Confinement : Mathieu est de mauvaise humeur
« Mathieu Morel, confinement oblige, semble être de mauvaise humeur
— Mathieu est toujours de mauvaise humeur. »
Confinement jour 8
Clemenceau ?
« Il va falloir vous habituer à voir le président de la République au contact sur le terrain : C’est Clemenceau dans les tranchées» : telle est la réponse de l’Elysée à ceux qui s’inquiètent de voir Emmanuel Macron ne portant pas de masque lors de ses apparitions publiques, comme l’a rapporté ce 23 mars Loïc Signor, journaliste de CNews en charge de l’Elysée ».
C’est ça…
Après De Gaulle terrassant la bête immonde devant la pyramide sur l’Ode à la joie, le voilà désormais Clemenceau dans les tranchées. Il fallait vraiment un croquemitaine comme l’épicière de Montretout pour effrayer au point qu’on s’obstine à se soumettre à l’escroquerie d’un enfant-roi désinhibé, mégalomane et narcissique, alors qu’il présentait, de toute évidence, au moins autant de dangers – et réels, ceux-là, contrairement à l’épicière qui aurait été promptement stérilisée (ce qui n’aurait été, c’est vrai, que reculer pour mieux sauter, or il fallait bien, à un moment ou un autre, se décider à sauter puisque nous étions au bord du gouffre) – pour la paix civile et la pérennité de ce qu’il nous restait de lambeaux d’une démocratie dont on ne savait même plus ce qu’elle recouvrait tant, occupés à en vénérer les rituels, nous avions oublié d’en protéger les principes.
Le primate applaudit ses propres singeries
Ce type est décidément complètement givré. Non parce qu’il serait animé de mauvaises intentions ou par je ne sais quelle essence maléfique : juste parce qu’il est complètement abruti par sa suffisance, dramatiquement inculte et buté comme un con dans ses obsessions nombrilistes. De l’Histoire, il n’a retenu que les passages surlignés dans les Annabac, ceux qui permettent de faire semblant d’avoir tout lu, tout compris, en régurgitant quelques citations et quelques poncifs suffisamment consensuels pour s’assurer l’assentiment de tous les tièdes, prudents, expectatifs, circonspects, centristes, raisonnables, modérés, « constructifs ». En attendant que Dieu, s’il existe, les vomisse, il y a l’urgence de la gamelle, quotidienne, elle.
Son obsession fanatique, abondamment nourrie par sa prof de théâtre et en même temps (mais réciproquement aussi, attention) caution intellectuelle, est d’imprimer sa trace dans l’Histoire (dont, dans le fond, il se fout éperdument pourvu que son nom figure dans le Larousse). Le verbiage est son outil. Les mots-clés font tout, le reste est habillage. Il l’a consciencieusement appris à Science Po puis à l’Ena : « babille et pérore : si tu n’as rien à dire, ça fera de la mousse et si tu as quelque chose à dire, surtout ferme ta gueule ou change de job ». Tout homme adulte, passé par l’adolescence, doit savoir ce que produisent des rêves un peu enthousiastes. Pour notre distingué hélicoquéquettomane, il semble que cela soit tout le temps : le primate applaudit ses propres singeries pendant que le philosophe de Prisunic s’extasie devant ses morceaux choisis.
Peut-être, pourtant, qu’un entourage bien intentionné devrait lui rappeler que parfois, dans l’Histoire qu’il affectionne tant, certains sont entrés par la grande porte, auréolés d’une gloire de contrebande par la trouille d’un peuple aveuglé. Ils en sont ressortis en mauvaise posture, une fois la lumière rétablie. Pas sûr qu’on nous reprenne encore indéfiniment à faire preuve de clémence si c’est pour se faire couillonner encore.
Que ce soit Clemenceau ou De Gaulle, et quels que soient par ailleurs les griefs qu’on ait contre eux, on ne les a jamais vus en appeler à l’union sacrée ou au patriotisme et, « en même temps », casser les tibias des gueux qui tenaient la baraque. L’Histoire compte aussi ses traîtres et ses salopards, dont la Justice devra évaluer la part de veulerie et de corruption (en supposant qu’ils n’aient pas, une fois de plus, l’opportunité de s’y soustraire). Pétain et Laval ont eu tout le temps de faire des petits, qui ont appris, eux, qu’il valait mieux avancer lentement.
De toute façon, si jamais leurs indics les informent que c’est vraiment foutu pour eux, ils trouveront toutes les bonnes raisons d’envoyer la purée, « contre la sédition », « pour les valeurs et la démocratie ». La purée est prête. Leurs billets pour Coblence, Sigmaringen ou Buenos Aires aussi, s’il faut ça pour revenir immaculé.
A table, citoyens !
Confinement jour 9
Les Français parlent aux Français. Je répète…
Ça déconne décidément velu au niveau de la cafetière. je répète : ça déconne décidément velu au niveau de la cafetière.
Tiguiliguiliguiliguili.
Bon.
Il existe un album des Bidochon intitulé « les fous sont lâchés » (et au demeurant très drôle) qui imagine une administration devenue folle et illustre à la perfection la jubilation vicelarde des sous-chefs frustrés. C’est évidemment très caricatural et finalement assez en-deçà de la réalité que cette bande de détraqués aux abois est en train de nous concocter (et que nous serons sommés de trouver parfaitement normal dès le « jour d’après » puisque l’injonction à « l’union sacrée » interdit également de « faire de la polémique » au motif que ça serait « indécent » : ça sera re-autorisé plus tard, après, lorsqu’il sera trop tard, comme toujours).
