En Bretagne, ces gendarmes qui ne peuvent plus tout faire
Des maires bretons qui voudraient une gendarmerie « plus présente », une gendarmerie qui tente de faire mieux, sans moyens supplémentaires. Difficile équation, qui pose la question : quelle sécurité demain pour les zones semi-urbaines et rurales ?
La fusée rouge a été lancée depuis le Sud-Finistère. Une poignée de maires qui appellent à l’aide, dépassés par un phénomène qu’ils estiment ne plus pouvoir gérer seuls. À l’origine, un problème, semble-t-il, assez localisé, au niveau de la pointe de la Cornouaille : une marée de vans qui submerge le littoral aux beaux jours et en été, et génère stationnement anarchique, bouchons, dépôts illégaux de déchets, déjections, altercations…
Payer des gendarmes réservistes ?
« On a tout essayé – modification de la circulation, arrêtés d’interdiction… -, et cela ne fonctionne pas. Il faut des contrôles et des sanctions. Ça, c’est le rôle de la gendarmerie », martèlent Gilles Sergent, président de la communauté de communes du Cap Sizun, et Gurvan Kerloc’h, nouveau maire (DVG) d’Audierne (29). Mais les renforts de gendarmerie demandés ne viendront pas. Quelques maires concernés ont bien proposé de prendre en charge les émoluments de deux réservistes pour une période de cinq semaines, cet été. « À ce stade, ce n’est pas possible pour des raisons administratives », fait savoir le commandant du groupement de gendarmerie du Finistère, le colonel Nicolas Duvinage. Mais pour lui, sur le fond, « la mission première et prioritaire de la gendarmerie n’est pas de régler les problèmes de stationnement et de gestion des déchets ».
Impliquer davantage les maires
« S’il y a accident, agression ou secours bloqués, on interviendra, poursuit l’officier. Pour le reste, les maires, avec qui nous échangeons beaucoup, sont officiers de police judiciaire et disposent, à ce titre, de pouvoirs. Ils peuvent aussi s’appuyer sur des agents communaux ou une police municipale, ou les mettre en place de manière intercommunale pour celles qui ont peu de ressources. »
La réponse n’a fait que renforcer le ressentiment des maires concernés. « On a, certes, la possibilité de verbaliser, mais c’est délicat pour nous », témoigne le maire d’Audierne. Est-ce un signe supplémentaire pour impliquer davantage les maires dans la sécurité de leur territoire ? Depuis avril, les élus bretons, comme ceux de Normandie et des Pays-de-la-Loire, peuvent désormais bénéficier d’une formation à la gestion des incivilités et des crises, dispensée par des spécialistes de la gendarmerie (eux-mêmes formés par la cellule négociation du GIGN).
Interventions : « Ce ne sera plus forcément oui à tout »
« En zone rurale ou périurbaine, quand la population ne trouve aucun interlocuteur disponible pour régler un problème ou répondre à une question, c’est la gendarmerie qu’elle sollicite, parce qu’elle est disponible 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, met en avant un haut gradé de la gendarmerie. On est arrivés à un moment où nos moyens sont limités et où on doit réfléchir au sens de notre mission. Jusqu’à présent, les gens étaient habitués à ce qu’on réponde oui à tout. Désormais, ce ne sera pas forcément oui, ou pas tout de suite. »À lire sur le sujetA Saint-Avé, des gendarmes forment les élus à réagir aux incivilités
« Est-ce qu’on doit aller à 3 h du matin pour une vache en divagation, sur une route qu’empruntent quatre voitures par heure ?, interroge un officier. D’ailleurs, est-ce à la gendarmerie d’intervenir ? Si on envoie trois militaires, c’est 33 heures (de récupération pour travail de nuit) perdues. Trois gendarmes qui ne pourront théoriquement pas intervenir le lendemain sur un cambriolage, une rixe, des violences intrafamiliales, des contrôles d’alcoolémie… »
Deux millions d’habitants en plus, sans renforts
« La gendarmerie a vocation à intervenir pour tout trouble à l’ordre public ou quand une infraction est constatée », tranche-t-on à la Direction générale de la gendarmerie. Celle-ci met en avant la nouvelle organisation interne testée dans les groupements, qui doit notamment apporter « plus de gendarmes sur le terrain et plus de réactivité ». « Depuis que ce dispositif existe, on constate une augmentation de nos interventions la nuit. Cela veut probablement dire que les tapages et autres demandes de ce type sont, au contraire, mieux pris en compte. » Renouer un contact jugé distendu avec la population et les élus : telle est la priorité affichée, depuis 2020, par la Direction de la gendarmerie, qui multiplie les innovations (création de brigades territoriales de contact ; référents élus au niveau de chaque compagnie et rencontres semestrielles…). Reste un constat : la gendarmerie a supprimé près de 20 % de ses brigades entre 2008 et 2018 (outre-mer inclus). Sans perte d’effectifs, mais sans augmentation non plus, alors que la zone gendarmerie enregistrait, dans le même temps, plus de deux millions d’habitants supplémentaires. Près de 100 000 gendarmes gèrent 95 % du territoire, où réside un tout petit plus d’un habitant sur deux, mais où n’ont lieu que 30 % des crimes et délits.
Source : Le Télégramme
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