Dernier Rempart
Le gouvernement a mandaté un Conseil scientifique dont les avis sont à l’origine de toutes les mesures sanitaires. Pourtant, sur le fond, épidémiologique et sur la forme, administrative, son travail est entaché d’illégalité. Un recours a été déposé au Conseil d’Etat
Dernier rempart : La cécité du gouvernement portée devant le conseil d’état
Dans un Etat de droit, le dernier rempart, c’est la justice. Lorsque l’exécutif s’est fourvoyé et que le pouvoir législatif lui a accordé sa confiance, c’est au juge que revient le dernier recours, celui par lequel la vérité est rétablie. Or le pouvoir exécutif lui-même s’est effacé en 2020 derrière un conseil consultatif dont le rôle assumé était de « construire la pensée de la santé publique » et de statuer, aux termes du Code de Santé Publique, sur une « catastrophe sanitaire ». Le Conseil d’Etat, ultime juridiction administrative, a tout d’abord préféré reproduire cette confiance en fondant toutes ses ordonnances, elle aussi, sur ses avis. Ainsi les trois pouvoirs, en théorie indépendants les uns des autres, se sont provisoirement rangés comme un seul homme derrière un Conseil Scientifique qui devait démontrer rapidement des failles béantes dans lesquelles s’engouffrèrent des intérêts privés supranationaux à la façon d’un cheval de Troie. Ces failles ont fait l’objet d’une analyse juridico-scientifique présentée le 6 mars au Conseil d’Etat sollicité, parce qu’irremplaçable, pour examiner les avis du Conseil Scientifique à la lumière de révélations connues depuis : c’est le dernier rempart et il est en train de céder.
Voici l’argumentaire synthétisé de ce recours qui sera très prochainement publié dans son intégralité.
La pandémie de Covid-19 ne représente qu’une fraction des infections respiratoires aigües annuellement observées. Mais elle n’a pas suffi à modifier significativement la morbidité ni la mortalité des maladies infectieuses respiratoires en 2020. Seuls les plus de 85 ans en ont vraiment souffert, mais nul ne peut l’attribuer à la Covid-19 plus qu’à l’extraordinaire raréfaction des soins qu’ils ont subis. La pandémie est donc restée d’une proportion similaire à celle d’une épidémie saisonnière. Ce qui ne permet pas de transcrire en droit l’existence d’une « catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ». Ainsi, des mesures sanitaires hors normes s’avèrent disproportionnées. Tant qu’il existe l’illusion d’une catastrophe sanitaire, toute contestation se verra opposer l’ampleur du problème. En cause : les biais cognitifs et la psychologie de la prise de décision en situation d’incertitude qui ne sont nullement enseignés chez le décideur politique, économique, juridique ou médical. Et la confiance, un biais des plus puissants, a fait le reste dans la population mondiale et s’est répandue comme une flambée d’espoir : le dévouement dans l’adversité a honoré les peuples qui s’y sont prêtés. Pourtant, ce sont des biais facilement exploités par des intérêts économiques de grande envergure, et ils sont particulièrement présents chez les médecins qui sont pour eux des cibles privilégiées, à leur insu et quelques fois par une corruption active. S’il peut sortir quelque chose de meilleur de cette grande pathologie sociale, apprenons maintenant de nos erreurs.
La Covid-19 est une fraction des Infections Respiratoires Aigües
Les infections des voies respiratoires aigües (IRA) représentent 3 millions de morts par an pour l’OMS [1, 2], dont 2,3 millions ont été attribuées sans confirmation virologique à la Covid-19 en 2020. Et pour cause : elles se sont mêlées comme tous les ans avec les comorbidités cardiaques, pulmonaires, cancéreuses et métaboliques des patients les plus fragiles. Seul un réseau se destine à distinguer parmi les IRA les vraies grippes et les vraies Covid-19, et toute notre connaissance repose sur lui, du CNR Pasteur à l’European CDC et jusqu’à l’OMS : le réseau Sentinelle les surveille depuis 25 ans et il s’est adapté dès mi-mars 2020 pour surveiller aussi la Covid-19. Parmi les membres du Conseil Scientifique, tous connaissent ces travaux : il existe en France 1 million de syndromes grippaux annuellement (cette fraction des IRA qui ressemble très fortement à la grippe). A ce million se rajoute tous les ans une épidémie de 2 à 3 millions d’autres syndromes grippaux, dont la moitié sont de vraies grippes (influenzavirus)[3].
