Donbass : une défaite ukrainienne prévisible
Article de l’équipe de Vu du Droit de Régis de Castelnau.
Depuis maintenant plus de trois mois, les combats font rage sur le plan militaire en Ukraine. Mais un autre combat se déroule sur les réseaux d’information occidentaux pour tenter de nous convaincre de l’imminence d’une défaite russe sur le terrain face à la courageuse armée ukrainienne armée, équipée et entraînée par l’OTAN. C’est d’ailleurs une caractéristique de cette guerre. Elle est conduite du côté russe sur des bases militaires et commandée par des professionnels. Du côté ukrainien, et pour le malheur des soldats, ce sont des communicants qui prennent les décisions avec pour seul objectif de vendre un récit aux opinions occidentales. Le problème c’est que quoiqu’en dise BHL vantant sur BFM « le moral d’acier » des troupes de Kiev, l’artillerie ça tue les soldats et ça fait gagner la guerre.
Nous avons donc été confrontés depuis le 24 février à des rodomontades ineptes. Malheureusement relayées par des journalistes incompétents et dévoyés, des experts militaires stipendiés, et des dirigeants politiques abrutis.
Nous avons bien fait car aujourd’hui, le ton change peu à peu, puisque l’analyse de la situation sur le terrain fait apparaître que la bataille décisive pour le Donbass va probablement sceller le sort de la guerre en faveur de la Russie et des Républiques populaires du Donbass. Régis de Castelnau
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par Sylvain Ferreira.
La situation sur le terrain
Contrairement aux affirmations péremptoires sinon fantaisistes de certains « sociétaires » des plateaux de télévision, les Russes et leurs alliés sont en train de gagner cette guerre, en portant des coups répétés et précis contre le dispositif défensif ukrainien dans le Donbass. Contrairement aux attentes de certains observateurs, l’approche opérationnelle russe ne consiste pas à percer le dispositif ukrainien pour ensuite se lancer dans une exploitation dans la profondeur, mais à une destruction systématique du corps de bataille ennemi par les feux. Certains observateurs évoquent l’emploi de 500 à 600 000 obus/roquettes par jour sur l’ensemble du front et principalement dans le Donbass ! Le paysage commence d’ailleurs à changer et certaines localités ressemblent de plus en plus à des villages détruits comme on les avait connus dans les deux conflits mondiaux.
« Certaines unités entament ce qui s’assimile à une grève de la guerre qui n’est pas sans rappeler les mouvements d’insubordination d’une partie de l’armée française au printemps 1917. »
Depuis quelques semaines, ce phénomène s’observe également en rase campagne. À ce pilonnage méthodique, il faut ajouter l’action quotidienne de l’aviation d’appui au sol et des missiles pour frapper les principaux points de résistance et les centres névralgiques ukrainiens (QG, dépôts, casernes, ateliers de maintenance, etc.) dans la profondeur. On réalise alors l’ineptie de certains commentateurs qui nous annonçaient mi-mars que les Russes auraient bientôt épuisé leurs stocks de missiles et de munitions. Depuis la mi-avril, les pertes occasionnées par un tel déluge de feu et d’acier sont estimées à 5 à 600 tués par jour. Ce qui explique la mise en oeuvre de la quatrième vague de mobilisation de ce qui reste de forces vives à l’Ukraine pour tenir le front. Le 1er juin, le président Zelensky a lui même reconnu la perte de 60 à 100 soldats tués et 500 blessés par jour !1.
Il est probable que côté russe les pertes soient moins importantes étant donné la destruction préalable des défenses ukrainiennes avant chaque assaut. Certaines sources officieuses évoquent un peu plus de 3000 morts au 31 mai pour les seules forces russes2. Ce qui porterait pas extrapolation les pertes totales à 9 à 10 000. Par contre, il n’existe aucune information sur les pertes subies par les troupes des deux républiques populaires qui doivent être plus importantes puisqu’elles attaquent la zone la mieux fortifiée des défenses ukrainiennes depuis le début de l’offensive.
Sur le front, les troupes manifestent de plus en plus leur mécontentement vis-à-vis du commandement central et du pouvoir en général. Leurs protestations sont filmées et publiées sur les réseaux ! Certaines unités entament ce qui s’assimile à une grève de la guerre qui n’est pas sans rappeler les mouvements d’insubordination d’une partie de l’armée française au printemps 1917. Elles veulent bien se battre mais pas dans de telles conditions. Par ailleurs, loin des déclarations péremptoires et des communiqués euphoriques émis par des pseudo-spécialistes mais aussi, et c’est bien plus grave, par les différents gouvernements de l’OTAN, l’aide militaire matérielle envoyée à l’armée ukrainienne est loin d’être à la hauteur des besoins des défenseurs de Severodonetsk ou de Kharkiv.
Ces réalités, d’abord balayées du revers de la main par les supporters inconditionnels de Kiev, sont maintenant irréfutables puisqu’elles émanent des soldats ukrainiens eux-mêmes, qui postent leurs protestations sous forme de vidéos sur l’application Telegram. Au point que même des journalistes occidentaux évoquent enfin sérieusement le sujet3. Face à ce phénomène, le régime de Kiev avait saisi le Parlement ukrainien d’une loi (n° 7531) pour autoriser les officiers à abattre les éventuels fuyards/déserteurs ou ceux qui refuseraient de monter au front4. Devant le scandale provoqué par ce projet, il a finalement été retiré.
