DES NOUVELLES DU RADEAU DE LA MEDUSE
On se demande pour quelles raisons Emmanuel Macron a bien pu choisir Sibeth Ndiaye comme secrétaire d’Etat porte-parole du gouvernement.
Je ne le crois pas assez cynique pour l’avoir nommée parce que c’est une femme noire, il ne serait pas capable d’un pareil coup tordu, ce qui équivaudrait, par exemple, à choisir un ministre de la culture parce qu’il serait homosexuel! Ces manœuvres communautaristes et bassement électoralistes seraient indignes d’un président de la République ayant souhaité que figurent les œuvres du général de Gaulle sur sa photo officielle et qui a fait ajouter une croix de Lorraine sur le logo de communication de l’Elysée.
Je ne le crois pas assez immoral pour l’avoir désignée parce qu’elle savait mentir dans les grandes largeurs – qu’on se souvienne de son: «J’assume de mentir pour protéger le Président ». Un chef de l’Etat qui a choisi L’Immoraliste de Gide pour accompagner le général de Gaulle sur une photo de lui et de son bureau envoyée dans toutes les mairies de France ne saurait couvrir une pareille infamie.
Je ne crois pas non plus que ce soit parce qu’elle fume comme un sapeur sur son lieu de travail et tient élégamment sa clope au bord des lèvres comme Jean Gabin dans un film de Jean Grémillon. Une cigarette qu’elle calcine dans son bureau de secrétaire d’Etat alors que la loi du 1er février 2007 en interdit l’usage. On appréciera que BFM, qui a diffusé malencontreusement les images, se soit cru obligée de présenter des excuses à sa place alors que la contrevenante n’était pas la chaîne mais la fumeuse à qui, bien sûr, une contravention aura été présentée dans la foulée par ceux des policiers qui n’utilisent pas les drones pour débusquer les dangereux contrevenants à la loi d’exception qui marchent dans les montagnes…
Non, le chef de l’Etat, garant de la loi, n’a pas choisi cette femme noire qui ment et fume pour ces raisons-là mais parce qu’elle a dit: «Il y a un rationnel (sic) derrière les décisions que nous prenons». Non pas une raison ou des raisons, on aura bien lu, mais «un rationnel»…
Quiconque s’interrogerait sur ce «rationnel» dans un article publié sur le net pourrait bien tomber sous le coup de la loi de madame Avia qui, avant de se faire connaître en associant son nom à une loi liberticide, avait dans un premier temps obtenu les honneurs des gazettes pour avoir mordu un chauffeur de taxi puis, dans un second temps, pour accusations de sexisme, d’homophobie et de harcèlement au travail sur les personnes de cinq, pas moins, de ses assistants parlementaires. On sait également qu’elle a donné des ordres pour que soit réécrit la notice de son article Wikipédia. Il est vrai qu’on peut y lire ceci après d’autres informations accablantes: «Dans un autre échange, on y trouve la déclaration suivante: «C’est ma copine [mais] elle communique très mal sur ce qu’elle fait. C’est ce qu’il se passe quand tu mets un gay à la com’». Toujours selon ses anciens assistants, la députée insulte souvent, en privé, les députées qu’elle n’aime pas, les traitant de «putes», nourrissant de nombreuses remarques sur leur physique. La députée serait aussi une habituée des humiliations devant d’autres parlementaires, réprimandant et dévalorisant ses collaborateurs publiquement dès que l’occasion s’y prête. Au cours du confinement lié à l’état d’urgence sanitaire provoqué par l’épidémie de COVID-19 en 2020, Libération, avait ainsi rapporté que Laetitia Avia avait demandé à son attachée parlementaire (personne à risque, atteinte d’une maladie chronique, en confinement dans le Gard) de revenir à Paris pour le télétravail. Avia assure ne l’avoir jamais forcée. La collaboratrice dénonce le mercredi 1er avril 2020 à Mediapart une situation injuste et irrationnelle». Ou cela: «Les ex-collaborateurs reprochent également à la députée des tâches sans lien manifeste avec le travail d’assistant parlementaire, comme «brumiser ses jambes» ou «corriger ses copies [de] Sciences Po». Ils lui reprochent également «de méprise[r] ses électeurs» et éviter au maximum le contact avec eux en les faisant recevoir par ses assistants parlementaires». C’était en effet la bonne personne pour proposer une loi contre les contenus haineux sur Internet, une loi votée en plein confinement le 13 mai dernier…
Interrogeons-nous donc sur «le rationnel derrière les décisions» prises par le chef de l’Etat:
1. Le virus est celui d’une grippette, on va donc rechercher les expatriés français en Chine, on remet en permission les militaires qui effectuent le transport sanitaire, on laisse arriver des kyrielles d’avions chinois sur le sol français sans aucun contrôle sanitaire; mais le chef de l’Etat cloue au sol les avions, ferme les aéroports, fait de même avec les gares et les ports.
