En Bretagne, on pouvait fabriquer jusqu’à 250 millions de masques par an
À l’époque du H1N1, l’usine Giffard près de Saint-Brieuc pouvait fabriquer jusqu’à 250 millions de masques de protection. Abandonné par l’État français, le site a fermé depuis.
L’usine Giffard, près de Saint-Brieuc, était un fleuron industriel qui a littéralement explosé en vol son la pression de la finance internationale (©illustration / Actu.fr)
En pleine crise sanitaire du coronavirus, le nom d’Honeywell fait ressurgir de douloureux souvenirs à Plaintel, en Bretagne. L’entreprise, située près de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor) et fermée en 2018, pouvait fabriquer jusqu’à 250 millions de masques de protection par an.
« Scandale de la mondialisation »
Ce fleuron industriel a littéralement explosé en vol, ce qui fait dire à certains que « le scandale de la mondialisation a eu lieu à nos portes ! »
Un sentiment relayé au cours des derniers jours par l’union syndicale Solidaires des Côtes-d’Armor :
Aujourd’hui, le retour au réel est brutal et c’est avec stupeur que le pays tout entier découvre avec la catastrophe sanitaire du coronavirus qu’il ne possède pratiquement pas de stocks de masques, pourtant indispensables pour protéger les personnels soignants, l’entourage des malades et tous les salarié(es) obligé(es) de travailler pour éviter que le pays tout entier ne s’écroule. La fermeture de l’usine Honeywell de Plaintel et la destruction de ses outils de production, comme l’inaction des autorités publiques représentent un scandale qui doit être dénoncé. La chaîne des responsabilités dans cette affaire doit aussi être mise en lumière. Les dirigeants d’Honeywell et les autorités de l’Etat doivent aujourd’hui rendre des comptes au pays.
11 septembre 2001 et crise du H1N1
Installée en 1984 à Plaintel, l’entreprise Giffard dépose alors un brevet européen pour la « production d’éléments filtrants, notamment de masques respiratoires ». Juste avant que n’éclate le scandale de l’amiante, l’assurance maladie la classait parmi la dizaine d’entreprises nationales capables de répondre aux enjeux de protection des salariés, notamment pour les travaux d’isolation.
L’entreprise intègre ensuite le groupe Dalloz, qui acquiert des sociétés aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Son chiffre d’affaires, qui dépassait déjà le milliard de Francs dont un quart pour la protection respiratoire, connaît une progression fulgurante.
Lors des attentats du 11 septembre 2001, Giffard reçoit une commande de 500 000 masques pour protéger les pompiers et les sauveteurs new-yorkais. En 2007, le groupe Dalloz devient Sperian Protection et poursuit son développement international.
En quelques années, l’État français engage 80 millions d’euros de commandes suite à un accord passé pour la production de masques FFP2, sous l’impulsion de la ministre de la santé Roselyne Bachelot. En 2009 arrive la grippe H1N1. L’entreprise plaintelaise est alors au cœur de la stratégie gouvernementale : 25 millions supplémentaires sont mis sur la table. Le groupe Sperian augmente de 60 % la capacité de production de l’usine.
Honeywell et le retrait de l’État français
L’année suivante Sperian est racheté par le conglomérat américain Honeywell, un géant qui fait ainsi main basse sur le spécialiste français des équipements de protection individuelle. Par un procédé bien connu des milieux boursiers : une OPA à 117 € par action, soit une surenchère de 67 % par rapport au prix de 70 € proposé par le fonds d’investissement européen Cinven.
Rapidement des rumeurs courent quant à l’avenir du site de Plaintel. D’autant qu’après la crise du H1N1, l’État français ne renouvelle pas son contrat. Les déconvenues s’enchaînent. Les fabrications périphériques de lingettes pour les salles d’opération ou de tenues pour le nucléaire sont stoppées. Le carnet de commandes est vide et les plans sociaux se succèdent. En 2016, l’entreprise n’emploie plus que 58 salariés alors qu’elle en avait compté 300 en 2010 !
« Un massacre »
Le couperet tombe en mai 2018 quand Honeywell décide de fermer l’usine plaintelaise dont la production est délocalisée en Tunisie. Triste épilogue d’un naufrage qui n’aurait sans doute pas eu lieu si la France avait décidé de renouveler ses stocks de masques FFP2…
D’anciens salariés ne mâchent pas leurs mots :
Quand on voit qu’aujourd’hui les soignants n’ont même pas de masques pour se protéger, c’est quand même lamentable, alors qu’il y avait chez nous un bel outil de travail. C’est un massacre !
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