Cyril Hanouna en guerre contre l’Arcom: sa future action en justice peut-elle aboutir?

Adepte des polémiques, le présentateur se dit «harcelé» et entend saisir la justice contre l’autorité de régulation de l’audiovisuel, qui a notamment acté le non-renouvellement de la fréquence TNT de la chaîne C8 en 2025. Coup d’éclat médiatique ou véritable menace juridique?

L’animateur et producteur Cyril Hanouna lors de son audition à l’Assemblée nationale devant la «commission d’enquête sur l’attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre» (TNT), à Paris, le 14 mars 2024. | Arthur N. Orchard / Hans Lucas via AFP

Cyril Hanouna n’a pas fini de faire parler de lui. L’animateur de l’émission «Touche pas à mon poste!» («TPMP») a annoncé, le lundi 2 septembre, son intention de déposer une plainte contre l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), qu’il accuse de «harcèlement». En cause, les différentes sanctions infligées à C8, propriété du groupe Canal+ et qui diffuse «TPMP», avec comme point d’orgue la récente décision de l’instance de ne pas renouveler la fréquence TNT accordée à la chaîne à partir de 2025.

«TPMP», qui surfe avant tout sur la provocation et le buzz, est depuis longtemps sous la surveillance étroite de l’Arcom. Il faut dire que l’émission multiplie les dérapages depuis sa création. Au total, les chaînes du groupe de Vincent Bolloré, dont fait partie C8, avaient reçu «au moins quarante-sept mises en garde, mises en demeure et amendes» de la part du régulateur de l’audiovisuel depuis 2012, «dont onze depuis le début de l’année 2024», liste le quotidien Le Monde.

En tête, les émissions de Cyril Hanouna, qui ont été sanctionnées pour la diffusion de propos insultants (notamment contre la fille mineure de Laeticia et Johnny Hallyday, le député LFI Louis Boyard ou encore la maire de Paris Anne Hidalgo), de la publicité clandestine, mais aussi des fausses informations et du contenu à caractère complotiste (des célébrités étaient par exemple accusées à l’antenne de boire du sang d’enfant pour rester jeunes). Résultat: C8 a cumulé 7,6 millions d’euros d’amendes prononcées par l’Arcom.

S’estimant personnellement visé, l’animateur et producteur a annoncé avoir constitué un dossier de trente-cinq pages pour appuyer sa plainte pour harcèlement. Mais peut-il vraiment attaquer l’Arcom en justice?

Peut-on accuser l’Arcom de harcèlement?

Si l’on se réfère au code pénal français, la loi définit notamment le harcèlement moral comme «le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel». Selon Cyril Hanouna, il n’y a pas de doute: les sanctions répétées de l’Arcom, qui l’auraient visé directement, ont eu pour conséquence une altération de ses conditions de vie, en engendrant notamment une vague de haine sur les réseaux sociaux.

Qu’en est-il vraiment? D’un point de vue légal, la situation est loin d’être aussi simple. L’Arcom (qui a remplacé le Conseil supérieur de l’audiovisuel), en tant qu’autorité administrative indépendante, n’a pas pour mission de cibler des individus en particulier, comme l’animateur, mais agit pour réguler l’ensemble des acteurs du secteur audiovisuel, telle que la chaîne C8, rappelle Me Armelle Fourlon, avocate spécialisée en droit des médias et de la propriété intellectuelle.

Même si Cyril Hanouna peut ressentir un impact indirect, il n’est pas le destinataire direct des sanctions. «Les décisions de l’Arcom sont dirigées contre la chaîne C8 et non contre Cyril Hanouna personnellement. Il n’est le représentant légal ni de Canal+ ni de C8», rappelle Me Armelle Fourlon. Il n’est donc pas juridiquement la cible de l’Arcom.

Plusieurs obstacles juridiques se dressent alors contre Cyril Hanouna. Si l’Arcom dispose bien de la personnalité morale et peut donc être poursuivie pénalement, prouver le harcèlement s’avère extrêmement complexe. «L’Arcom n’a fait qu’exercer sa mission de régulation, a la possibilité de prononcer des sanctions et se fonde sur des éléments matériels objectifs pour justifier ses décisions, notamment en pointant des comportements à l’antenne susceptibles de revêtir une qualification pénale», indique Me Marine Schwalbert, avocate au barreau de Paris. De ce point de vue-là, «Touche pas à mon poste!» n’a pas manqué d’imagination.

Les sanctions infligées à C8, prises dans un cadre strictement légal, sont donc justifiées par des violations répétées des règles déontologiques et non par une volonté malveillante de nuire à Cyril Hanouna. Une analyse partagée par Me Armelle Fourlon, qui précise que les décisions de l’Arcom, comme cela a été le cas pour certaines des mises en demeure adressées à C8, «peuvent être contestées devant le Conseil d’État», mais qu’une plainte pour harcèlement déposée, à titre personnel, contre l’Arcom semble avoir peu de chance d’aboutir.

Une tentative vouée à l’échec? 

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les avocats de l’animateur vont devoir se creuser les méninges pour lui donner raison. Le plus probable serait de déposer une plainte simple auprès du procureur de la République, comme Cyril Hanouna l’a déjà évoqué, ajoute Me Marine Schwalbert. Si le procureur décide d’ouvrir une enquête pénale, cela pourrait donner lieu à des investigations sur les pratiques de l’Arcom. Mais il est aussi possible que la plainte soit classée sans suite, faute de preuves suffisantes pour établir un délit de harcèlement.

Là encore, ses avocats pourront se lancer dans une autre bataille, presque perdue d’avance. En cas de classement sans suite, «Cyril Hanouna aura la possibilité de déposer une plainte avec constitution de partie civile qui saisira alors un juge d’instruction, afin d’ouvrir une information judiciaire, expose l’avocate du barreau de Paris. Il peut également envisager une citation directe de la personne à qui il reproche les faits de harcèlement, ce qui lui permet de saisir lui-même directement un tribunal correctionnel. Cela implique d’être en mesure de présenter suffisamment d’éléments de preuves pour caractériser le délit reproché.» Faute de preuves suffisantes apportées par la victime, la personne poursuivie sera relaxée. Jusqu’ici, aucune autorité publique indépendante telle que l’Arcom n’a jamais été condamnée pour des faits de harcèlement.

Et en ce qui concerne le harcèlement en ligne? Si l’animateur en a bel est bien été victime de la part de plusieurs personnes, il ne peut pas le reprocher à l’Arcom et devrait plutôt se retourner contre les personnes qui l’attaquent en ligne pour caractériser un harcèlement au sens du code pénal. «[Accuser l’Arcom] serait reprocher alors à toute autorité qui prendrait des mesures vis-à-vis d’une personne de la harceler à partir du moment où cette décision serait négative ou constituerait une sanction et pourrait donc être commentée par les internautes. Cela ne ferait pas sens car ça priverait nécessairement les autorités publiques indépendantes de leur pouvoir de régulation et de sanction et les viderait de leur objet», conclut Marine Schwalbert, qui anticipe un classement sans suite pour absence d’infraction ou infraction insuffisamment caractérisée.

Qu’il se lance dans de longues procédures judiciaires ou non, il semblerait surtout que Cyril Hanouna soit, par cette menace, dans son registre: celui des polémiques et des coups d’éclat médiatiques. L’animateur aura aussi de quoi se consoler: il a repris les rênes de l’émission radiophonique «On marche sur la tête» sur l’antenne d’Europe 1. Un ultime pied de nez à l’Arcom.

Source : Slate

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