Ceci n’a pas disparu en 2020. Lorsque les hôpitaux publics ont tiré la sonnette d’alarme en début mars, ils étaient déjà au bord de la saturation du fait d’une épidémie habituelle de grippe saisonnière : pour Sentinelle, 60% étaient alors de véritables grippes. Ensuite, avec la surveillance Covid-19, les tests positifs à SARS-Cov2 (virus de la Covid-19) parmi les IRA ont été de 16%, soit 1/6 de l’ensemble des IRA. Depuis novembre 2020, Sentinelle a même révélé moins de 10% de vraies Covid-19, dont 1% seulement aura été hospitalisé [4]. L’incidence des IRA 2020 est comparable à l’incidence d’une épidémie de syndromes grippaux (5811/100 000 habitants versus 4700/100 000 en moyenne, avec des pics à plus de 8000). Avec une incidence de 600/100 000 habitants depuis mi-mars 2020, extrapolée à 930/100 000 habitants sur toute l’année 2020, la Covid-19 aura représenté 16% des IRA. Chaque année, les épidémies d’influenzavirus ont un taux d’incidence de 2300/100 000 habitants (un peu plus de 50% des excès de syndromes grippaux). Le nombre absolu de Covid-19 restera donc 2 à 3 fois plus faible que celui de la vraie grippe les autres années et 6 fois plus faible que l’ensemble des IRA.
La messe des morts quotidienne n’est autre que celle de toutes les infections respiratoires aigües mêlées sans discernement, et dont la part de vraies Covid-19 est aujourd’hui en moyenne de moins de 10 %. Mais le Conseil Scientifique et le gouvernement ont ignoré sciemment ce fait : aucun avis ne mentionne le réseau Sentinelle depuis 1 an. Ils se sont choisis d’autres critères pour définir et surveiller ce qui devait passer pour une catastrophe sanitaire.
Quels sont les critères retenus par le Conseil Scientifique ?
Santé Publique France (SPF) agrège les indicateurs suivants à partir de la « doctrine » énoncée par le Conseil Scientifique. Par ordre chronologique, celui-ci a tout d’abord choisi de recycler le modèle mathématique de Ferguson destiné à la grippe, pour anticiper la diffusion pandémique (le R0) et la mortalité. Le réseau Sentinelle, malgré l’oblitération par le Conseil Scientifique, est apparu tout de même aux bulletins nationaux de SPF comme un indicateur de suivi épidémiologique : dès mars, il fut le seul capable de préciser la part de vraies Covid-19 au milieu de tout ceci. Il est le second indicateur. Puis, dès que les tests ont été librement autorisés, les statistiques issues des PCR (fichier national SI-DEP), troisième indicateur, ont supplanté toutes les autres. Dès septembre 2020, la remontée de cas a fourni un quatrième indicateur de surveillance : la saturation des services hospitaliers. Plus tard, l’ensemble des diagnostics cliniques a permis de surveiller la morbidité (les maladies) et la mortalité (les décès). Morbidité et mortalité constituent le cinquième indicateur, indicateur clinique, dont les données sont obtenues auprès des sources suivantes : services d’urgence, associations de permanence des soins (réseau Sursaud), réseaux de crowdsourcing (autodiagnostic en ligne) ; déclarations hospitalières (fichier national SI-VIC) ; déclarations des EHPAD et EMS ; enfin, mortalité INSEE publiée en 2021.
