Beauvau de la sécurité : police et justice autour de la table dans un contexte électrique
Les syndicats de police, dont le récent rassemblement a viré au procès en laxisme de la justice, retrouvent, ce jeudi, Éric Dupond-Moretti, hué par les manifestants, dans le cadre d’un Beauvau de la sécurité consacré aux relations avec l’autorité judiciaire.
« Ça devrait bouger fort », anticipe Fabien Vanhemelryck, secrétaire général d’Alliance. Sa formule choc, « Le problème de la police, c’est la justice », clamée de la tribune sous les fenêtres de l’Assemblée nationale, le 19 mai, a indigné les magistrats et gêné – sur la forme – plusieurs syndicats de police.
Coup médiatique
Son auteur assume un coup médiatique : « Je ne retire en rien ma phrase. Sans ça, on aurait parlé de notre rassemblement deux heures et le lendemain, c’était oublié ».
Depuis, Gérald Darmanin et Éric Dupond-Moretti se sont employés à ne pas laisser accroire à un divorce entre la police et la justice. « Le problème de la police, c’est la faiblesse des moyens de la justice », a rappelé le ministre de l’Intérieur dans une interview au « Parisien ». « La justice sans la police, c’est l’impuissance », a répondu en écho le garde des Sceaux au « Journal du Dimanche ».
Tous deux candidats aux régionales dans les Hauts-de-France, ils ont d’ailleurs mis en scène leur bonne entente sur Twitter avec une photo les montrant en train de travailler, notamment à la « préparation du Beauvau de la sécurité ».
Le ministre de la Justice craint-il d’y être chahuté ? « Les comportements de foule sont nécessairement différents de ceux d’une réunion à Beauvau autour de deux ministres. Les attitudes seront, pour sûr, républicaines », glisse son entourage.
Hasard du calendrier, cette grande consultation sur la police et la gendarmerie, interrompue en mars par la crise sanitaire, reprend avec une table ronde consacrée aux relations police-justice, un « chantier » imposé par le syndicat Alliance.
Plus de sévérité contre les agresseurs de policiers ?
« Les ministres insisteront, notamment, sur la relation quotidienne entre la police et la justice et la nécessité d’aller plus loin dans la simplification de la procédure pénale », souligne-t-on dans l’entourage de Gérald Darmanin.
Mais les syndicats, après leur démonstration de force dans la rue, comptent pousser leurs revendications pour davantage de sévérité contre les agresseurs de policiers, dans le cadre plus feutré des salons du ministère de l’Intérieur.
« Ce n’est pas suffisant »
Plusieurs mesures annoncées par Jean Castex après le meurtre du brigadier Éric Masson à Avignon ont, d’ores et déjà, été votées par les députés : l’allongement à 30 ans de la mesure de sûreté des condamnés à perpétuité pour un crime sur un policier ou un gendarme, la limitation des réductions de peine pour les agresseurs des forces de l’ordre et la fin des rappels à la loi. « Ce n’est pas suffisant », juge Grégory Joron, d’Unité SGP Police. À l’image de toutes les organisations de l’intersyndicale, il ne « lâche pas l’affaire » sur la question des « peines minimales » (appelées aussi « peines planchers »), malgré la constante opposition du gouvernement.
En attendant, le syndicaliste demande que soit utilisé l’article du Code pénal qui réprime les guets-apens contre les forces de l’ordre et qui prévoit des peines de 10 à 20 ans de réclusion selon la gravité des blessures. Il souhaite aussi que les agresseurs de policiers condamnés à moins d’un an de prison ferme ne bénéficient pas d’une peine aménagée. « Tout cela, c’est facile à faire, il n’y a pas besoin de légiférer, c’est juste de la politique pénale », souligne-t-il.
Un Observatoire de la réponse pénale mis en place ?
Autre revendication syndicale, la mise en œuvre promise au 1er juillet d’un Observatoire de la réponse pénale, centré sur les infractions commises contre les forces de l’ordre, fera l’objet de « précisions », indique-t-on dans l’entourage du ministre, avec le souhait de garantir « l’impartialité » des travaux. « Est-ce qu’on va avoir les peines réellement effectuées (…) ? Si on ne l’a pas, l’Observatoire ne sert à rien », assure Fabien Vanhemelryck.
Je pense que le garde des Sceaux ne va pas passer une bonne matinée
Le format assez rigide des tables rondes, avec des temps de parole limités – partagés avec les représentants de la gendarmerie -, pourrait laisser les syndicats sur leur faim à l’issue des échanges. « C’est un format qui est contraint », reconnaît Patrice Ribeiro, du syndicat Synergie-Officiers. « Mais je pense que le garde des Sceaux ne va pas passer une bonne matinée ».
Source : Le Télégramme
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