Cyril Hanouna solidaire du déplorable Booba contre Zineb : ce monde est fou
Cyril Hanouna est un histrion de talent et, pour ma part, je ne l’ai jamais traité avec condescendance et encore moins méprisé.
Il m’est arrivé à plusieurs reprises de le croiser à CNews quand il sortait de l’ascenseur et que j’y montais. À chaque fois, un échange rapide mais sympathique.
Il m’a invité à participer à son émission puis j’ai été décommandé. Une autre fois, échaudé, j’ai refusé.
Le hasard a fait que rarement, et pour quelques minutes, j’ai pu la regarder ou que par d’autres médias j’ai été informé de certains « clashs » qui s’y étaient produits ou de vulgarités et indécences qui avaient choqué. À l’évidence, je n’étais pas conquis par la tonalité générale qui s’en dégageait, même si Cyril Hanouna était un bateleur et un animateur créateur de cette ambiance frénétique et désordonnée qui n’apporte rien mais fait du bruit collectif.
Quand il a invité Marlène Schiappa pour tirer les conclusions du grand débat national au cours d’une soirée qui n’a pas été si médiocre que cela, j’ai regardé, et jusqu’à la fin.
J’ai conscience, en relatant ces détails de peu d’importance, de paraître focaliser sur une personnalité médiatique que les jeunes gens apprécient mais qui laisse indifférentes ou révulsent les autres classes d’âge.
Je n’avais jamais vu Cyril Hanouna, au cours de ces années, tomber dans l’abjection. Il a fallu, pour cela, que se conjuguent le rappeur Booba, l’intelligente et courageuse Zineb El Rhazoui et, si j’ose dire, les intolérables violences collectives à l’encontre des policiers à Mantes-la-Jolie.
Zineb El Rhazoui sur CNews, au sujet de ces événements, avait déclaré : « J’ai vu un peu ce qui se disait sur les réseaux sociaux, les gens de tous horizons étaient absolument unanimes, il faut que la police tire à balles réelles dans ces cas-là. Quand vous avez un guet-apens de cent barbares… La police américaine aurait tiré à balles réelles. »
Je ne sais si j’aurais exprimé la même idée et fait le même constat, ou peut-être aurais-je fait preuve de plus de prudence dans l’expression, mais je ne suis pas Zineb et n’est pas Zineb qui veut !
À cette intervention de Zineb, Booba a répondu, sur un mode ignoble, en incitant à s’en prendre violemment à la journaliste : « Pourrissons la vie à cette grosse merde puante… Oh putain, mais c’est qu’elle est sérieuse, cette suceuse d’empereurs romains. »
Zineb, à la suite de ces menaces, a déposé plainte.
Et qui est venu au secours de celui qui a osé proférer ces ignominies ? Cyril Hanouna lui-même.
Certes, on n’aurait pas attendu de lui qu’il ait à l’encontre de Booba les réactions vigoureuses et sans la moindre équivoque de notre sportif patriote Patrice Quarteron face auquel Booba n’aurait pas fait le poids !
De Cyril Hanouna, pourtant, on aurait eu le droit d’espérer qu’au nom même de ces « quartiers » dont il se revendique en même temps que Booba, il adopte une autre position consistant d’abord à stigmatiser les voyous en masse qui les dévoyaient. Cela aurait été plus opportun que de faire l’indigné sur les « balles réelles » en oubliant de mettre en cause les comportements indignes qui déshonorent les « quartiers » et agressent la police. N’est-ce pas profondément les mépriser, en croyant les flatter, que de choisir pour emblème un Booba piètre figure et modèle par rapport à la multitude des modestes et anonymes qui n’ont que l’envie d’une tranquillité publique ?
De Cyril Hanouna, fallait-il entendre une solidarité avec le déplorable Booba ? « Je lui fais un gros big up à Booba, parce que la vidéo qu’il a faite sur la ouf qui s’est exprimée, Zineb, bravo, bravo. Ce qu’elle avait dit est très grave. »
Cette « ouf », comme il dit, est protégée par des gardes du corps parce que, par un hasard miraculeux, le jour de la tuerie, elle était absente de Charlie Hebdo – où elle écrivait sur les religions – et, ainsi, a échappé à l’assassinat par les frères Kouachi ; depuis, avec une audace inouïe, elle continue à défendre la liberté d’expression et à dénoncer l’intolérance et la criminalité islamistes. Trouve-t-il normal de valider qu’on traite cette femme de « grosse merde puante » alors qu’elle se bat aussi pour sa liberté d’expression à lui ? Cette intrépide dont les jours sont menacés au quotidien n’aurait-elle pas mérité, de la part d’un animateur qui, médiatiquement, est en pointe, une défense, un respect et une estime, alors qu’il a décidé, au contraire, de les prodiguer à un Booba !
Et le bon apôtre de souligner « qu’il ne laisserait jamais quelqu’un appeler à la haine et à la guerre dans les quartiers » ! Qu’il nous explique où était la haine à Mantes-la-Jolie, et de quel côté ? Et d’ajouter, sur un ton paternaliste : « Et il ne faut pas lyncher cette personne (encore heureux !) mais juste lui expliquer que c’est grave de dire ça. »
Un Hanouna bien au chaud dans son succès et dans son émission, dont la seule audace est de pousser loin l’inélégance, venant donner des leçons à une Zineb et jeter sa pincée odieuse dans le risque qu’elle court !
Ce monde est fou. Les histrions donnent des leçons de morale, les rappeurs sont des maîtres à penser, ont des paroles à vomir, et une Zineb trop libre, trop sincère, doit se justifier. Ce monde est délirant qui contraint à réagir contre de grossières inepties parce qu’elles émanent d’êtres portés aux nues, aptes à la médiatisation ou dorlotés par celle-ci.
Si je croise ou si je regarde Cyril Hanouna, il n’aura plus le même air.
Parce qu’il aura eu tort sur l’essentiel. Sans rire.
Source : Boulevard Voltaire
Laisser un commentaire