Le premier indicateur est caduc :
Dans l’hypothèse initiale de centaines de milliers de morts anticipée par le Conseil Scientifique, la létalité utilisée était beaucoup plus grande que la létalité réelle car on connaissait bien le nombre de morts mais on sous-estimait encore le nombre de cas. En tout début d’épidémie, elle était de 6% : c’est 30 fois la létalité observée aujourd’hui (0,23 % dont 0,05% en-dessous de 70 ans) [5]. A posteriori, ces estimations devaient se limiter à 20 ou 30 000 au maximum. Quant au modèle Ferguson, le Conseil Scientifique lui-même a refusé de fonder l’ensemble de sa stratégie sur quelque chose d’aussi fragile : c’est pourtant de lui que tout est parti. Jamais il ne sera rediscuté et il disparaîtra discrètement des critères de définition et de surveillance en faveur d’autres critères.
Le second indicateur, le réseau Sentinelle, a été passé sous silence.
Le Conseil Scientifique n’en fera jamais mention. Ce qui s’est joué ici a été la relégation du seul maillon indispensable pour sa position centrale dans les soins de premier recours : le médecin généraliste qui eût dû rester seul habilité (avec les spécialistes) à prescrire des tests PCR et à établir des diagnostics nationalement harmonisés. En mai et juin, la part de Covid-19 est tombée à 0 pour Sentinelles et quelque chose a alors été fait pour le masquer, des semaines 21 à 38 : les données ont été supplantées par de l’autodiagnostic en ligne, remontant miraculeusement les chiffres à une incidence de 100 / 100 000 habitants !
Le troisième indicateur est caduc :
le portage de SARS-Cov2, détecté par PCR, ne signifie pas la maladie Covid-19. Les symptômes ne se déclarent que chez 15% des testés positifs et moins de 1% d’entre eux connaissent une forme grave, dont 1% encore décédera vraiment. Avec une distribution de virus de 6 à 10%, l’incidence réelle du portage sain est de 6 000 à 10 000 / 100 000 habitants ! Testez 300 000 personnes par jour (les limites actuelles) et vous aurez 20 à 30 000 tests positifs par jour et une incidence brandie au 20h de 200 / 100 000 habitants ! Un diagnostic, c’est avant tout de la clinique. Les tests servent de diagnostic de certitude d’un dépistage qui doit être gouverné par elle. En outre, antérieurement à l’expérience grandeur-nature inédite réalisée sur le SARS-Cov2 en 2020, on ne dispose pas de données virologiques permettant de la comparer avec la situation antérieure. Il est donc impossible de prouver que des coronavirus faiblement pathogènes n’étaient pas depuis toujours présents dans les mêmes proportions. C’est comme si l’on découvrait les UV et leurs cancers et que l’on se mette à croire qu’ils n’étaient pas là avant. Personne n’a encore caractérisé la létalité des différents variants dont la majorité pourrait ne pas être plus pathogène que les « anciens » virus et ne plus mériter le nom de Covid-19 puisque le variant de Wuhan ne circule plus. Les tests PCR sont pourtant le principal référentiel choisi par les autorités de santé sur avis du Conseil Scientifique. Enfin, la pression exercée par les pouvoirs publics sur une population qui se teste massivement et souvent plusieurs fois par mois avant les grandes échéances du calendrier, participe à la sur-détection du SARS-Cov2.
Le quatrième indicateur est caduc :
L’occupation des lits est biaisée par le vieillissement d’une population croissante et par la raréfaction du nombre de lits en hôpital public (plus de 8 lits /1000 habitants en 1998 à moins de 6, 20 ans plus tard). Comment pourrions-nous parler de catastrophe technologique si nous fermions des garages automobiles et que ceux qui restaient se retrouvent saturés de travail à cause des pannes habituelles ?
Le cinquième indicateur est partiellement exploitable.
