Brest. Incendie de Quéliverzan : « Contents d’être en vie… »
Ce jeudi matin, au lendemain du violent incendie qui a fait une victime à Quéliverzan, la vie normale reprend doucement son cours, au 82, rue Gallieni. Alors que les équipes de Brest métropole habitat et ses prestataires s’attachent à effacer les stigmates du sinistre, les résidents racontent cette nuit au goût de cendre.
« J’ai vu quelques incendies dans le quartier. Même un dans le même appartement que cette fois-ci, il y a plusieurs années. Mais celui-ci était vraiment le plus violent : si les pompiers étaient arrivés ne serait-ce que vingt minutes plus tard, ç’aurait été catastrophique », souffle Sébastien, les traits tirés.
« Cette nuit, j’ai très peu dormi. C’était horrible. Avec le vent qui soufflait, je me disais que la moindre braise pouvait faire repartir le feu et cramer mon appartement. Et en même temps, j’étais rassuré d’entendre les bruits des équipes qui étaient toujours en train de bosser au milieu de la nuit. C’est triste pour la victime mais oui, ce matin, je suis content d’être en vie et je me dis que j’ai de la chance d’habiter du bon côté ».
J’ai couru comme un dingue pour revenir chez moi, car j’avais ma chienne seule dans l’appart. Des policiers m’ont rattrapé pour me descendre. Je ne pensais qu’à mon chien, pas aux fumées que j’aurais pu inhaler ou au risque de me retrouver coincé dans l’immeuble. Ces policiers m’ont peut-être sauvé la vie…
Au pied du 82, rue Gallieni, Sébastien montre la façade noircie de l’imposante tour de douze étages (pour 72 logements), montée sur échasses, emblématique de ce quartier populaire de la rive droite. Lui habite au neuvième, un niveau au-dessus de l’appartement d’où est parti l’incendie, et dans lequel a été retrouvé le corps sans vie de Benoît Yvinec. « Voyez, j’habite de ce côté : mon appart n’a rien. Celui de mon voisin de palier, situé juste au-dessus de celui d’où est parti le feu, est entièrement détruit ».
« Ce n’est malheureusement pas la première fois »
Le trentenaire refait le film de la nuit. « J’étais en ville, quand j’ai reçu un coup de téléphone me disant qu’il y avait le feu dans ma tour. Et juste à ce moment-là, mon portable a coupé. Plus de batterie. La panique totale. J’ai couru comme un dingue pour revenir chez moi, car j’avais ma chienne seule dans l’appart. Arrivé sur place, j’ai commencé à monter les étages pour la sortir. Des policiers m’ont rattrapé pour me descendre. Le ton est monté. Je me suis excusé après : je ne pensais qu’à mon chien, pas aux fumées que j’aurais pu inhaler ou au risque de me retrouver coincé dans l’immeuble. Ces policiers m’ont peut-être sauvé la vie ».
François (*), lui, habite au dixième étage. « J’étais chez moi quand l’incendie s’est déclaré. J’ai compris ce qui se passait en voyant les flammes depuis ma fenêtre et en entendant du bruit dans les couloirs. Quand je suis sorti, il y avait du monde partout. J’avais pourtant déjà senti, une demi-heure ou une heure avant, une odeur de brûlé. Après avoir vérifié que ça ne venait pas de chez moi, j’ai pensé à un feu de pneus dans la rue… ».
Occupant son logement depuis « une trentaine d’années », François n’a toutefois pas ressenti le besoin de se faire reloger mercredi. « Ce n’est malheureusement pas la première fois qu’un incendie se déclare dans l’immeuble. La dernière fois, il y a deux ou trois ans, c’était déjà dans l’appartement du huitième. Et c’est triste à dire, mais cela avait prouvé que l’immeuble est « sécure »… ».
Eliane, qui vit au quatrième, a, elle, été sortie par les pompiers, vers 17 h, mercredi. « Je n’avais rien remarqué, quand ils ont tambouriné à ma porte. J’ai ouvert pour leur dire de se calmer… Et j’ai compris ce qu’il se passait. J’ai juste pris le temps d’embarquer mon portable et ma chienne ».
Comme les autres résidents de l’immeuble, elle sera accueillie quelques minutes plus tard dans la salle des fêtes du quartier. « On a bien été pris en charge, avec des médecins du Samu, des élus qui sont venus, et le boulanger d’en face (Le Fournil des Provinces) qui a ramené des sandwichs pour tout le monde. Il n’y avait pas de panique. Il y avait juste une mémé qui était choquée, et deux autres qui ont eu besoin des masques à oxygène. Mais l’ambiance a changé quand on a su qu’il y avait eu un mort ».
« On n’a pas envie de vivre ici éternellement »
Ce jeudi matin, les résidents qui ont passé la nuit ailleurs, parce que leur appartement était sinistré ou par peur d’une reprise de feu, viennent mesurer l’ampleur des dégâts, alors que le chauffage de tout l’immeuble est toujours en rade. En milieu de matinée, l’accès aux appartements situés juste au-dessus et en dessous de celui d’où est parti le feu était toujours refusé, gardé par des vigiles.
Les équipes de BMH, sur place, assurent l’accueil, expliquent, rassurent. Certaines situations sont délicates, comme pour cette femme qui avait stocké du matériel de dialyse dans un logement, et qui a tout perdu. Au pied de la tour, certains lâchent leur ras-le-bol, tel ce quinquagénaire, installé ici depuis huit ans. « L’immeuble est dans un état lamentable. Il y a de la pisse de chien tous les jours dans les ascenseurs. Et tout le système électrique est à refaire ».
Sébastien, lui, balaie ces griefs. « Oui, ça peut être crade parfois dans les communs, à cause d’une ou deux personnes qui se comportent mal. Mais comme dans tous les gros collectifs ! Après, les apparts sont vieux, c’est sûr, mais pas du tout insalubres. Ça aurait pu se passer n’importe où ». Pourtant, il conclut d’un sourire impuissant : « On n’a pas envie de vivre ici éternellement, mais franchement, il y a bien pire ailleurs… ».
* Prénom d’emprunt, à la demande du témoin.
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