Automobile : la suppression des ZFE pourrait coûter des milliards d’euros à la France

La suppression des zones à faibles émissions a été adoptée en commission par les députés dans le cadre du projet de loi simplification. Selon une note de la direction du Trésor, cela pourrait remettre en cause le versement d’une partie du plan de relance européen.

Actuellement, les zones à faibles émissions limitent la circulation des véhicules Crit’Air 3 (les voitures diesel immatriculées avant 2011 et les voitures à essence immatriculées avant 2006) à Paris, Lyon, Montpellier et Grenoble. (Laurent Grandguillot/REA)

Par Sébastien Dumoulin

Publié le 2 avr. 2025 à 11:06Mis à jour le 2 avr. 2025 à 11:07

Les gaz d’échappement sont nocifs pour l’environnement et pour la santé. Ils pourraient aussi nuire aux finances publiques. Une note de la direction générale du Trésor, révélée par le média Contexte et dont « Les Echos » ont pu prendre connaissance, souligne le risque financier considérable que représenterait pour la France la suppression des zones à faibles émissions (ZFE).

La fin de ces dispositifs, qui restreignent progressivement l’accès aux grandes villes pour les véhicules les plus polluants, pourrait en effet remettre en cause certaines subventions du plan de relance européen de 2020, selon les experts de Bercy. Pour obtenir quelque 40 milliards d’euros de subsides de Bruxelles, la France s’est en effet engagée à mener une série d’actions, et notamment à créer des zones à faibles émissions de gaz à effet de serre.

Si elle ne respecte pas ce contrat, non seulement le versement des deux dernières tranches d’aides serait possiblement compromis – soit 3,3 milliards d’euros cette année et 6,1 milliards d’euros en 2026 – mais certaines subventions déjà versées pourraient faire l’objet de demandes de remboursement, à hauteur de plusieurs centaines de millions voire un milliard d’euros. « Il est dans l’intérêt des autorités françaises de conserver les dispositions portant sur les ZFE », conclut sans détour la note du Trésor.

Si Bercy se montre aussi pressant, c’est que la probabilité de voir disparaître les ZFE à brève échéance n’a jamais été aussi forte. Mercredi dernier, les députés de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi de simplification de la vie économique ont voté, à la surprise générale, des amendements de la droite et de l’extrême droite supprimant purement et simplement ces dispositifs – cinq ans après leur instauration dans la loi Climat et Résilience (qui reprenait certaines recommandations de la Convention citoyenne sur le climat).

« Dinguerie écologiste »

« Les ZFE sont une mesure de ségrégation à l’égard des habitants de zones rurales, mais aussi à l’égard de ceux qui travaillent », a dénoncé en commission la députée Anne-Laure Blin (DR). « C’est une totale aberration, une dinguerie écologiste », a abondé le député Pierre Meurin (RN), invitant ses collègues à dépasser les clivages partisans pour y mettre un terme.

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La timide protestation du ministre de l’Industrie, Marc Ferracci, n’aura pas suffi à repousser ces attaques. Par 26 voix contre 11 (et 9 abstentions), les élus de la commission spéciale ont choisi de mettre fin aux ZFE. Pour que le dispositif survive, il faudrait désormais que les députés le rétablissent en séance publique, à compter de mardi prochain.

Mais la répartition des votes en commission a de quoi laisser dubitatif sur un tel retournement. Si la suppression des ZFE a été massivement soutenue par la droite et le RN, elle a également convaincu une majorité des élus Horizons et EPR de la commission spéciale. Autrement dit : le gouvernement a été désavoué par ses propres troupes.

Le médical et le financier

Face aux assauts contre les ZFE, la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, veut organiser avec ses collègues Catherine Vautrin (Santé) et François Rebsamen (Aménagement du territoire) un « Roquelaure de la qualité de l’air ». « La pollution de l’air est la cause de plus de 40.000 décès précoces et de multiples pathologies, en particulier chez les plus modestes », rappelle-t-on au cabinet de la ministre.

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Maintenant que cet argument médical se double d’un argument financier (inconnu des députés lors de l’examen en commission), reste à savoir si cela incitera le gouvernement à défendre plus vigoureusement les ZFE lors du débat parlementaire en séance la semaine prochaine. Et ses supposés soutiens dans l’Hémicycle à le suivre. Selon nos informations, la stratégie gouvernementale n’est pas encore arrêtée.

Sébastien Dumoulin

Source : Les Echos

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