2. La pandémie ne va pas nous empêcher de sortir, ou d’aller au cinéma, sinon au théâtre comme le font savoir le président de la République et son épouse qui joignent le geste à la parole; mais le chef de l’Etat décrète qu’il faut rester confiné chez soi et met la clé sur la porte des cinémas, des théâtres, des festivals, des salles de spectacle.
3. L’épidémie ne va pas générer la fermeture des écoles, dixit le ministre de l’Education nationale bien informé par le président de la République; mais le chef de l’Etat ferme le primaire, le collège et l’université.
4. Le virus ignore les frontières; mais, après discussion avec chef de l’Etat, ledit virus reconnaît celles de Schengen mais aussi, plus fort, celles des départements français, y compris ceux d’outre-mer – dont la Guyane, une fameuse île selon l’énarque Macron.
5. Le masque est sans utilité, il s’avère même dangereux, difficile à mettre, toxique parce qu’il garde les virus dans ses fibres; mais le chef de l’Etat annonce qu’il faut le porter sous peine d’amende.
6. Les petits marchés du dimanche installés sur les parkings de supermarchés sont interdits; puis le chef de l’Etat autorise en même temps les supermarchés à rester ouvert et à vendre leurs produits.
7. Les masques ne sont pas en assez grande quantité pour les distribuer aux Français, l’Etat annonce en avoir commandé, il prétend qu’ils arrivent, on les attend toujours; mais les supermarché les vendent à prix coûtant afin d’en faire des produits d’appel et se servent de la maladie pour que les gens apeurés viennent acheter des masques en remplissant leurs charriots de victuailles sans que le chef de l’Etat ne songe une seule seconde à les réquisitionner afin de protéger les personnels soignants – à qui il propose en revanche une médaille en chocolat le 14 juillet prochain.
8. Le confinement est total, la police utilise des drones pour traquer le solitaire dans les montagnes, elle verbalise le marcheur seul dans la forêt, la grand-mère qui a rempli son autorisation de sortie au crayon à papier, ou le distrait qui a omis de faire figurer son heure de sortie; mais le chef de l’Etat donne des consignes pour ne pas verbaliser dans les banlieues où le ramadan donne à certains le droit de s’affranchir de ce qui vaut loi pour tous.
9. Le déconfinement est décrété, puisqu’il faut reprendre le travail, le MEDEF s’impatiente. Le métro se fait donc prendre d’assaut par des millions de gens qui reprennent le turbin à la même heure en utilisant les mêmes lignes. Cette promiscuité ne pose aucun problème, il faut juste se tenir à un mètre l’un de l’autre aux heures de pointe dans le compartiment; mais, dans le même temps, des centaines de milliers d’hectares du littoral français balayées par les vents de la Manche ou de l’Atlantique sont interdits au public – avant d’être déclarées accessibles à nouveau.
10. Les messes sont interdites, on envoie même la soldatesque macronienne en armes dans une église pour faire cesser l’office (comme en 1793…) mais on autorise les supermarchés à recevoir du public sans que le ministre de l’intérieur envoie ses pandores au point qu’un ecclésiastique qui ne manque pas d’humour (il mériterait de devenir pape un jour…) a proposé d’aller célébrer l’eucharistie dans un quelconque Leclerc!
Je m’arrête à dix exemples. Cela suffit pour mener une enquête épistémologique afin de savoir ce qu’est «le rationnel derrière les décisions» prises par le chef de l’Etat: c’est tout bonnement le principe du en même temps qui est à la fois la pathologie du chef de l’Etat et son slogan de campagne – on ne pourra pas dire que l’homme aux deux alliances ait trompé son monde! Il a clairement annoncé la couleur.
