Collaborateur de Guéant, condamné en justice : le pedigree sulfureux du directeur de cabinet de Castaner à Beauvau
Stéphane Bouillon était préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes avant d’être nommé directeur de cabinet à l’Intérieur. – Nicolas Liponne / NurPhoto
Ancien collaborateur de Claude Guéant place Beauvau, condamné plusieurs fois par la justice, Stéphane Bouillon, le nouveau bras droit de Christophe Castaner au ministère de l’Intérieur, présente un profil atypique.
Fermez la porte de Beauvau aux sarkozystes, ils rentreront par la fenêtre ! Lors du feuilleton du remaniement, un nom avait longtemps été envisagé pour succéder à Gérard Collomb au ministère de l’Intérieur : celui de Frédéric Péchenard, ancien directeur général de la police nationale et très proche de Nicolas Sarkozy. Finalement, l’option a été torpillée par François Bayrou, soucieux de limiter l’influence de l’ancien président dans le nouveau gouvernement. Et c’est Christophe Castaner qui a hérité du portefeuille de l’Intérieur.
Mais un ancien acteur du quinquennat Sarkozy s’est finalement frayé un chemin dans l’organigramme : il s’agit de Stéphane Bouillon, qui a été nommé ce mardi 16 octobre par décret directeur de cabinet à Beauvau, soit le poste phare de l’équipe du nouveau ministre, alors qu’il était préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Le tout frais « dircab » présente un sacré pedigree… Issu du corps de la préfectorale, il a déjà occupé le poste de directeur de cabinet, lors du passage de Claude Guéant à l’Intérieur, de mars 2011 jusqu’à la fin du quinquennat Sarkozy l’année suivante. Il a donc été associé de près à une décision controversée du très droitier ministre, la fameuse « circulaire Guéant » : fin mai 2011, le ministre avait fait passer des consignes aux préfectures pour durcir les critères de délivrance des titres de séjour attribués aux étudiants étrangers non issus de l’Union européenne qui souhaitaient continuer à travailler en France. Cette décision, qui s’inscrivait dans l’objectif proclamé par Claude Guéant de réduire l’immigration légale de 200.000 à 180.000 personnes par an, avait déclenché une controverse nationale ; François Hollande avait même fait de l’abrogation de la circulaire une proposition de campagne lors de la présidentielle, promesse qui fut honorée le 31 mai 2012.
Plusieurs condamnations judiciaires
Ce n’est pas le seul coup d’éclat de Stéphane Bouillon lors de son premier passage Place Beauvau : le haut fonctionnaire a également été condamné pour diffamation pour avoir accusé un citoyen d’être un terroriste ! En avril 2012, à la suite de l’affaire Merah, un communiqué de l’Intérieur annonce l’expulsion du pays de cinq personnes présumées terroristes, dont Ali Belhadad, soupçonné d’avoir participé aux attentats de Marrakech en 1994… à tort. Belhadad avait simplement eu des « relations régulières » avec une personne effectivement impliquée dans ces attaques. Il a pu regagner la France en 2014. Rédigé sur la base d’une note imprécise des renseignements généraux, le communiqué de presse avait été validé par Bouillon. Ce qui lui a valu une condamnation à 7.000 euros de dommages et intérêts et 800 euros d’amende avec sursis par le tribunal correctionnel de Paris, en mai 2015.
Stéphane Bouillon a connu d’autres démêlés judiciaires pour une décision prise du temps où il était préfet de Corse-du-Sud, entre 2008 et 2011. La veille de son départ, il avait accordé quatre permis de construire pour « réhabilitation de ruines » sur le littoral de l’île de Beauté, malgré quatre avis défavorables rendus par la Direction départementale des territoires et de la Mer. En réalité, il ne s’agissait pas de réhabiliter des ruines mais de construire … sept villas et un restaurant. Attaqué par des associations de défense de l’environnement, Bouillon a été condamné le 13 avril 2017 pour faute par le tribunal administratif de Bastia.
Le préfet Bouillon est un habitué des tribunaux mais aussi des ors de la République : il fut chef de cabinet de Roger Fauroux sous François Mitterrand, a travaillé à Matignon sous l’égide de Lionel Jospin entre 1998 et 2001, avant de conseiller François Fillon en 2008 et 2009. Pour l’anecdote, il a mis à disposition sa villa marseillaise pour Emmanuel et Brigitte Macron lorsque le couple présidentiel a passé des vacances dans la cité phocéenne à l’été 2017. C’est donc un poids lourd de la haute fonction publique qui est chargé de chapeauter le cabinet de Christophe Castaner. A ce poste, il aura l’occasion de discuter souvent avec son homologue à l’Elysée, Patrick Strzoda, qui lui a succédé en tant que préfet de Corse-du-Sud, en 2011. Les vieilles connaissances, c’est toujours utile !
Source : Marianne
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