En termes de morbidité (les maladies) : il ne l’est pas. En effet, à l’hôpital comme à la ville, aura été diagnostiqué « Covid-19 » tout ce qui antérieurement était diagnostiqué « grippe et syndromes grippaux, pneumopathies, surinfections de BPCO » et même, dans bien des cas les infections ORL bénignes et une bonne partie de la pathologie cardio-respiratoire et neurologique chez des patients âgés testés positifs. Or tout ceci a été établi sans confirmation virologique, pour des raisons évidentes dues à l’impossibilité technique de comptabiliser précisément des millions de malades et de tests. C’est donc sur des données non consolidées que s’est portée la surveillance épidémiologique, inexploitables pour déterminer vraiment ce que fut la part réelle de la Covid-19. On peut le résumer par une formule désormais connue : « on meurt avec le SARS-Cov2 mais pas nécessairement du SARS-Cov2 ». Si l’on voulait toutefois comparer l’ensemble des IRA 2020 avec celles des autres années, on s’apercevrait hélas qu’il n’existe nulle part de statistiques valables. On est tenu alors de se rabattre sur la mortalité. C’est un indicateur très fiable, en vertu de la loi des grands nombres en statistiques. Or, de la surmortalité annoncée par l’INSEE, la part attribuable au SARS-Cov2 ne pourrait être confirmée là encore que par un rapprochement définitif entre les cas confirmés et les cas présumés, ce qui n’a pas été et ne sera jamais réalisé, pour les mêmes raisons méthodologiques. On se contente alors de faire l’analyse de la mortalité globale, et même là il apparaît que celle-ci n’a pas été significative en-dessous de 85 ans : l’excès de mortalité toutes causes est croissant depuis 20 ans (car une population qui vieillit a une mortalité qui augmente : le baby-boom devient un papy-boom). Mais comme pour toute statistique, l’interprétation ne doit pas méconnaître les biais d’analyse. Ici, le paradoxe de Simpson, bien connu des scientifiques et des statisticiens, provoque une interprétation contraire à la réalité : la mortalité globale est en hausse, mais l’analyse par classes d’âge révèle, en 2020 comme avant, une indiscutable baisse de la mortalité (pour contrecarrer ce biais d’analyse, il faut en fait la rapporter à la pyramide des âges).
Seule la mortalité des plus de 85 ans a augmenté. En ce qui les concerne il y a bien eu un phénomène Covid-19.
Les plus de 85 ans ont fait l’objet d’une politique sanitaire particulièrement nouvelle en 2020
Rien ne permet d’exclure que la surmortalité des 85 ans ne soit en relation avec l’évident défaut de soins des pathologies non infectieuses (augmentation des cas de cardiopathies et de bronchopneumopathies chroniques décompensées). Le maintien à domicile a en effet été particulièrement élevé en 2020. Rien ne permet d’exclure non plus que la politique de santé publique fondée sur le paracétamol et la quarantaine, n’ait très fortement participé à cette surmortalité, attendu que les antibiotiques n’ont pas été massivement administrés comme tous les ans en période épidémique, alors que toutes les autopsies démontrent la part des surinfections pulmonaires (50 à 70 %) [6] [7]. Le rôle prédominant des antibiotiques dans la gestion des pandémies virales était pourtant tout à fait connu [8]. Le même effet est venu de la sous-prescription des corticoïdes, injustement pointés du doigt dès le début de la pandémie alors que non seulement leur innocuité a été mise en évidence par l’OMS et la revue Science [9], mais que leur efficacité sur la phase pulmonaire est désormais connue. Rien ne permet d’exclure enfin que la surprescription de Rivotril (+ 29 000 doses), encouragée par les autorités de santé, ne soit en cause dans la surmortalité des plus de 85 ans, ni que nos abandons n’aient engendré des syndromes de glissement (la mort rapide par inanition). Tous les hivers, les personnes très âgées bénéficient d’une large prescription de molécules qui sauvent avec de la chaleur humaine au lieu de molécules qui abrègent leur solitude…
La surmortalité 2020 réellement imputable à la Covid-19 ne constitue donc pas une situation d’urgence sanitaire ni de catastrophe. Il s’agit, sans « alarmisme ni rassurisme », d’une crise touchant des services notoirement sous-dotés et rendus incapables matériellement d’absorber une épidémie d’ampleur normale. Et si enfin le confinement et le couvre-feu sont proposés pour expliquer le fait que la mortalité n’ait pas explosé, qu’il y soit répondu par le principe de parcimonie en logique : si un phénomène se répète à l’identique tous les ans, et qu’une seule variable change à sa dernière occurrence, alors il est bien plus probable que cette variable soit indépendante du phénomène, et beaucoup moins probable qu’elle ait solutionné en même temps une variation du phénomène. Si une prophétie annonce qu’en 2022 le soleil ne se lèvera plus, et que contre cela nous nous répandons en prières pendant toute l’année, que ferons-nous alors en 2022 quand le soleil se lèvera ? Devrons-nous remercier les croyants, ou accepter que la prophétie était fausse ?
