Deux traductions entretiennent le mystère de la roche gravée de Plougastel
De nombreuses personnes se sont rendues sur les lieux pour tenter de déchiffrer les inscriptions sur cette pierre principale de 2 m de haut pour 1,60 m de large. (Le Télégramme / Didier Déniel)
Que signifient les inscriptions gravées sur la roche du Caro, à Plougastel-Daoulas ? Au terme d’un concours qui a suscité 61 réponses complètes, le mystère est en partie levé.
Des articles publiés aux quatre coins du monde, quelque 2 000 mails reçus en dix jours, depuis la Russie jusqu’à l’Argentine. En lançant son « défi Champollion », un concours d’interprétation doté d’un prix de 2 000 euros, la mairie de Plougastel (29) a réussi un coup magistral. Ces lettres, gravées à même la roche, ont suscité la curiosité de chercheurs, étudiants et linguistes du monde entier, projetant une lumière inédite sur la commune, jusque-là essentiellement connue pour ses fraises et son calvaire.
Ce lundi matin, l’effervescence est donc à son comble, en salle des mariages, où le mystère doit être enfin levé. 600 personnes ont validé leur inscription au concours, pour 61 dossiers complets enregistrés. Le jury, composé d’élus et de professeurs d’histoire, en a sélectionné six, avant d’arrêter son choix définitif. Alors ? « On n’a pas levé 100 % du mystère, mais à peu près 80 % », annonce Dominique Cap, avant d’introduire les lauréats. Oui, les lauréats. Car de ce concours ne ressort pas une traduction définitive, mais deux lectures bien différentes…
Hommage à un homme péri en mer
Toutes deux s’accordent sur l’essentiel : le texte a bien été gravé en 1786, date qui apparaît sur la roche, qui fait suite à la mort tragique d’un homme. Pour le reste, on cherche encore les « 80 % » de points communs…
Noël Toudic, un professeur agrégé d’anglais, diplômé d’études celtique, a lu dans la roche l’hommage d’un soldat de la Royale à un frère d’armes, péri en mer. « Serge est mort quand mal exercé à ramer l’an dernier son bateau fut retourné par le vent », traduit-il. « Je me suis placé d’un point de vue strictement linguistique. J’ai traduit ce breton du XVIIIe en breton contemporain, puis en Français. Et je suis sûr que ma traduction est la bonne à au moins 80 % ».
Le binôme formé par l’écrivain passionné d’histoire Roger Faligot et le dessinateur Alain Robet, table quant à lui sur l’hommage d’un homme à un ami disparu : « Il était la bravoure et la joie de vivre incarnées. (…) Dans un endroit ou l’autre de l’île, il a été frappé et il en est mort ». La conviction de Roger Faligot, qui va remettre son prix à l’école Diwan de Plougastel : « l’auteur n’était pas un grand lettré, peut-être un prisonnier gallois de la bataille d’Ouessant, qui a eu lieu cinq ans auparavant. Son texte mêle breton et mots gallois ».
Du mystère à la controverse
Si le mystère est en partie levé, la controverse n’est pas loin, selon Noël Toudic, jugeant l’autre version retenue « à côté de la plaque. Ils fantasment ». Le Bretillien interroge même le concours lancé par la municipalité. « Une bonne idée de com’. Mais s’ils voulaient résoudre le mystère, il fallait réunir un comité d’experts en langue bretonne. D’ailleurs, il n’y a aucun professeur de langue bretonne dans le jury. Ça interroge ! ».
En attendant d’éventuelles contributions qui pourraient confirmer l’une ou l’autre des traductions, la municipalité de Plougastel peut, en tout cas, se frotter les mains. La notoriété de la roche du Caro a largement dépassé ses frontières, et pourrait devenir un nouvel atout touristique. Une réplique, à l’identique, sera bientôt installée au musée de la fraise. Avec les deux traductions.
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