Formulaire
Il y a un nouveau formulaire, dites !
Récapitulons : pour sortir alors que c’est interdit (sauf quand c’est obligatoire mais ça, on n’a toujours pas vraiment compris où ni quand ils poseront enfin la balance et eux-mêmes n’en finissent pas de se tâter) mais lorsqu’on en avait envie, il fallait jusqu’ici se signer un Ausweis tout seul comme un grand, stipulant qu’on sortait parce qu’on… allait dehors (mais dans les passages cloutés). Le défaut d’auto-Ausweis ou l’erreur de bonne foi, due à une éventuelle mécompréhension des directives erratiques de ces canards sans tête, étaient punis d’une amende de 40, puis 140 balles (voire 3500 si récidive dans les 15 jours, voire 6 ans de taule si 4 récidives dans les 30 jours – rappelons modérément que ce régime nouveau est né il y a seulement une semaine, juste pour se donner une perspective – et à la vitesse où l’on va, perpète n’est pas loin, sinon les douze balles – mais vraies, elles) .
Constatant que leur bidule, pourtant déjà lucratif (si, ils sont même parvenus à emplafonner pour 140 balles des infirmières en service, dont le seul tort était d’avoir oublié de remplir leur auto-dérogation autorisatoire, ou encore des ahuris qui avaient eu la naïveté de croire qu’une attestation de l’employeur était plus probante que ce machin inepte), était très con, ils se sont hâtés d’accuser le peuple de « mauvaise volonté réfractaire à relents de sédition » et ont donc décidé d’en pondre un nouveau, à peu près aussi con mais doté d’encore plus de cases pour pouvoir se gourer. Sans omettre d’ajouter l’heure (on se demande en revanche toujours ce que vient y foutre la date de naissance), puisque c’est devenu un nouveau motif pour faire cracher au bassinet, « urgence sanitaire » oblige. C’est la guerre, et notre nouveau Clemenceau, tel le Capitaine Stark dans les Tuniques bleues, ne se sent décidément plus de joie.
Gaffe !
Il y a donc un nouveau formulaire. Faites gaffe !
Lundi soir, le Grand Echassier Raton-laveur a causé au poste pour nous re-expliquer que nous étions décidément trop cons pour les mériter et que, pour la peine (et à son grand dam : il en était tout marri), son bidule allait être tout durci, que le jogging allait désormais être autorisé uniquement une demi-heure par jambe, qu’il serait interdit d’aller perdre ses enfants dans la forêt au-delà d’un kilomètre (et que de toute façon, si on les sortait, c’était à condition de ne pas dépasser une personne par groupe – sinon POUF ! Carnet à souches, achtung, zurück, raus, nein, papier und alles dieses kinds of choses) et que le retour à hier ne serait pas pour demain (ne rigolez pas, il a aussi vraiment dit un machin de ce genre). Pendant que les journalistes pugnaces du monde libre et insolent le renvoyaient dans ses cordes en lui rétorquant qu’ils le trouvaient très beau et que slurp, un doute m’envahissait : tous les imprimés réglementaires d’auto-Ausweis dérogatoires autorisationnistes exceptionnellementesques que je m’étais imprimés, étaient-ils toujours valables ? Ne risquais-je pas de me faire bêtement délester de 140 balles par des malfaisants pour un formulaire dûment rempli mais subitement caduque à mon insu ? Tout ça pour économiser un peu de papier et d’encre. Pire même : parce que j’aurais eu la naïveté de croire que la loi, la fameuse « dura mais sed » que je n’étais pas plus censé ignorer que mon prochain, n’allait pas changer toutes les 10 minutes, à chaque fois qu’un sous-Gauleiter expérimente une nouvelle substance.
J’allais alors, confiant dans la Justice de mon pays (comme ils disent, eux qui ne la redoutent qu’avec parcimonie et savent leur chambre réservée au Val de Grâce en cas de bobo), sur le site idoine : celui du Griffon niçois à bagouzes. Las. A cette heure, il était probablement encore en train de marquer son territoire dans une boîte à blondasses, entre deux vodkas (ça aide, au bout de quelques-unes, à marquer le territoire). Le formulaire officiel était encore celui de la veille. Méfiez-vous, camarades : à partir de demain, c’est un tout nouveau qu’il vous faudra télécharger et imprimer pour vous autoriser à sortir au motif que vous avez des bricoles à faire dehors.
Sinon, BAM ! Aboulez l’oseille.
Encore que si ça se trouve, celui qui vient de sortir est déjà caduque avant même d’avoir été utilisé puisque des ribambelles de nouvelles idées rigolotes, inédites et disruptives (« la terre ne ment pas », le STO etc.) n’en finissent pas de germer dans ces cerveaux laissés trop longtemps en friche. Il va falloir qu’ils se retiennent, quand même, parce qu’ils en foutent vraiment partout, là.
On veut bien les laisser jouer encore un peu avec la fameuse main vertueuse et auto-régulée du tiroir-caisse mais l’autre, de main, il va falloir qu’ils la mettent en évidence sur la table parce qu’elle n’a pas l’air de contribuer vraiment à calmer les esprits.
Source : Vu du Droit
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