Affaire UBS: la demande d’indemnisation de Stéphanie Gibaud rejetée par la justice, « une décision lunaire » pour la lanceuse d’alerte
Stéphanie Gibaud. (Photo de BERTRAND GUAY/AFP via Getty Images)
4 octobre 2023 11:00 Mis à jour: 4 octobre 2023 11:00
En dénonçant les pratiques corruptives de la banque UBS, Stéphanie Gibaud a permis à l’administration de récupérer 1,8 milliard d’euros, mais elle a tout perdu et vit désormais au RSA. De quoi l’inciter à demander une indemnisation de l’État. En vain. Le 27 septembre, la cour administrative d’appel (CAA) de Paris l’a déboutée de sa requête.
Reconnue officiellement lanceuse d’alerte par le Défenseur des droits en 2022, Stéphanie Gibaud est à l’origine des révélations d’un vaste système de fraude fiscale opéré par le géant bancaire UBS dans l’Hexagone. Le 13 décembre 2021, ses informations ont conduit à la condamnation en justice de la banque suisse, permettant ainsi à l’État de recouvrer 1,8 milliard d’euros suite à l’amende infligée par la Cour pour blanchiment aggravé de fraude fiscale et démarchage bancaire illégal (contre 5,5 milliards en première instance).
Dépendante aujourd’hui des minimas sociaux, en incapacité de pouvoir retrouver un emploi, l’ancienne cadre du géant mondial de la gestion de fortune demande à être indemnisée par le ministère des Finances en échange de l’aide apportée. Mais Bercy s’y est opposé en décembre 2020. Motif : les renseignements fournis l’ont été avant le 1er janvier 2017. En vertu de l’article 109 de la loi de finances de 2017, Mme Gibaud ne serait donc pas éligible à un dédommagement. Pourtant, l’administration fiscale a continué de travailler avec elle en 2017 et 2018, en exploitant ses informations.
Parcours juridique du combattant
Saisi par son avocat, Me Antoine Reillac, le tribunal administratif de Montreuil a donné tort au ministère des Finances en juillet 2022. « À la date de la décision attaquée, l’administration ne conteste pas qu’elle exploitait toujours les renseignements fournis par Mme Gibaud. Celle-ci est donc fondée à se prévaloir, par la voie de l’exception, de l’illégalité des dispositions de l’article 4 de l’arrêté du 21 avril 2017 […] et à soutenir que le seul motif de la décision en litige, tiré de l’application de ces dispositions, est lui-même illégal », ont tranché les juges administratifs. Si les magistrats n’ont pas exigé que la lanceuse d’alerte soit indemnisée, ils ont néanmoins demandé à ce que son cas soit de nouveau examiné.
C’était encore trop pour la direction nationale des finances publiques, qui a décidé de faire appel. Le 13 septembre s’est tenue l’audience devant la cour d’appel administrative de Paris. Dans un entretien à Epoch Times, Stéphanie Gibaud nous confiait que « celle-ci s’est déroulée de manière expéditive, en un quart d’heure » et que « le ministère des Finances n’avait même pas jugé utile de se faire représenter », y voyant là un « signe de mépris ».
Le 27 septembre, le verdict est tombé. « L’administration était fondée à rejeter la demande de Mme Gibaud au motif que les renseignements qu’elle avait fournis l’avaient été avant le 1er janvier 2017. […] C’est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a annulé sa décision du 23 décembre 2020 rejetant la demande d’indemnisation présentée par Mme Gibaud », écrit la cour administrative d’appel (CAA) dans son jugement consulté par Epoch Times.
« Quel signe la justice française envoie-t-elle aux citoyens ? »
Un coup dur pour la lanceuse d’alerte. Contactée, cette dernière fustige une décision de justice « lunaire » mais aussi contradictoire avec les jugements précédents. « Quel en est donc l’intérêt ? », s’interroge-t-elle. Et d’ajouter : « À qui dois-je donc demander des dommages et intérêts pour avoir travaillé pour l’État puisque la justice donne raison à Bercy, qui refuse de m’indemniser du préjudice que je subis depuis lors sur un dossier aussi sensible ? »
Alors qu’elle a apporté la preuve de sa collaboration avec l’administration fiscale jusqu’à l’année 2018, Stéphanie Gibaud s’étonne que les juges n’aient pas retenu cet argument : « Sachant que les enquêtes durent des années, comment prouver que les informations que j’ai transmises n’ont pas été utilisées après 2017, comme le prétend Bercy ? » Et de rappeler que son nom et sa fonction sont mentionnés pas moins de 50 fois dans le jugement de 2021 condamnant UBS France, UBS AG (Suisse) et les dirigeants d’UBS dans le dossier de fraude fiscale et de blanchiment de capitaux.
Martelant que certains fraudeurs fiscaux figurant sur la liste des 40.000 et proches de hauts fonctionnaires auraient tout intérêt à faire pression sur Bercy pour empêcher que sa procédure ne débouche sur une issue favorable, la lanceuse d’alerte, qui rappelle que l’État l’a contrainte à coopérer, demande : « Par cette décision, quel signe la justice française envoie-t-elle aux citoyens ? »
Source : Epochtimes
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