Sur le plan strictement militaire, l’armée ukrainienne a inutilement érodé ses forces en lançant des contre-attaques locales au nord de Kharkov et de Kherson pour gagner quelques points dans la bataille de la communication et revendiquer une victoire contre les Russes. Ces actions n’ont abouti qu’à qu’à de nouvelles pertes en hommes et en matériel, ce qui a facilité dans les deux cas les contre-attaques de l’armée russe qui, depuis le début de la semaine, réoccupe de la quasi-totalité du territoire abandonné aux Ukrainiens. Par ailleurs, en s’entêtant à vouloir transformer Severodonetsk en « nouveau Marioupol », les troupes de Kiev n’ont pas d’autre choix que de la défendre à tout prix. Pour cela, faute de réserves stratégiques, ils vont devoir redéployer une demi-douzaine de brigades postées jusqu’ici sur le flanc sud du saillant du Donbass et solidement installées derrière de puissantes fortifications. Simplement, cette manoeuvre sur une distance de 50 à 70 km en fonction des brigades va devoir s’opérer sans couverture aérienne ce qui va limiter les déplacements à la nuit, plus courte en cette période.
« Zelensky évoque comme préalable le retour au statu quo ante, ce qui est totalement fantaisiste. »
Cette protection toute relative ne dissimulera pas la manœuvre aux moyens d’observations russes mais permettra peut-être à une partie des unités d’atteindre ses nouvelles positions. Toutefois, elles n’échapperont pas à une attrition certaine avant d’affronter les unités russes. Cela leur laissera peu de chance de succès pour stopper l’attaque ennemie contre Lysychansk, Kramatovsk et/ou Slovyansk et offrira probablement aux Russes et à leurs alliés la possibilité de passer enfin à la manoeuvre dans les grands espaces vides qui s’étendent ensuite vers l’ouest jusqu’à Dniepopetrovsk. Le déploiement à partir des immenses dépôts russes de 800 chars T-62MV-1 modernisés et mis à la disposition des forces des deux républiques populaires semble confirmer cette hypothèse5.
Y a-t-il un pilote dans l’avion à Kiev ?
Face à cette situation au bord du gouffre pour le pouvoir ukrainien, il est difficile aujourd’hui de comprendre quelle est la stratégie mise en œuvre pour tenter, sinon de gagner la guerre, d’au moins contraindre les Russes à stopper leur offensive. D’un côté, le président Zelensky évoque de nouveau la nécessité de reprendre les négociations avec Moscou pour trouver une issue au conflit6. Cependant, Zelensky évoque comme préalable le retour au statu quo ante, ce qui est totalement fantaisiste. Henry Kissinger est allé dans le même sens lors du forum de Davos, mais en soulignant que l’Ukraine devrait céder une partie de son territoire pour espérer la paix avec la Russie7.
Parallèlement sur le terrain, l’état-major ukrainien conseillé et épaulé par l’OTAN poursuit une stratégie là encore difficile à comprendre, puisqu’elle mène à très court terme à la création d’un nouvel encerclement autour de Lysyschansk/Severodonetsk qui risque très rapidement d’aboutir à la neutralisation d’environ 10 000 soldats ukrainiens. Les conseillers britanniques de l’état-major ukrainien avaient pourtant suggéré un repli rapide de ces forces depuis le secteur au nord de Popasna pour éviter leur destruction. Dans le même temps, les rares éléments de manœuvre tactiques sont jetés dans des contre-attaques locales au cours desquelles les Ukrainiens subissent pertes qui semblent considérables. Et dont les vidéos rendent tristement compte.
« Il faut espérer pour le peuple ukrainien que son gouvernement saura prendre les bonnes décisions le moment venu, mais le temps presse et l’opacité qui règne aujourd’hui à Kiev n’est pas de bon augure. »
Ce manque de clarté est à nos yeux synonyme de l’anarchie qui règne au sein de la direction politique et militaire ukrainienne. Cette absence de stratégie unique et centralisée n’augure rien de bon pour le sort des armes face à la puissance de l’offensive russe et on peut présager que d’ici une dizaine de jours, la bataille du Donbass se terminera par une victoire de Moscou indiscutable. Vladimir Poutine aura alors atteint un des objectifs annoncés dès le départ, celui des républiques séparatistes reconnues par la Douma russe. Lesquelles après leur reconnaissance avaient appelé la Russie à intervenir lui fournissant le motif de droit international que celle-ci revendique aujourd’hui pour assurer la régularité de son intervention.
Après le Donbass ?
Une fois la bataille du Donbass terminée, le gouvernement ukrainien parviendra-t-il à afficher une position commune et indépendante des vues de ses soutiens otaniens pour négocier sérieusement avec Moscou et reconnaître la perte du Donbass et de la Crimée, ou, au contraire, s’entêtera-t-il à poursuivre cette guerre perdue d’avance au risque de perdre également Odessa et Kharkiv ? Il faut espérer pour le peuple ukrainien que son gouvernement saura prendre les bonnes décisions le moment venu, mais le temps presse et l’opacité qui règne aujourd’hui à Kiev n’est pas de bon augure.
Le prix payé par les populations d’Ukraine risque de s’alourdir encore.
source : Vu du Droit
Source : ns2017
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