moyens financiers, entre autres, seraient ainsi à l’origine d’une rupture d’approvisionnement en oxygène survenue en août dans un hôpital d’Ossétie du Nord, qui aurait coûté la vie à neuf personnes placées en réanimation. Malgré la pénurie de personnel médical dans tout le pays, le gouvernement a décidé de procéder à de nouvelles coupes dans le budget de la santé. » Site d’Amnesty International

Selon Sylvie Kauffmann, éditorialiste au Monde, le bilan de Poutine pendant les vingt dernières années est « désastreux«  :

« Il a engagé une bonne partie de ses vastes ressources à la modernisation de ses forces armées. La liberté, l’économie, la société, le niveau de vie, l’innovation, la culture… Tout a été sacrifié. » Sylvie Kauffmann

« La population est extrêmement libre »

Olivier Siou apprécie que la population russe soit “extrêmement libre” : “Tant que t’essaies pas d’être président à la place du président, tu fais ce que tu veux.” Grâce à un VPN installé sur son ordinateur, il dit avoir accès à “tous les médias”, et n’a pas l’impression que la liberté de la presse soit davantage en danger qu’ailleurs. “Des journalistes qui se font buter, il y en a partout.”

Pourtant, la Russie se trouve en 155ème position sur 180 cette année au classement Reporters Sans Frontière de la liberté de la presse, ce qui la place dans la liste rouge, considérée comme étant dans une “situation très grave. Amnesty International a consacré un article à la répression menée par Poutine envers les médias – article qui s’est retrouvé lui-même bloqué en langue russe.

De plus, cette répression ne date pas du début de la guerre : on se souvient d’Anna Politkovskaïa, retrouvée morte en 2006 après ses enquêtes sur les violations des droits de l’Homme en Tchétchénie et ses critiques contre Poutine, mais aussi de Paul Khlebnikov, en 2004, des six collaborateurs du journal indépendant Novaïa Gazeta entre 2000 et 2014, ou encore d’Anastasia Babourova, en 2009.

« Poutine est plébiscité par une large majorité de la population »

Olivier Siou ne cache pas son admiration pour le président russe. Admiration qu’il affirme partager avec “une large majorité de la population” russe.

J’aime ce qu’il est, ce qu’il représente et son action. Je ne vois personne d’autre qui pourrait le faire aussi bien. J’aimerais bien le rencontrer, lui serrer la main parce que je pense que c’est quelqu’un d’immense, avec un pouvoir extraordinaire.

Pourtant, l’opinion publique n’est pas aussi unanime qu’Olivier Siou le prétend. Une semaine après les élections législatives en 2021, « un millier de personnes se sont retrouvées à Moscou pour protester contre des fraudes qu’elles qualifient de massives« . Le média Brut a également filmé des scènes de bourrage d’urnes. Selon Anna Colin Lebedev, maîtresse de conférences en sciences politiques à Paris-Nanterre, spécialiste des sociétés post-soviétiques, il est actuellement « impossible de connaître le niveau d’adhésion réelle » des Russes aux actions de leur armée en Ukraine.

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« Les Ukrainiens ont commis des « horreurs » en 2014″

Olivier Siou soutient ce qu’il appelle “l’offensive militaire” en Ukraine. A l’appui de ses propos, il se souvient d’“horreurs” dont se seraient rendus coupables des groupes ukrainiens lors de la révolution Orange. Il cite un massacre de 47 personnes dont des enfants brûlés vifs à Odessa parce qu’ils étaient pro-russes.

Pourtant, selon Le Monde, les 42 morts sont des militants pro-russes, et non des enfants. Et l’enquête, bien qu’opaque, “écarte l’hypothèse avancée par les médias russes du massacre délibéré”.

« L’Ukraine, c’était jamais Ukraine, c’étaient soit des Turcs, soit des Russes »

Olivier Siou explique ne pas comprendre le nationalisme ukrainien, puisque, dit-il, “l’Ukraine c’était jamais Ukraine, c’étaient soit des Turcs, soit des Russes.” Il fait référence au fait que l’Ukraine n’a acquis son indépendance totale qu’en 1991.

Pourtant, comme l’analyse Oleksandr Cherednychenko dans un article paru dans « Cahiers sens public » en 2014, l’identité de l’Ukraine s’est construite à partir du XIIème siècle, avec l’avènement de ce qu’on appelle souvent « la République Cosaque ». L’État ukrainien de l’époque est privé de son indépendance en 1654, et passe sous protectorat russe, mais selon l’auteur, « le passé cosaque se fixe dans la mémoire historique des Ukrainiens« . En 1917 est instaurée la République populaire ukrainienne, mais elle est de nouveau intégrée à l’Empire soviétique trois ans plus tard. En 1991, plus de 90% des Ukrainiens se sont exprimés pour l’indépendance.

« Depuis longtemps l’identité ukrainienne est confondue avec celle des Russes, et ce en faveur de l’idée d’un « peuple artificiellement divisé qu’il faut rassembler ». En fait, il s’agit de deux peuples différents par leurs langues, cultures et pensées. » Oleksandr Cherednychenko

« L’Ukraine n’a pas profité des investissements de la BEI »

Olivier Siou accuse l’Ukraine de ne pas avoir profité des aides européennes pour se développer. La Banque Européenne d’Investissement (BEI) a en effet investi près d’un milliard d’euros en 2020 pour l’Ukraine afin de l’aider à surmonter la crise du Covid et remettre en état les infrastructures du pays.

Pourtant, d’après le site de la BEI, l’argent investi par la BEI en Ukraine a bien servi à renforcer la santé publique pendant la pandémie, à améliorer les transports, à moderniser l’enseignement, et à stimuler l’économie et la rendre plus écologique.

L’Ukraine et les nazis

Olivier Siou dénonce la présence de groupe “nazis” et “fachos” en Ukraine, ce qui légitimerait selon lui l’invasion par la Russie.

Pourtant, même si le tristement célèbre bataillon Azov a été fondé par Andreï Biletski, ouvertement xénophobe, raciste et antisémite, Michael Colborne, auteur d’un ouvrage sur le mouvement Azov, estime que « seule une minorité des soldats du régiment sont aujourd’hui portés par des idées d’extrême droite ou néonazies ».

La construction d’une Ukraine nazie est un outil de propagande sur les télévisions russes que décrypte Elena Volochine sur France 24. Une propagande particulièrement efficace, selon Anaïs Moran de Libération, comme le témoignage d’Olivier en atteste.

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Merci à Olivier Siou, à Polina Narychkina et à Madeleine Leroyer, Nino Viale.

  • Reportage : Alain Lewkowicz
  • Réalisation : Anne Depelchin
  • Mixage : Olivier Dupré

Musique de fin : “Russians” (guitar/cello version) de Sting.

Source : Radio France

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