Allemagne: une survivante de l’holocauste condamnée à la vaccination forcée et à l’enfermement fuit son domicile.

Senta Depuydt

Un tribunal allemand cherche à vacciner de force la compositrice juive Inna Zhvenetskaya, survivante de l’holocauste. L’ordonnance, émise le mois dernier, autorise le personnel médical à l’enlever de force de son domicile, en faisant appel à la police si nécessaire, afin de lui administrer deux doses du vaccin COVID19 et de la faire ensuite interner dans l’aile fermée d’une institution psychiatrique.

Un tribunal de la ville allemande de Stuttgart a ordonné la séquestration et la vaccination de force d’une compositrice juive d’origine ukrainienne, survivante de l’Holocauste. Cette incompréhensible décision a heureusement été annulée par une cour d’appel, mais la vieille dame ne se sent plus en sécurité chez elle et a fini par quitter son domicile pour être hébergée par des connaissances, dans un endroit tenu secret. L’idée d’être enfermée et de ne plus pouvoir jouer de la musique la désespère, car c’est ‘ce qui la garde en vie’.

Le média autrichien, qui fut le premier à contacter la vieille dame et qui s’est déplacé pour effectuer un entretien, affirme que, bien qu’elle s’exprime avec une certaine lenteur (en allemand, sa langue principale étant le russe), elle ne souffre pas de problème mental visible et semble avoir un discours tout à fait cohérent. Elle ne semble pas non plus présenter de danger pour elle-même, ni pour autrui.

Comment justifier aujourd’hui l’imposition d’une vaccination forcée, compte tenu de la fin officielle de la pandémie? Il s’agit clairement d’une décision qui ne peut avoir de motif valable, ni sur le plan médical, ni sur le plan juridique. Tout cela sent l’arbitraire et le déni de justice. Le fait que l’ordonnance autorise spécifiquement l’usage de la violence et d’une intervention policière est tout simplement effarant.

Enfermement en aile fermée d’un asile psychiatrique autorisé jusqu’au 05.12.2024 et délai pour faire les deux doses de vaccin covid au plus tard le 16.01.2023

‘Gewalt anwenden’ user de la violence, ‘Unterstützung die Polizei’ …soutien policier. Pour une dame de 86 ans???

Une figure emblématique

Cette dame est-elle une cible particulière en raison de sa personnalité, de ce qu’elle représente, ou peut-être de ses avoirs?

Après avoir passé les années de guerre à se cacher avec sa famille pour éviter les rafles et la déportation, Inna Zhvenetskaya a grandi sous le régime soviétique, d’abord en Allemagne de l’Est à Postdam où elle a entrepris sa formation en musique classique et ensuite à Moscou où elle a connu un certain succès dans l’entourage de grands compositeurs comme Tchaikovsky et Shostakovich. Dans un hommage qui lui est consacré en 2010, l’on apprend que l’artiste, dont l’oeuvre comprend deux opéras, des oeuvres symphoniques, sonates et cycles pour chant, est empreinte de poésie et littérature faisant référence à l’âme des peuples et aux souffrances qu’ils ont vécues.

A titre d’exemple, pour célébrer ses 70 ans (20 janvier 2007) sa maison d’édition avait publié une composition intitulée « Variations pour deux violons sur un thème populaire juif« . Elle avait écrit la pièce 20 ans plus tôt, après avoir été renvoyée ‘sans raison’ (ses origines juives?) de l’académie russe Gnesinka à Moscou, où elle avait enseigné pendant 22 ans, avant d’être ‘chassée de son pays’. L’oeuvre évoque à la fois les lamentations sur le sort des persécutés, et l’étonnement devant leur capacité de résistance, d’ouverture à la vie.

La compositrice s’était ensuite réfugiée en Allemagne à Stuttgart où elle espérait pouvoir poursuivre sa carrière et finir ses jours de manière paisible. Fin 2003, elle avait par exemple écrit une cantate intitulée “Au début Dieu créa la terre et le ciel” pour les jeunesses musicales de la communauté juive de Stuttgart. D’autres titres tels que « Elle ne mourra pas, Russie« , ou « Ecoute, Israël ! » témoignent encore d’une personnalité et d’une oeuvre perpétuant la mémoire des populations persécutées et de leur âme en peine.

Le titre « Nous ne sommes pas des médecins, nous sommes des douleurs« , composé en 2004, est évocateur d’un passé de souffrance où de nombreux médecins ont failli à leur mission première et prend, ironiquement, une dimension toute particulière dans le contexte actuel.