« Veritas non auctoritas facit legem » : un effort théorique, scientifique et juridique à produire
De catastrophe, on ne trouve de définition chiffrée ni en droit international, ni en droit français. Au mieux, l’Art. 1.6 de la Convention de Tampere propose : «une grave perturbation du fonctionnement de la société causant une menace réelle et généralisée à la vie ou à la santé humaine » [10]. En France, la loi 82-600 du 13 Juillet 1982 énonce que « [des dommages de] catastrophes naturelles [résultent de] l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises » [11]. On pourrait donc attendre du Conseil Scientifique un référentiel mettant en évidence la grave perturbation ou l’intensité anormale. Chacun comprend le caractère catastrophique de la chute d’une météorite tuant en plus de tout le reste, comme une canicule, le terrorisme, une guerre ou un accident technologique. Pourtant, ce à quoi nous assistons n’est pas nouveau, c’est l’aggravation d’un phénomène préexistant (les IRA) du fait du vieillissement normal de la population et dont les oscillations annuelles varient du simple au triple. Il faut un ordre de grandeur : si un phénomène épidémique tue 1,1 fois la population habituelle, ce n’est pas une catastrophe ; s’il nous fait changer d’échelle (10 fois plus de morts), ça l’est. La notion de catastrophe sanitaire est un vide juridique qui appelle à l’écriture d’un droit des catastrophes (Lienhard) [12].
Des mesures disproportionnées et inefficaces
C’est de la gravité que dépendent les moyens à mettre en œuvre de façon proportionnée : la stratégie thérapeutique (individuelle) et sanitaire (collective). Le bénin ne mérite que des mesures sans risques ; la gravité autorise des mesures plus risquées : c’est la balance bénéfices/risques. Parmi les mesures de coût médical, psychologique et social faibles, comme une distanciation sociale raisonnable, nous n’avons pas à craindre un déséquilibre de la balance. En revanche, pour le couvre-feu, les expropriations transitoires et les fermetures de groupes associatifs, pour le confinement et pour le testing de masse, la disproportion est caractérisée : le coût des tests innombrables serait mieux employé à payer des services hospitaliers abandonnés depuis 30 ans. Quant au confinement, les études ne parviennent pas à en démontrer l’efficacité [13].