Cette logique permet donc cette série d’assertions: la bouteille est en même temps pleine et vide; la porte est en même temps ouverte et fermée; une femme est en même temps enceinte et vierge – ce qui s’est déjà vu ailleurs, mais je ne sais plus où…; il a lu un livre en même temps qu’il ne l’a pas lu; il est marié avec Brigitte Trogneux en même temps qu’il n’est pas marié avec elle; il est président de la République en même temps qu’il ne l’est pas; il est l’assistant de Paul Ricoeur en même temps qu’il ne l’est pas; etc.
Chacun aura compris que sa logique est illogique, que sa raison est irrationnelle, que son raisonnement est déraisonnable, que ses vérités sont fausses, que ses erreurs sont vraies, que sa pensée est impensable, que sa cohérence est incohérente, que son Emmanuel n’est pas Macron… Chez Deleuze, qui en aurait fait un personnage conceptuel et un héros de sa philosophie, la chose se nomme schizophrénie et passe pour désirable. Nous y sommes… Il faut bien l’aplomb et le culot d’une Sibeth Ndiaye pour tenter de nous convaincre que tout cela tient debout. Un peu de bon sens suffit à comprendre qu’un bateau ne peut suivre le cap nord en même temps que le cap sud.
Emmanuel Macron parle beaucoup, il verbigère sans cesse. On se demande à quoi servent ses sorties qui le tiennent éloigné du bureau où les citoyens pourraient attendre qu’il y effectue son travail de chef de l’Etat! Des producteurs bretons de fraises hors sol, des instituteurs dans leurs écoles, plusieurs fois des soignants dans leurs hôpitaux, le professeur Raoult dans son bureau marseillais, le fantôme du général de Gaulle sur ses champs de bataille: à quoi bon ces exhibitions si ce n’est pour saturer les médias de sa personne?
A la Pitié-Salpêtrière, il dit: «on a sans doute (sic) fait une erreur sur la stratégie annoncée». Les journaux à son service s’empressent de parler d’un mea culpa! C’est mal comprendre ce qui s’est dit: d’abord convenir que la stratégie ne fut, peut-être, pas bonne, ça n’est pas dire que l’objectif qu’elle visait était mauvais! N’oublions pas le «sans doute» qui est une litote car, au contraire de la chose annoncée, l’expression signifie: peut-être, probablement, mais pas certainement. Une erreur, sans doute, sur la façon de faire n’est pas un aveu que le but n’était pas bon. Si l’on débarrasse cette phrase de sa tournure alambiquée, confuse, obscure, Macron dit: «l’objectif de mettre les hôpitaux au pain sec n’était pas mauvais, mais nous nous y sommes peut-être mal pris pour réaliser ce projet…». Mea culpa disent les journalistes! Aveu naïf et cynique bien plutôt…
Car Macron verse des larmes de crocodile: depuis qu’il occupe l’Elysée, il sait en effet très bien ce qu’il fait en commandant au rouleau compresseur maastrichtien de passer sur la santé publique française, d’écraser l’instruction publique française, de broyer le système de retraite français, de compacter l’industrie française, d’aplatir la culture française, de laminer la civilisation judéo-chrétienne, de compresser l’histoire de France -puisque c’est son programme.
Le pire n’est pas qu’il fasse semblant de confesser une erreur sur la stratégie et non sur l’objectif, mais bien plutôt qu’il mente en disant qu’il croyait bien faire, mais cette conclusion sidérante: «C’est très cruel pour moi-même»! On croit rêver: cette épidémie n’est pas cruelle pour les bientôt trente mille morts, pour les trente mille familles en deuil qui n’ont pas pu accompagner leurs défunts dans les cimetières, pour ceux qui savaient leurs morts dans des entrepôts frigorifiques de Rungis sans pouvoir les y visiter, pour les personnes âgées triées dans les couloirs des urgences hospitalières et renvoyées chez elles, donc à la mort, pour les anciens abandonnés dans les mouroirs que sont les EPAHD, pour les médecins et les infirmières qui, faute de masques et de protections, sont morts au travail, pour les enfants qui sont de ce fait privés de père ou de mère, les maris privés de leurs femmes, les femmes privés de leurs maris, pour les artisans et les commerçants qui ont fait ou vont faire faillite, non, elle était cruelle pour sa petite personne dépassée par les évènements… Peut-on faire aveu plus narcissique ou égotiste? Cet homme est incapable d’empathie, il n’a d’amour que de lui-même. Il n’a que faire de la France et des Français.
Or, Emmanuel Macron qui se plaint n’est pas au bout de ses peines: son calvaire est devant lui.
Source : Michel Onfray
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