Réactions dans la communauté juive

Choqué par cette affaire, le président de la communauté juive de Bamberg en Bavière, Martin Arieh Rudolph, a envoyé une lettre à son homologue de Stuttgart, Barbara Traub, pour lui demander de venir en aide à madame Zhvanetskaya.

En attendant, en Israël, le quotidien Jeruslam Post a aussi relayé l’information et envoyé une demande de clarification à Michael Blume, le fonctionnaire chargé de la protection de la communauté juive et de la lutte contre l’antisémitisme à Stuttgart, sans obtenir de réponse. Selon le Jewish News Syndicate, Blume avait déjà été dénoncé comme ‘un antisémite qui fait l’inverse de la mission qui lui est attribuée’. C’est le Centre Wiesenthal en Allemagne qui avait porté cette accusation contre le fonctionnaire, plaçant l’Allemagne en 7ème position dans son top 10 de l’anti-sémitisme global, derrière l’Iran et les Bahamas, non seulement seulement pour ses critiques envers le responsable, mais aussi parce que le nombre de violences anti-sémites est en forte hausse, notamment à Berlin.

Il est toutefois intéressant de noter que ce ‘classement de l’anti-sémitisme’ répertorie les ‘anti-vaccins’ en 4ème position pour leur utilisation abusive de la comparaison avec l’holocauste et qu’il fait appel à des images caricaturales dans son exposé. On relève à minima un manque de cohérence, dans le fait de dénoncer la persécution d’une juive par la vaccination forcée comme un acte d’anti-sémitisme, tout en accusant les anti-vaccins d’abuser de la mémoire de la Shoah, lorsqu’ils osent comparer la violence des mesures de réponse à la pandémie avec les méthodes totalitaires du régime nazi.

En évitant de tomber dans les stéréotypes, il faut donc sérieusement se demander ce qui se passe en Allemagne, tout en observant que la communauté juive est elle-même plus divisée que jamais sur les questions de l’anti-sémitisme, du sionisme et de l’agenda politique d’Israël, en particulier dans le contexte de la globalisation et de la pandémie. Car malheureusement, l’anti-sémitisme peut aussi facilement être utilisé comme un bouclier brandi pour interdire toute réflexion par rapport au retour de pratiques totalitaires. Il importe donc de donner la parole à tous ceux qui en ont eux-mêmes été les premières victimes en faisant place à chacun et évitant les conclusions hâtives.

La réaction de Madame Vera Sharav

Dans une interview enregistrée pour Children’s Health Defense, Vera Sharav, une autre survivante de l’holocauste, et présidente de l’Alliance pour la protection dans la recherche humaine (ahrp.org), a d’emblée exprimé sa profonde indignation, en appelant à mettre les politiques de l’Allemagne en question.

Qu’est-ce qui a pu motiver un tribunal allemand à prendre une décision aussi draconienne, et qui fait inévitablement penser au passé abominable de cette nation? S’agit-il à nouveau d’une situation où le pouvoir judiciaire travaille main dans la main avec le gouvernement pour se débarrasser des personnes âgées, considérées comme des ‘bouches inutiles à nourrir’? Que se passe-t-il en ce moment? Pour moi, ainsi que pour d’autres survivants, c’est tout simplement inconcevable. Et pourtant si, voilà un cas bien réel. Cette dame de 86 ans a du fuir son domicile et se réfugier chez des amis. Mais pour combien de temps? J’espère qu’elle va pouvoir quitter le pays et terminer ses jours dans la tranquillité et la sécurité. Car moi, je ne ferai pas confiance aux allemands. Ils peuvent très bien renouveler cette ordonnance et la mettre à exécution. Tout ceci est glaçant. N’ont-ils vraiment rien appris de leur histoire?

Vera Sharav, qui a passé trois années dans des camps et dont l’organisation a précisément pour mission de faire respecter le droit au consentement éclairé dans le domaine de la recherche et de la médecine, était l’invitée d’honneur à Nuremberg lors des 75 ans du fameux Codex. A la surprise générale, son discours qui avait mis en garde contre les dérives totalitaires avait fait l’objet d’une plainte pour ‘violation de la mémoire de la Shoah’ et d’un article incendiaire dans la presse locale (voir mon interview à ce sujet ici). Pour Sharav l’incident de l’été dernier était déjà un signal d’avertissement fort que l’Allemagne est en train d’opérer un glissement dangereux vers le passé.