« Les deux vitesses de la pensée »
La psychologie en matière de prise de décision en situation d’incertitude face à des systèmes complexes (de type politique, économique, médical), et c’est un prix Nobel qui l’écrit, nous apprend que la majorité de nos choix, des plus triviaux aux plus graves de conséquences, est le résultat d’automatismes et d’approximations de la pensée, habituellement fiables et très rapides, efficaces, mais entachés d’un taux d’erreur considérable (Kahneman) [14]. Ces automatismes, les heuristiques, réalisent une première ”vitesse” de la pensée. Et si nous sommes équipés d’une deuxième ”vitesse”, plus lente, plus fatigante mais plus scientifique, nous ne la mettons que rarement en action. Même face à un patient, un prêt bancaire ou un choix politique vital pour autrui. Parmi les plus célèbres : « la majorité a toujours raison » ; « les experts ont des statistiques et des connaissances que je n’ai pas » ; « les médecins pensent avant tout aux autres et ne sauraient être corrompus ». La réflexion rationnelle est biaisée de façon insidieuse par des intérêts qui ne sont pas seulement financiers mais bien souvent aussi d’ordre narcissique : le fait d’être appelé à s’exprimer publiquement flatte des heuristiques personnelles de l’ordre de l’amour-propre. Le décideur n’est ni particulièrement incompétent ni particulièrement malveillant ou corrompu : il est simplement victime de ce que personne ne lui ait enseigné la psychologie de la prise de décision. Ses émotions, ses intérêts, ses croyances, sa confiance en l’expertise et la probité d’autrui, sont autant d’heuristiques dont il ignore tout simplement l’existence ! Pour mieux les inhiber, il faut au moins y être sensibilisé. Ce à quoi ni les médecins ni les politiciens ne sont formés. En politique, un biais cognitif majeur et bien connu est à l’œuvre : le biais des coûts irrécupérables est un automatisme très puissant par lequel tout ce qui a été entrepris jusqu’à présent pèse très lourd dans la prise de décision, quelle que soit sa validité démontrée au moment du choix. Un exemple tristement célèbre : les EPR français… Et bien sûr, le premier confinement, excusé et accepté par la population à une époque où le virus était encore très mal connu : aujourd’hui, si l’on change de politique, alors « tout ce qui a précédé aura été fait en vain ».
Les meilleures écoles de commerce le savent bien : pour vendre plus il faut orienter la prise de décision vers les automatismes tels que les modes, les peurs, les liens sociaux fugaces des réseaux numériques, les besoins instinctifs qui sommeillent en nous. Médecins et politiciens ont pourtant le devoir d’accompagner les citoyens tout au contraire vers l’autonomie et la plénitude de leurs facultés, vers la patience et la sérénité qui améliorent la prise de décision.
Des intérêts privés au lieu d’une santé publique
Ces considérations concernent des professionnels « de bonne foi ». Certains d’entre eux sont pourtant liés par des intérêts économiques assumés. Outre les liens pharmaceutiques (rares mais puissants), les médecins reçoivent de fortes incitations financières : cotation urgente systématique (+22,6 €) pour toute visite en EHPAD, téléconsultation favorisée et prise en charge à 100% ; rémunération pour le testing, la déclaration en ligne et la vaccination Covid-19 autorisée le WE et les jours fériés pour 50 € la prestation (pouvant amener à plus de 1 500 € de revenu en 3 ou 4h00), en plus des aides distribuées pour perte de revenus. La tentation est grande de s’exonérer de tout raisonnement sur les pratiques, d’autant que la réflexion est préétablie par une autorité. Chacun est sûr de la bienfaisance de tous les autres. Mais l’enfer, dit-on… Comme il est exceptionnellement exonéré de sa responsabilité pénale en matière de vaccination, le médecin est traité comme un agent de soins désinvesti de sa faculté de juger. Ceci est en opposition avec le Code de Déontologie Médicale (CDM) et il est tout à fait sûr que devant la justice, chacun est responsable des soins qu’il prodigue. C’est une affaire de derniers remparts ! Nous avons bien appris depuis l’expérience de Milgram et les procès de Nuremberg. De son côté, le Conseil de l’Ordre des Médecins (CNOM) a diffusé un appel à tous les médecins à se faire vacciner, puis à vacciner, conformément à l’article 12 du CDM (« le médecin doit apporter son concours à l’action entreprise par les autorités de santé compétentes en vue de la protection de la santé »). Bien des médecins se sont sentis menacés. Pourtant, au-dessus de toute considération, il y a la protection de la santé et celle-ci n’était pas garantie par la science publiée sur la vaccination. Il n’a donc jamais été en contravention avec la déontologie lorsqu’il s’y refusa. Dans le contexte sanitaire actuel où chaque médecin s’implique de son mieux dans le soin à ses patients, cet appel du CNOM a sonné comme une pression résolument illégale. Quant aux laboratoires, ils se sont bien gardés de mettre en garde les prescripteurs. Mais à qui profite la crise ? Savent-ils que ce qu’ils fragilisent, c’est l’Etat-nation ? La complicité du Conseil Scientifique est pour eux un Cheval de Troie que le gouvernement refuse de voir comme tel.
