Edouard Philippe et le croche-pied à une manifestante
Edouard Philippe face à Laurent Delahousse sur France 2. (Capture d’écran/France 2)
En cherchant des excuses aux violences policières, le Premier ministre ne peut que les encourager. Et confirmer que rien n’est fait pour stopper la dérive sécuritaire actuelle.
Dans la série « The Good Place » (Netflix), l’héroïne s’étonne, en arrivant au paradis, de ne pas pouvoir prononcer d’insanités. Elle veut dire « Fuck » ou « Shit », sa bouche dit « Fork » ou « Shirt ». De même, chez le gouvernement, certains mots ne sortent jamais. « Violence policière », par exemple. Au mieux, cela devient « images inacceptables ».
Interrogé au JT de France 2, le Premier ministre Edouard Philippe est invité par Laurent Delahousse à visionner une courte vidéo où l’on voit un policier faire un croche-patte parfaitement gratuit à une jeune femme. Elle chute brutalement.
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La scène est violente, choquante. A la différence d’autres vidéos, il est ici difficile de se raisonner en se disant « soyons prudents, c’est un simple extrait, on ne sait pas ce qui s’est passé avant ». Le Premier ministre a le nez sur la scène. Il pourrait condamner l’acte, promettre des sanctions contre l’agent. Il s’en garde. Il considère certes l’image comme « inacceptable », mais pour vanter immédiatement la tâche difficile des policiers, « qui pendant des heures se font insulter, qui se font cracher dessus, qui se font balancer des pavés dessus ». Il résume : « Exigence totale [de calme chez les policiers] et solidarité et confiance ». Fork, Shirt !
Message de dureté
Voudrait-on démontrer que les violences policières sont le fruit d’une politique délibérée qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Simple maladresse d’un Premier ministre qui nous avait jusque-là habitués à plus de compassion ? On aimerait le croire. Mais ce n’est pas la première fois que le pouvoir envoie à l’opinion ce message de dureté. Rarement dans les pays occidentaux a-t-on vu, en quelques mois, autant de mains arrachées, de personnes éborgnées sans qu’aucun des auteurs de ces actes ne soit inquiété, sans qu’aucun policier ne soit suspendu.
L’émotion soulevée depuis plus d’un an, dans l’opinion, à l’étranger, chez les organisations de défense des droits de l’homme, n’a pas fait dévier d’un pouce le gouvernement. Au contraire. Dans les rangs des forces de l’ordre, les cagoules, les tenues guerrières se multiplient. Pour prendre la tête de la Préfecture de Police de Paris en mars dernier, c’est un dur qu’Emmanuel Macron a choisi. On a entendu Didier Lallement qualifier les partis politiques opposés à la réforme des retraites de « contestataires » ou dire à une manifestante qu’elle n’est « pas dans le même camp » que lui. On a même vu l’été dernier Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, décorer une « promotion “gilets jaunes” » (sic) de policiers, parmi lesquels certains faisaient l’objet d’enquêtes pour des actions controversées…
Les violences policières, dans un pays qui a les moyens de les éviter, ne sont pas fortuites. Lorsqu’elles sont répétées, elles sont le résultat d’un choix délibéré. Lorsqu’elles ne sont pas sanctionnées, lorsqu’elles sont justifiées à la télévision par les responsables politiques, elles sont encouragées. L’objectif est sans doute d’éviter, en jouant sur la peur, de se faire déborder par la rue, comme le gouvernement a craint de l’être il y a un an. Mais il réduit à peu de chose les efforts du gouvernement de se présenter comme le camp « progressiste » face au péril illibéral qu’il dénonce.
Source : L’Obs
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