L’été dernier j’étais à Nuremberg à l’occasion de la commémoration des 75 ans du Code qui consacre le droit au consentement éclairé. Et l’on m’avait déjà attaquée en raison de mon discours. Et voilà que précisément en Allemagne, quelques mois plus tard, les principes du Code sont à nouveau violé, de manière flagrante. Tous les droits des gens sont piétinés, ils sont traités comme de la vermine. Pour moi c’est vraiment très grave. Cela rouvre la question des méthodes de gouvernance de l’Allemagne. Car malheureusement, la seule raison pour laquelle cette histoire a eu des échos dans la presse, c’est parce qu’il s’agit d’une survivante de l’holocauste. Mais en réalité, il y a énormément d’autres personnes âgées, pas que des juifs, des anonymes, dont on se débarrasse de la même manière, en les forçant à entrer dans des institutions où on leur donne des médicaments qui souvent finissent par provoquer une démence ou une mort précoces.

L’historien et politologue allemand Uwe Alschner est lui aussi consterné:

Qu’un tel ordre ait pu être donné par un tribunal allemand, pour moi en tant qu’historien, cela signifie que ce que nous devrions comprendre dans l’holocauste, la signification de la promesse ‘Plus jamais cela’ a complètement disparu. Si les allemands avaient appris quelque chose de l’holocauste, nous n’aurions jamais du voir une décision de ce type prise par un tribunal de notre pays. Au contraire, dans un cas comme celui-ci, où l’on est présence d’une personne qui a déjà été victime de persécution, il aurait fallu être particulièrement attentif. Cela montre aussi que certains juges sont en train de perdre contact avec la réalité. Parce que de toutes façons, la décision qui a été prise ici aurait été inadmissible dans n’importe quel cas. Forcer quelqu’un à se faire injecter et à subir un enfermement, c’est une violation manifeste du Code de Nuremberg. En tant que citoyen allemand, je trouve cela très très préoccupant.

Même vocabulaire, même méthode

Toujours selon Vera Sharav:

Il y a une ressemblance avec ce qui s’est passé en Allemagne durant la montée du nazisme. C’étaient en particulier des psychiatres qui ont participé à la mise en place de l’holocauste en faisant usage d’un vocabulaire similaire où l’on qualifie certaines personnes de représenter ‘un danger pour soi-même et pour autrui’. Et aujourd’hui, lorsque des médecins, des psychiatres ou des lanceurs d’alerte résistent, ils sont également menacés d’enfermement psychiatrique. On a vu cela au Canada par exemple.

Les nazis ont utilisé la médecine et la psychiatrie comme des armes. La même chose se reproduit aujourd’hui. Heureusement, je vois qu’il commence à y avoir des réactions dans certains médias et dans la communauté juive. Heureusement aussi que cette femme ne s’est pas laissée faire.

Je pense qu’en réalité elle a démontré être tout à fait capable de faire un choix médical en refusant ce à quoi elle ne veut pas exposer son corps. Il se fait d’ailleurs qu’elle provient d’une famille de médecins et de pharmaciens et qu’elle est assez éduquée. Elle est donc tout à fait en position de décider de ce qu’elle veut ou ne veut pas laisser entrer dans son corps, tout comme moi. Qu’un gouvernement vienne lui imposer ce qui doit rentrer dans son corps, ce à quoi elle doit se soumettre contre sa volonté, ça c’est tout à fait semblable aux méthodes de la dictature nazie.

Ce qui est certain, c’est que l’absence, voir l’interdiction, de toute réflexion sur ces questions essentielles dans l’espace public démontre à quel point notre démocratie est en péril et à quel point il est essentiel de ne pas alimenter ce qui pourrait mettre le feu aux poudres avec des décisions telles que celle prise par le tribunal de Stuttgart.

Comme le rappelle Vera Sharav, aujourd’hui ce n’est pas uniquement d’un nouvel anti-sémitisme dont il faut s’inquitéter. Il faut se pencher sur la résurgence des méthodes de contrôle totalitaire telles que le risque de voir la psychiatrie se transformer en un instrument de persécution, de répression ou de prédation au service des politiques gouvernementales. Espérons donc que l’histoire de madame Inna Zhvenetskaya contribue à ouvrir les yeux du public sur le ‘changement de culture’ auquel nous assistons.

En hommage à la compositrice et à sa force de vie, voici ‘Variations pour 2 violons sur un thème juif’.

Source : Senta Depuydt

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