Epilogue : dans l’attente du Conseil d’Etat
L’argumentaire présenté dans ce document est celui d’un référé suspensif introduit le 7 mars 2021. Il complète un recours qui démontre le non-respect par le Conseil Scientifique des principes les plus élémentaires de l’expertise sanitaire (impartialité et traçabilité des débats). Le gouvernement a répondu le 16 mars 2021 par neuf pages d’une remarquable cécité juridique sans aucune démonstration. De contradictoire ? Pas question : le gouvernement refuse l’enquête demandée à la Haute Juridiction qui permettrait d’auditionner les témoins utiles à l’étude juridico-scientifique respectueusement proposée par les requérants. Réponse vide de toute morale. C’est même un simple copier-coller d’autres réponses faites à des requérants contestant les mesures restrictives perpétuées par le présent état d’urgence sanitaire. Ainsi, outre le fait que le gouvernement a tronqué le débat parlementaire sur les états d’urgence successifs, sans jamais donner accès aux données scientifiques pourtant exigées par le code de la santé publique, voilà qu’il refuse le débat devant la plus haute juridiction administrative de France.
Le 22 mars à 12h, ce recours a été clôturé au motif de l’urgence sanitaire. Sa non-recevabilité a été appuyée par l’exacte reproduction des chiffres produits par le ministère dans son mémoire en réponse : le contradictoire n’a jamais eu lieu.
Il faut donc rouvrir le débat scientifique au sein de l’enceinte judiciaire : que le Conseil d’Etat détermine en fait et en droit la notion de « catastrophe sanitaire » au sens du Code de la Santé publique. S’il s’y refuse, c’est la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui en aura la tâche. La justice est le dernier rempart, mais avant quoi ? Lorsque le débat de la vérité ne passe pas, c’est de l’obscurantisme dont il s’agit.
L’enjeu consiste alors à ne pas laisser anéantir le contrôle judiciaire par le pouvoir exécutif, parce que ce dernier est déjà perdu aux intérêts de l’industrie supranationale qui nous impose « un monde virtuel de probabilités […] un code de bonne conduite qui fait de la santé le monde suprême, et des comportements suggérés une obligation morale exigeant la soumission de chacun » [15].
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Références
[2] https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/the-top-10-causes-of-death
[3] Paternoster, M., Masse, S., van der Werf, S. et al. Estimation of influenza-attributable burden in primary care from season 2014/2015 to 2018/2019, France. Eur J Clin Microbiol Infect Dis (2021). https://doi.org/10.1007/s10096-021-04161-1
[4] http://www.sentiweb.fr/france/fr/?page=bulletin
[5] https://www.who.int/bulletin/volumes/99/1/20-265892.pdf
[6] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7271136/
[7] https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)30566-3/fulltext DOI:https://doi.org/10.1016/S0140-6736(20)30566-3
[10] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000029881570
[11] https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000691989/
[12] https://www.courdecassation.fr/venements_23/colloques_4/2004_2034/droit_catastrophes_8211.html
[13] Bendavid, E, Oh, C, Bhattacharya, J, Ioannidis, JPA. Assessing mandatory stay‐at‐home and business closure effects on the spread of COVID‐19. Eur J Clin Invest. 2020; 00:e13484. https://doi.org/10.1111/eci.13484
[14] Daniel Kahneman : Système 1 / Système 2, les deux vitesses de la pensée (Flammarion)
[15] P.lecorps et J-B Paturet, Santé publique du biopouvoir à la démocratie
Source : RéinfoCovid
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