Après le rapport d’enquête Jean-Pierre Sueur : « Sur l’affaire Benalla, on a subi des pressions de quatre ministres »
Le sénateur du Loiret à côté d’Alexandre Benalla, lors d’une des deux auditions de la commission d’enquête du Sénat. © Alain JOCARD
Avez-vous parlé à Alexandre Benalla, en dehors de ses deux auditions devant la commission d’enquête ?
« En aucun cas on ne s’est parlé en dehors de la commission. Je l’ai interrogé longuement, avec, je le crois, rigueur, beaucoup de calme et de respect. »
Quelle impression vous a-t-il fait ?
« L’impression de quelqu’un à qui l’on avait prédit beaucoup de choses. Finalement, il a montré une certaine assurance et une capacité au silence, c’est certain… C’est un personnage qui a des ramifications nombreuses et qui a suscité divers dysfonctionnements. »
Était-il un simple collaborateur ou un rouage essentiel de la présidence d’Emmanuel Macron ?
« Il était adjoint au chef de cabinet de l’Élysée, mais jouait un rôle plus important que cela. »
C’est une affaire importante, qui a montré des dysfonctionnements lourds dans l’appareil de l’État. Il faudra en tirer des conséquences.
Comment avez-vous vécu ces six mois d’enquête (*) ?
« Je dis d’abord une chose : heureusement que le Sénat existe. La Constitution française donne au Parlement un pouvoir de contrôle et d’évaluation. La commission d’enquête du Sénat dispose de moyens importants. Elle peut convoquer toute personne et réclamer tout document. Nous avons réalisé 34 auditions, réclamé 500 pages de documents. C’était important, car la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, elle, a explosé en plein vol. Elle n’avait pas l’indépendance (politique, ndlr) requise. Moi je suis au Parti socialiste et j’ai travaillé avec deux collègues Les Républicains dans le seul souci de la vérité et pour faire ensuite des préconisations. »
Avez-vous pu travailler sereinement dans un tel climat de tension ?
« J’ai été sensible à la séparation des pouvoirs. La presse a fait son travail, le Sénat aussi. La preuve, on publie un rapport important. On a subi des pressions de quatre ministres, qui nous ont dit : « N’empiétez pas sur le pouvoir judiciaire ». Nous avons répondu : « N’empiétez pas sur le pouvoir législatif. » «
Des pressions, sous quelle forme ?
« La première fois que l’on a auditionné Benalla, avec un article dans Le Monde où Nicole Belloubet (ministre de la Justice) nous rappelait la Constitution. Je lui ai alors dit, car je la connais bien (c’est une ancienne socialiste, ndlr), qu’on la connaissait bien la Constitution ! Il y a eu aussi Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, qui a dit qu’on voulait destituer le Président, etc. Et des appels téléphoniques, au président du Sénat et à son directeur de cabinet. »
Vous a-t-on appelé directement ?
« Non. »
Est-ce, selon vous, une affaire d’État ?
« C’est une affaire importante, qui a montré des dysfonctionnements lourds dans l’appareil de l’État. Il faudra en tirer des conséquences. »
Florent Buisson
(*) Qu’est-ce qu’une commission d’enquête parlementaire ?
Source : La République du Centre
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